Impact de la nature du charbon
Caractérisation des charbons Il a été montré dans le chapitre I que le terme générique de charbon regroupe un ensemble de matériaux dont l’hétérogénéité provient d’une part de la provenance géographique et des composés organiques dont ils sont issus, et d’autre part des conditions de houillification qu’ils ont subies, et de leur degré de maturité notamment. Composé d’une fraction minérale et d’une fraction organique, un charbon peut être entre autres caractérisé par son rang [9,10]. Pour cette étude, les caractérisations effectuées sur les charbons sont les suivantes : analyses élémentaires, analyses physiques, analyses pétrographiques et analyses par spectroscopie infrarouge. Ces analyses devraient permettre de différencier les charbons en vue d’une corrélation avec leur réactivité en liquéfaction. Il est à noter que l’Illinois n°6 est un charbon bien connu de la littérature. Une revue récente présente les différentes caractérisations ayant été réalisées sur ce charbon [178]. Cependant, bien que de même provenance, des différences compositionnelles ont été relevées entre le charbon Illinois n°6 utilisé dans ces travaux et celui de la littérature. Ainsi, l’Illinois n°6 utilisé pour ces travaux semble beaucoup plus riche en cendres que celui de la littérature (Argonne program). Ces différences peuvent provenir d’une différence sur le lieu précis d’extraction (veine, mine), ou sur la méthode d’échantillonnage employée par exemple. C’est pourquoi, cette partie ne présentera pas de comparaison directe entre les analyses réalisées durant la thèse et les valeurs trouvées dans la littérature. 1.1. Analyses élémentaires Les analyses élémentaires CHONS des charbons ont été effectuées sur le charbon séché (sous air, donc partiellement oxydé, voir chapitre II), incluant la fraction minérale. Le complément à 100 de cette analyse est donc composé des métaux de la partie minérale du charbon. Les teneurs présentées dans le Tableau 22 avaient été ramenées par calcul à 100% pour pouvoir êtres comparées en base sèche et sans cendres. Ce calcul implique une approximation en ce qui concerne la teneur en soufre. En effet, la teneur en soufre mesurée inclut le soufre pyritique (la pyrite a pour formule FeS2), c’est-àdire le soufre inorganique. Le soufre « organique » calculé est donc surestimé, notamment dans le cas du charbon Illinois n°6, dont la teneur en fer est plus importante que dans le cas des autres charbons (voir partie 1.2).Les charbons colombien et écossais sont proches en termes de composition élémentaire, à l’exception du soufre, dont l’écossais est moins riche (0.45%m/m contre 0.79%m/m). Le charbon Illinois n°6 se distingue par une teneur en hydrogène assez élevée (rapport atomique H/C de 0.97), mais également un rapport O/C (0.19) et une teneur en soufre (3.33%m/m) élevés. Enfin, le sudafricain possède le plus faible rapport H/C (0.71) ainsi que des teneurs intermédiaires en oxygène (14.12%m/m) et soufre (0.90%m/m). C’est également le charbon le plus azoté (2.03%m/m). Les quatre charbons présentent donc une variabilité significative en termes de composition élémentaire. 1.2. Analyses physiques et composition des cendres Les analyses physiques et la composition des cendres sont données dans le Tableau 63. Là encore, les charbons présentent des variations de propriétés notables. Toutefois, il est difficile d’observer une même tendance pour chaque caractérisation présentée. Le charbon sud-africain se démarque tout de même, avec la teneur en matières volatiles la plus faible (21.7%m/m) et le taux de cendres le plus élevé (11.5%m/m). Le charbon écossais est particulièrement pauvre en cendres (2.6%m/m), mais, concernant les matières volatiles, il est assez proche de l’Illinois n°6 (de l’ordre de 37 à 39%m/m). Les pouvoirs calorifiques inférieurs sont dans la gamme 23.5-31.0 MJ/kg, le charbon écossais se démarquant en ayant la valeur la plus élevée. La variabilité de l’humidité n’est pas à prendre en compte puisque les charbons ont été utilisés secs. En ce qui concerne les éléments présents dans les cendres, on trouve majoritairement le silicium, l’aluminium et le fer, ces trois éléments représentant plus de 90% des cendres pour tous les charbons.
Analyses pétrographiques
Les analyses pétrographiques des quatre charbons sont présentées dans le Tableau 64. Elles ont été réalisées selon la norme ISO 7404-33 pour l’analyse macérale et ISO 7404-53 pour l’analyse du pouvoir réflecteur, par les laboratoires LAOP (Laboratories for Applied Organic Petrology, Tübingen, Allemagne). Les groupes macéraux (appelés ici macéraux) (voir chapitre I) sont des fractions du charbon provenant de débris végétaux différents. Des différences très marquées peuvent être relevées : le charbon sud-africain contient 34.1%v/v de vitrinite, le charbon écossais 69.0%v/v, le charbon colombien 71.0%v/v et le charbon Illinois n°6 77.4%v/v. Les teneurs en inertinite suivent un ordre inverse. Les compositions minérales sont également variées, le seul minéral présent dans les quatre charbons étant la pyrite, à des teneurs comprises entre 0.6 et 1.8 %vol/vol, suivant l’ordre charbon écossais < charbon colombien < charbon sud-africain < charbon Illinois n°6. Le pouvoir réflecteur de la vitrinite (P.R.V.) varie de 0.52 (Illinois n°6) à 0.64 (colombien). Ces valeurs permettent de déterminer le rang du charbon dans certaines classifications (voir partie 1.5).
Analyses en spectroscopie infrarouge
Les techniques les plus couramment utilisées pour la caractérisation structurale des charbons sont la résonance magnétique nucléaire (RMN) et la spectroscopie infrarouge (IR) [9,12,16-18]. Dans le premier cas, la sensibilité des signaux aux interférences provoquées notamment par la présence de fer complique la caractérisation, et une approche quantitative n’est pas envisageable sans méthode dédiée, ce qui nécessite dans le cas de cette étude de faire appel à un laboratoire extérieur. Ces analyses n’ayant pas été jugées prioritaires, la RMN n’a pas été utilisée pour déterminer la nature du squelette hydrocarboné des charbons. La spectroscopie infrarouge a été utilisée, couplée à la technique d’ATR (Attenuated Total Reflectance), qui permet d’utiliser l’analyte directement, sans préparation. La Figure 148 illustre le principe de la méthode. Un faisceau infrarouge passe à travers un cristal de manière à être réfléchi au moins une fois sur la surface en contact avec l’échantillon, le rayon pénétrant ainsi les premiers nanomètres de la surface de celui-ci [179]. Les résultats semi-quantitatifs sont donnés dans le Tableau 65, et les spectres correspondant sont fournis en Annexe 7. Le charbon sud-africain est le plus aromatique, et comporte également le plus de doubles liaisons carbone-oxygène. Ce résultat confirme ce que montre le rapport H/C présenté dans le Tableau 22. De plus, on peut supposer un lien entre l’aromaticité et la composition macérale car le charbon sud-africain possède aussi une teneur en inertinite plus élevée. Cela semble indiquer que l’inertinite est plus aromatique que les autres macéraux, ce que rapporte la littérature [180-182]. Le charbon Illinois n°6 se démarque quant à lui par un grand nombre de liaisons simples oxygènehydrogène.
Conclusion : rang et classification
Les données analytiques présentées dans les parties précédentes ont permis de montrer que si les charbons utilisés sont très différents (ce qui devrait permettre d’observer des différences de réactivité), ces différences sont cependant multiples et il sera impossible de les découpler. Néanmoins, il est intéressant de se référer aux systèmes de classement existants dans la littérature. Tout d’abord, les quatre charbons ont été placés dans un diagramme de Van Krevelen, qui donne en abscisses le rapport atomique oxygène/carbone et en ordonnées le rapport atomique hydrogène/carbone (Figure 149). Les indications de rang dans ce graphique sont approximatives et ne permettent pas de conclure de manière définitive sur le rang des charbons. Ceci est d’autant plus vrai que les analyses CHONS utilisées ici ont été réalisées sur le charbon sec (légèrement oxydé), ce qui augmente le rapport O/C. En toute rigueur, il faudrait utiliser les rapports O/C et H/C déterminés à partir du charbon brut, moyennant une correction de l’humidité. Cette méthode n’a pas été retenue car l’idée était de comparer les charges utilisées en liquéfaction, telles qu’oxydées, et non les charbons eux-mêmes. Ainsi, la Figure 149 montre que le charbon Illinois n°6 « sec » semble le moins mature des quatre charbons sélectionnés, les trois autres étant (dans ce système) relativement proches.