LE CONCEPT DE LITTÉRATIE
Il existe de multiples définitions de la littératie, car le concept est complexe, englobe plus ou moins de compétences et est dynamique dans le temps.
Ainsi en France, on utilise très peu ce concept de littératie, auquel on préfère les termes d’illettrisme ou d’analphabétisme.
Les pays nord-américains (États-Unis et Canada principalement) se sont penchés dès les années 1990 sur le problème de la littératie et son impact sur la société. Les termes de literacy et literacies ont été utilisés initialement pour qualifier le niveau d’alphabétisation de la population et sa définition était restreinte aux compétences techniques de lecture et d’écriture. La définition a évolué au cours du temps, la littératie n’étant plus simplement limitée à une compétence technique mais intégrant aussi des compétences cognitives (compréhension et apprentissage) et socioprofessionnelles (communication dans la société, aptitude à gérer sa santé ou encore productivité professionnelle). Un Groupe d’experts canadiens sur la littératie en santé la définit comme « la capacité de comprendre et d’utiliser la lecture, l’écriture, la parole et d’autres moyens de communication pour participer à la société, atteindre ses objectifs personnels et donner sa pleine mesure ». Pour l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE), la littératie est la «capacité à comprendre et à utiliser l’information contenue dans des textes écrits dans divers contextes pour atteindre des objectifs et pour développer des connaissances et des aptitudes. Il s’agit d’une exigence de base pour développer des compétences de plus haut niveau et pour atteindre des résultats positifs en termes économiques et sociaux.» Des études ont montré que la compréhension de l’écrit est étroitement liée à des résultats satisfaisants au travail, dans la vie sociale, et à l’apprentissage tout au long de la vie.
LA LITTÉRATIE EN SANTÉ
Le concept de littératie a évolué au cours des décennies. De la simple capacité technique à lire-écrire, la définition de la littératie englobe désormais les notions d’apprentissage et de compétences cognitives, de communication avec la société et d’accomplissement dans la vie personnelle.
Dans son rapport avec la société, la notion de littératie se décline ainsi selon les domaines d’étude: on parle de littératies multiples (littératie financière, littératie juridique, littératie scolaire, littératie politique, littératie en santé…). En 1998, l’OMS définit la littératie en santé comme « Les aptitudes cognitives et sociales qui déterminent la motivation et la capacité des individus à obtenir, comprendre et utiliser des informations d’une façon qui favorise et maintienne une bonne santé ». Or cette définition ne prend pas en compte les relations des usagers avec le système de soins et le fait que, pour comprendre les informations médicales, il faut qu’elles soient données de façon intelligible par les différents acteurs de santé.
Ainsi, l’Association Canadienne de Santé Publique a proposé cette définition : La littératie en santé est la capacité pour un individu «de trouver, de comprendre, d’évaluer et de communiquer l’information de manière à promouvoir, à maintenir et à améliorer sa santé dans divers milieux au cours de la vie».
Pour différencier les différents niveaux de capacités de littératie en santé, Nutbeam a proposé en 2000 une classification, actuellement toujours utilisée par les équipes de recherche sur la littératie :
La littératie en santé FONCTIONNELLE : compétences de base en lecture et écriture, permettant d’utiliser les supports de santé (comme lire une prescription, une notice de médicament, prendre un RDV ou s’orienter dans un hôpital).
La littératie en santé COMMUNICATIVE : compétences cognitives et en littératie plus avancées, permettant de participer activement à sa santé, de savoir extraire des informations et leurs différentes significations applicables de diverses sources et d’utiliser ces nouvelles informations dans des contextes variables
La littératie en santé CRITIQUE : capacités cognitives avancées qui, associées à des compétences sociales, permettent d’évaluer de façon critique la qualité des informations et d’utiliser ces informations pour exercer un meilleur contrôle sur la santé.
HISTOIRE DE L’ILLETTRISME
Jusqu’aux années 1980, l’analphabétisme est considéré comme un phénomène marginal, ne touchant que la population immigrée et n’ayant jamais été scolarisée ou scolarisée hors de France. Le terme «illettrisme» est un néologisme apparu en 1978 dans un rapport sur la pauvreté du mouvement ATD-Quart Monde. Il désigne les personnes ayant été scolarisées en France dont les connaissances à l’écrit sont insuffisantes et dont la proportion est jugée inquiétante dans la population française de l’époque. Il est créé pour alerter l’opinion publique, le terme «analphabétisme», jugé péjoratif, étant utilisé pour désigner les migrants sans parcours scolaire. En 1984, devant l’ampleur sociale et politique du problème de l’illettrisme, un groupe interministériel est créé : le GPLI (Groupe Permanent de Lutte contre l’Illettrisme). Il est chargé de recenser et regrouper les diverses actions mises en œuvre par les services gouvernementaux et les autres acteurs de la lutte contre l’illettrisme. Il deviendra un groupement d’intérêt public en 2000 : ANLCI (Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme). En juillet 2002, le Premier Ministre a inscrit la lutte contre l’illettrisme dans les priorités de l’action gouvernementale. «Agir ensemble contre l’illettrisme» fut Grande cause nationale 2013.
LITTÉRATIE ET IMPACT SUR LA SANTÉ
Le faible niveau de littératie (et à fortiori de littératie en santé) est une inégalité sociale qui complique l’accès et le recours aux soins.
Le Programme d’évaluation des compétences des adultes en littératie a évalué la santé déclarée des participants : les adultes ayant un faible niveau de littératie sont plus susceptibles de déclarer être en mauvaise santé que ceux ayant un niveau plus élevé.
Les interactions entre le niveau de littératie et la santé de la population sont complexes et difficiles à réellement évaluer.
Il a néanmoins été établi dans de nombreuses études que le faible niveau de littératie impacte négativement : la participation à la promotion et la prévention en santé, la gestion des risques en santé (comme un taux de tabagisme plus important), le nombre d’accidents de travail, la gestion des maladies chroniques (notamment le diabète, le VIH, l’asthme), la prise des médicaments et la compliance thérapeutique, le nombre d’hospitalisations et de ré-hospitalisations, la morbidité et le nombre de décès prématurés, les coûts de santé (aux USA, en 2007, ils auraient représenté 7 à 17% des dépenses de santé).
Il s’agit donc d’une inégalité sociale dont on parle peu en France mais qui devrait être un axe majeur des politiques de santé.
Table des matières
I. Introduction
II. Contexte
A. Le concept de littératie
B. La littératie en santé
C. L’exception française : La notion d’illettrisme
1. Définitions
2. Histoire de l’illettrisme
3. Prévalence
4. Causes de l’illettrisme
D. Évaluation internationale des niveaux de littératie des populations
1. Résultats globaux
2. Résultats en fonction des données démographiques
E. Littératie et impact sur la santé
F. Les différents tests validés pour évaluer le niveau de littératie
1. Le test REALM (Rapid Estimation of Adult Literacy in Medicine)
2. Le test TOFHLA (Test Of Functional health Literacy in Adults)
3. Le test NVS (Newest Vital Sign)
III. Méthode
A. Mots-clés
B. Équation de recherche
C. Critères d’exclusion
IV. Résultats
A. Communication médecin-malade à faible niveau de littératie : freins et moyens d’amélioration
1. Les freins
2. Les pistes possibles pour améliorer la communication
B. Communication médecin-malade à haut niveau de littératie
V. Discussion
A. Critique
1. Critique de la méthode
2. Critique des études sélectionnées
B. Discussion des résultats
VI. Conclusion
VII. Annexes
A. ANNEXE 1 (REALM)
B. ANNEXE 2 (REALM-SF)
C. ANNEXE 3 (REALM-R)
D. ANNEXE 4 (NVS)
E. ANNEXE 5 (tableau récapitulatif des articles sélectionnés)
VIII. Bibliographie