Impact de l’organisation : mesure de la charge
cognitive et phase de transfert
Un mode d’organisation aléatoire exige davantage de ressources qu’un mode d’organisation hiérarchisé ce qui pénalise la réussite des participants. Dans l’étude de de Croock et van Merriënboer (2007), les participants confrontés à une présentation aléatoire (situation de forte interférence) rapportent, à l’aide d’une échelle subjective, un effort mental plus important que les participants confrontés aux mêmes problèmes groupés (situation de faible interférence). Les auteurs relèvent, également, que lors d’un second test, réalisé deux semaines après la première tâche, les participants de la condition aléatoire ont besoin de plus de temps pour réaliser le test que les participants de la condition groupée et que de plus, ils résolvent moins de problèmes. La présentation aléatoire des problèmes dans la première phase pénalise la réussite dans la seconde phase. Au regard de cette étude et afin de mieux cerner l’impact d’un mode d’organisation hiérarchisé, nous menons une seconde expérience. Celle-ci a été mené afin de : 1) Évaluer la charge cognitive liée à chaque mode d’organisation à l’aide d’une double tâche. Le protocole de la double tâche est basé sur l’hypothèse de la capacité limitée de la mémoire de travail, les ressources pouvant être attribuées de manière flexible (Baddeley, 1986). Si deux tâches sont proposées en simultané, les performances pour la tâche secondaire dépendent des ressources requises pour la réalisation de la première tâche. Plus la tâche principale est exigeante en ressources, moins il reste de ressources pour la seconde tâche, et plus, les performances seront moindres (cf. Brünken, Steinbacher, Plass & Leutner, 2002, pour exemple). De nombreuses études suggèrent que la performance à une seconde tâche peut être utilisée comme un bon indicateur de la charge cognitive liée à une tâche principale (Chandler & Sweller, 1996 ; Kalyuga & al., 2001 ; Pass & al., 2003, notamment). Notre hypothèse est que les participants confrontés à une présentation hiérarchisée des problèmes sont soumis à une plus faible demande de ressources cognitives. Ils obtiendront des temps de réaction, pour la seconde tâche (détection d’une lettre), plus courts que les participants qui se sont vus présenter les mêmes problèmes de manière aléatoire. 2) Évaluer le transfert des connaissances acquises lors de la résolution de problèmes (première phase) liée à chaque mode de présentation. Notre hypothèse est que les participants de la condition aléatoire réussiront moins de problèmes de transfert que les participants de l’autre condition. Pour cette seconde expérience, nous utilisons un protocole proche de celui utilisé dans la première expérience. Nous ajoutons une seconde tâche ainsi qu’une seconde phase comprenant plusieurs problèmes tests.
Méthode
Participants
60 étudiants en psychologie (dont 15 garçons ; âge moyen 19 ans et 6 mois ; écart type 8 mois) de l’Université de Bourgogne ont participé volontairement à cette seconde expérience. Un point d’expérience leur était accordé (soit 0.25 pts sur leur moyenne de TD). Ils sont non naïfs puisqu’ils connaissent et pratiquent tous le jeu du Démineur©. Les participants sont répartis équitablement entre les deux conditions expérimentales. Dans la première, ils sont confrontés aux problèmes présentés de manière aléatoire; dans la seconde, ils sont confrontés aux mêmes problèmes, présentés de manière hiérarchisée (suivant l’ordre de difficulté).
Matériel
Les problèmes utilisés sont les mêmes que ceux utilisés dans l’expérience précédente. Nous utilisons notre didacticiel pour présenter les problèmes l’un après l’autre. Nous ajoutons à la tâche de résolution de problèmes une seconde tâche afin de mesurer la charge mentale liée à la résolution de problèmes. Cette seconde tâche consiste à appuyer, le plus vite possible, sur la touche ‘échap’ du clavier quand au cours de la tâche un ‘A’ apparaît au centre de l’écran (Figure 43). La lettre ‘A’ apparait de manière aléatoire (temps entre chaque apparition variable), en superposition de l’écran de présentation des problèmes. La phase de transfert se compose de quatre nouveaux problèmes, issus du jeu du Démineur©, de difficulté équivalente (Figure 44)
Procédure
Les passations se sont déroulées dans une salle expérimentale du laboratoire de psychologie cognitive de l’Université de Bourgogne (LEAD). Elles sont individuelles et informatisées. Elles durent quinze minutes. En plus de la tâche de résolution de problème, la seconde tâche est imposée aux participants. En fin de passation, après une brève pause, les participants se voient confrontés aux quatre nouveaux problèmes l’un après l’autre (à l’aide de notre didacticiel), de manière contrebalancée. Dans chaque condition, la qualité de la réponse (réussite ou échec) pour tous les problèmes (apprentissage et transfert) et le temps de réponse pour la seconde tâche (entre l’apparition de la lettre et l’appui sur la touche ‘échap’) sont pris en compte.
Discussion de l’expérience 4
Cette expérience avait deux objectifs : 1) évaluer la charge cognitive liée aux deux modes d’organisation ; 2) tester la réussite des participants face à de nouveaux problèmes en fonction du mode d’organisation rencontré dans la première phase. Les résultats confirment l’effet positif du mode d’organisation ordonné sur la résolution de problèmes. Les participants résolvent davantage de problèmes en condition hiérarchisée. Bien que la différence de performance entre les deux conditions ne soit pas corrélée avec une différence de charge cognitive, elle s’accompagne de davantage de réussite aux problèmes de transfert pour les participants de la condition hiérarchisée. Cette étude réplique donc les résultats obtenus dans l’expérience n°3. Organiser les problèmes du plus facile au plus difficile favorise la résolution de davantage de problèmes comparé à une présentation aléatoire des mêmes problèmes. Cependant, la charge cognitive liée à chaque mode d’organisation ne diffère pas significativement. Ceci suggère que ce n’est pas la charge cognitive induite par le mode d’organisation qui influence la réussite mais que l’utilisation d’un mode d’organisation hiérarchisée semble compenser l’augmentation de difficulté.Ce mode d’instruction favorise l’élaboration de connaissances. La proximité des problèmes incitent les participants à les comparer et donc à extraire des règles de résolution générales leur permettant de résoudre les nouveaux problèmes et d’optimiser leur traitement. La procédure utilisée peut être remise en cause. L’utilisation d’une seconde tâche pour mesurer la charge cognitive d’une tâche principale est basée sur l’hypothèse de ressources cognitives limitées liée à une mémoire de travail limitée (Logie & al, 1989). La tâche principale mobiliserait une large partie des ressources tandis que le reste serait alloué à la seconde tâche. Cette hypothèse peut s’illustrer par la Figure 48. Si la tâche principale exige beaucoup de ressources cognitives, peu de ressources peuvent être allouées pour une seconde tâche d’où une moins bonne performance à la seconde tâche.