Immobilisation de Polyoxométallates dans des Metal-Organic Frameworks pour la Photocatalyse Hétérogène

Immobilisation de Polyoxométallates dans des
Metal-Organic Frameworks pour la Photocatalyse
Hétérogène

Repères bibliographiques 

Les Polyoxométallates 

Les PolyOxoMétallates (POMs) sont des clusters moléculaires d’oxydes de métaux de transition à haut degré d’oxydation. Ils sont constitués de l’assemblage de polyèdres MOx (M = MoVI, WVI ou VV en général), dont le domaine de stabilité en pH se situe à michemin entre l’ion métallique isolé en solution et l’oxyde métallique solide infini (Figure 1.1). Figure 1.1 : Exemple de POM (Mo6O19), espèce moléculaire entre l’ion métallique MoO4 2- et le solide MoO3. La découverte du premier POM date de 1826. Il s’agit du dodécamolybdate d’ammonium (NH4)3[PMo12O40], synthétisé et décrit par Berzelius.1 Sa structure ne sera déterminée qu’en 1933 par Keggin,2 et celle-ci porte maintenant son nom. Depuis de très nombreuses structures de POMs ont été identifiées. S’il est possible de former des entités moléculaires uniquement avec des polyèdres MOx (M= Mo, W ou V) pour former les isopolyanions, la famille des POMs est bien plus large. Par exemple, les hétéropolyanions sont constitués par la connexion des octaèdres de molybdène ou de tungstène autours d’un ou plusieurs tétraèdres XO4 ou XO6 où X est généralement un élément du bloc p (Si, P, B, As, Ge, Al) ou un métal de transition (par exemple Mn). On relèvera trois structures principales présentées sur la Figure 1.2, les POMs Keggin de formule abrégée XM12, Dawson X2M183 et Anderson XM6.4–6 Contexte bibliographique 9 Figure 1.2 : Représentation polyédrique des hétéropolyanions de type Keggin (XM12), Dawson (X2M18) et Anderson (XM6). X se situe au centre des tétraèdres jaunes ou de l’octaèdre violet, M est au centre des octaèdres verts ou oranges. A partir de ces hétéropolyanions dit saturés, il est possible en modifiant les conditions de synthèse et en particulier le pH, d’obtenir des POMs insaturés, appelés aussi POMs lacunaires, de type Keggin et de formule abrégée PMn (M = Mo ou W, 9 ≤ n < 12) ou Dawson P2Mn (M = Mo ou W, 12 ≤ n < 18). La structure diffère alors par la soustraction d’un ou plusieurs octaèdres MO6. Il est alors possible d’utiliser ces POMs lacunaires comme un ligand de métaux de transition. Dans le cas du POM PM11 il est ainsi possible de remplacer l’atome manquant par un métal de transition pour retrouver la structure du POM Keggin. Le POM PM9 forme des structures composées de deux POMs séparés par 2,7,8 49,10 ou 611 métaux de transition qui viennent se placer entre les deux POMs. Cette structure est appelée POM sandwich (Figure 1.3). Il en va de même pour les POMs Dawson lacunaires qui peuvent eux aussi être utilisés comme ligand. 10 Figure 1.3 : Exemples de structures utilisant un POM lacunaire comme ligand, formant ainsi un POM Keggin un sandwich à base de Keggin ou un sandwich à base de Dawson. Les octaèdres verts représentent les polyèdres {WO6}, les sphères ou tétraèdres roses l’hétéroatome X et les sphères bleues les métaux de transition M. L’assemblage de métaux de transitions et de POMs lacunaires va plus loin que les espèces dimériques présentées ici. Il forme même une famille extrêmement variée de différentes structures utilisant un grand nombre des éléments du tableau périodique dont la description intégrale n’a pas sa place dans ce chapitre. Cette grande diversité de structures et la possibilité de travailler avec un grand nombre d’éléments du tableau périodique permet d’utiliser les POMs pour un large éventail d’applications. Notamment la possibilité d’assembler des atomes paramagnétiques dans des géométries fixes va permettre d’optimiser les interactions entre atomes et donc de développer des molécules aimants.12–15 De plus, les POMs ont une forte absorbance dans l’UV. Lorsqu’ils sont associés avec des groupements organiques, ils peuvent également interagir avec la lumière visible. Ainsi de nombreux POMs sont étudiés pour leurs propriétés en fluorescence, photo-sensibilisation16 ou photochromisme.17–19 Le molybdène étant un élément biologique, les POMs à base de molybdène sont également utilisés pour des applications dans le domaine de la santé.20,21 Une propriété des POMs qui va nous intéresser dans cette thèse est la possibilité de les utiliser en catalyse. Plus précisément, de nombreux POMs présentent en surface des atomes d’oxygène capables d’être protonés ou des protons labiles. Les POMs peuvent ainsi être impliqués dans les réactions de catalyse acido-basique.22 De plus, le Contexte bibliographique 11 grand nombre d’atomes à haut degré d’oxydation présents dans chaque POM leur permet d’intervenir comme réservoirs d’électrons.23 Il s’y ajoute la possibilité de les apparier avec des métaux de transition et donc de former des catalyseurs pour des réactions pluri-électroniques,24–27 comme la réduction des protons ou l’oxydation de l’eau,16,28 qui vont nous intéresser plus particulièrement. 

Les Metal-Organic Frameworks

 Les Metal-Organic Frameworks (MOF) sont des polymères de coordination cristallins et poreux. Décrits pour la première fois en 1992,29 ils résultent de l’assemblage de ligands polydentates le plus souvent rigides associés à des nœuds métalliques, sous forme d’ions ou de clusters (Figure 1.4). Figure 1.4 : Formation du réseau d’un MOF par alternance d’un nœud métallique et d’un ligand polydentate. La variété de géométrie que peut offrir le ligand organique en termes de longueur et de nombre de sites chélatants associée à la bibliothèque de nœuds possibles a assez rapidement amené à une très large famille de solides poreux à charpente hybride. Dans ce chapitre seront présentées uniquement les structures de MOF les plus classiques qui sont aussi celles qui seront discutées au cours des différents chapitres de cette thèse. En premier lieu, on peut citer le MOF-5,30 formé de l’assemblage de nœuds Zn4 avec un ligand BDC (benzène-1,4-dicarboxylate) pour constituer des cages de forme cubique. Un autre MOF robuste est le HKUST-131 (HKUST = Hong-Kong University of Science and Technology) qui résulte de l’assemblage de dimères de cuivre avec le BTC (benzène1,3,5-tricarboxylate). L’UiO-6632 (UiO = Universitatet i Oslo) est un assemblage de nœuds zirconium avec le BDC ; il possède la même structure que l’UiO-67 réalisé avec le 12 4,4’-dibenzènecarboxylate. Enfin, les MIL-100 et MIL-10133 (MIL = Matériau de l’Institut Lavoisier) développés à Versailles résultent de la polymérisation du BDC ou du BTC avec des ions Cr3+, Fe3+ ou Al3+. Les points communs de ces six MOFs, dont quatre des structures sont représentées sur la Figure 5, sont leur facilité de synthèse, leur stabilité, et la possibilité de modifier les ligands du réseau pour y inclure des groupes fonctionnels relativement facilement. Tout cela peut expliquer l’engouement des laboratoires pour ces MOFs dès les années 2000. L’intérêt pour ces structures est multiple : par définition, les MOFs sont poreux, et même micro-poreux, ce qui permet de réaliser de la chimie en milieu confiné. De plus, cette porosité et la faible densité du réseau principalement composé de molécules organiques amènent à de très grandes surfaces spécifiques. Enfin la cristallinité et la relative rigidité des MOFs leur permettent d’être facilement modélisés et étudiés d’un point de vue théorique. Figure 1.5 : Structure des principaux MOFs exploités dans la littérature. De même que pour les POMs, une si grande famille de composés permet d’utiliser les MOFs pour une grande variété d’applications. Leur grande porosité peut ainsi être exploitée directement pour le stockage ou la séparation de gaz comme cela a été étudié pour le CO2, 34,35 les alcanes légers,36 H2 , 37,38 H2S 39 ou le méthane.40 Cette propriété a ainsi mené à la première exploitation commerciale des MOFs pour l’émission contrôlée d’éthylène,41 gaz permettant une meilleure conservation des… pommes (!). Enfin, la grande diversité de nœuds métalliques utilisables permet au MOF de bénéficier de la grande diversité de propriétés physiques des métaux de transition comme le magnétisme,42 ou la fluorescence.43 Les MOFs sont à présent également étudiés dans le domaine pharmaceutique.44 Contexte bibliographique 13 C. Les MOFs à base de zirconium et porphyrine Dans le cadre de cette thèse, le but est de travailler avec un MOF capable de jouer à la fois le rôle de photosensibilisateur et le rôle d’hébergeur du catalyseur grâce à sa porosité. C’est pourquoi nous nous sommes tournés vers l’usage de la porphyrine comme ligand. Parmi les MOFs porphyrines, il existe une famille de matériaux relativement stables, ce sont les MOFs au zirconium. Il existe cinq MOFs à base de porphyrine et de zirconium, découverts en partie par Hong-Cai Zhou (série des PCN pour Porous Coordination Network), par Omar Yaghi (série des MOF) et Shengqian Ma (série des MMPF pour Metal-MetalloPorphyrin Framework) (Figure 1.6). Les MOF-525 (ou PCN-221)45–49 et PCN-22450 assemblent les ligands porphyrines et les nœuds zirconium au sein d’une structure cubique. La différence entre les deux phases est la présence de tunnels dans un cube sur deux pour le PCN-224 comparé au MOF-525 dont les pores sont fermés sur toutes les faces par la porphyrine. Les MOF-545 (ou PCN-222 ou MMPF-6)45,51–53 et PCN-22354 possèdent une structure hexagonale. A nouveau, la différence entre les deux phases réside dans l’existence d’un pore hexagonal ouvert en forme de tunnel dans le MOF-545 qui est divisé en 6 tunnels triangulaires plus petits dans le cas du PCN-223. Enfin le PCN-22555 a une structure dont les pores sont de forme isocèle et de plus petite taille. Figure 1.6 : Structure cristallographique des 5 MOFs porphyrinezirconium décrits dans la littérature. Ces MOFs sont utilisés dans la littérature pour des applications dans des réactions photo-chimiques : utilisation de la lumière pour de la catalyse organique,51 dégradation de gaz toxiques,56 réduction du CO2 52 en acide formique ou sonde pH fluorescente.

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Présentation du projet 

Le dihydrogène pour stocker l’énergie d’origine renouvelable 

En France, la production d’origine électrique se fait entre 70 et 80 % à partir de l’énergie nucléaire. Le parc nucléaire français étant vieillissant, la population étant de plus réticente à la construction de nouvelles centrales, il est probable que le pays soit amené à changer son mode de production d’énergie. Le retour aux sources d’énergie fossile n’est pas souhaitable pour des raisons écologiques et stratégiques. Il semblerait donc que l’exploitation de sources d’énergies renouvelables soit amenée à se développer. Parmi celles-ci, l’éolien et le solaire ont le plus grand potentiel de développement, les sites exploitables pour la construction de barrages hydro-électriques étant déjà exploités en majorité. Mais aussi bien l’éolien que le solaire présentent un souci majeur pour une exploitation continue : ces deux sources d’énergies sont intermittentes. Typiquement, dans le cas du solaire, par exemple, pour une utilisation à grande échelle il va devenir nécessaire de stocker l’énergie collectée le jour pour la nuit, et même l’été pour l’hiver. Une façon de stocker cette énergie pourrait se faire sous forme de dihydrogène. Il s’agit d’une molécule ayant une densité énergétique plus élevée que les carburants traditionnels, qui peut s’obtenir par électrolyse de l’eau pour former d’un côté, le dihydrogène et, de l’autre, du dioxygène. A l’inverse, l’énergie stockée peut être récupérée soit par combustion sous forme de chaleur soit grâce à une pile à combustible sous forme d’électricité. Cette solution, en plus de permettre le stockage de grande quantité d’énergie, permet de stocker cette énergie longtemps, par exemple de l’été vers l’hiver. La production de dihydrogène peut se faire par électrolyse de l’eau à partir d’énergie électrique, produite idéalement à partir de sources d’énergie renouvelable comme le solaire. Mais au lieu de faire une production en deux étapes (solaire vers électrique puis électrique vers l’énergie chimique contenu dans l’hydrogène), il peut être Contexte bibliographique 15 intéressant d’utiliser directement l’énergie solaire pour la production de dihydrogène. Cette solution nécessite le développement de nouveaux matériaux capables d’absorber la lumière, de réaliser la séparation électrons-trous, et d’exploiter les électrons produits pour réduire des protons et les trous pour l’oxydation de l’eau

Table des matières

Chapitre 1 Contexte bibliographique
I – Repères bibliographiques
A. Les Polyoxométallates
B. Les Metal-Organic Frameworks
C. Les MOFs à base de zirconium et porphyrine
II – Présentation du projet
A. Le dihydrogène pour stocker l’énergie d’originerenouvelable
B. Associer la porphyrine, le MOF et le POM pour créer un photosystème
Chapitre 2 Encapsulation de PolyOxoMétallates dans des Metal-Organic Frameworks
I – Voies de synthèses et applications des POM@MOFs dans la littérature
A – Différentes voies de synthèses des POM@MOFs
B. Un grande famille pour une large palette de propriétés
II – Imprégnation de POMs sandwich dans le MOF-545
A – Synthèse et caractérisation de P2W18Co4@MOF-545
B – Synthèse et caractérisation de P2W18Ni4@MOF-545
III -Imprégnation de POM Keggin dans le MOF-545
A. Synthèse et caractérisation du PW12@MOF-545
B. Synthèse et caractérisation du PW11Co@MOF-545
IV – Conclusions et perspectives
Chapitre 3 Catalyse : Photo-oxydation de l’eau, photo- et électro-réduction du proton
I – Les POMs pour l’oxydation de l’eau et la réduction du proton
A – Les PolyOxoMétallates pour l’OER et l’HER en électro-catalyse63
B – Les PolyOxoMétallates pour l’OER et l’HER en photo-catalyse
II – P2W18Co4@MOF-545 pour la photo-oxydation de l’eau
III – SiW9Ni14Ale7 comme catalyseur de l’HER.
A. Synthèse et structure de SiW9Ni14Ale
B. Etudes catalytiques
C. Etude Photo-physiques
IV –P2W18Ni4@MOF-545 comme électrocatalyseur hétérogène pour l’HER
IV – Conclusions
Chapitre 4 Etude des P2W18Co4@MOF-545 et MOF-545 métallés déposés en couche mince
I – Les couches minces de MOF-Zr
A. Les MOFs à base de ligand porphyrine en couche mince
B. Les MOFs pour la photo-électro-catalyse et l’oxydation de l’eau en dioxygène
II – P2W18Co4@MOF-545 en couche mince
A. Synthèse par électro-dépôt et drop-casting
B. Etudes électro- et photo- catalytiques
C. Etudes de stabilité du matériau catalytique
D. Test en photo-électro-chimie
III – MOF-545-M, mesure des niveaux d’énergie des orbitales frontières
A. Principes des mesures d’impédances
B. Mesures réalisées sur MOF-545-M
IV – Conclusions et Perspectives
Chapitre 5 : Conclusions et perspectives
ANNEXES : Articles publiés au 30 mai 2019

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