Imaginaires de l’immense

Imaginaires de l’immense

La vaste étendue d’eau salée qu’est la mer est à la fois un lieu de rêve et un lieu de cauchemar. Elle couvre les trois quarts de la surface terrestre, ergo elle nourrit des cultures innombrables dans tous les coins du monde, dont l’Europe et la Chine. Depuis l’antiquité grecque, la mer a été représentée à maintes reprises dans la littérature européenne comme un élément important. Aphrodite y est née, symbolisant la naissance de la beauté et de l’amour ; Poséidon y règne avec le trident dans la main, contrôlant la puissance des vagues ; Ulysse navigue entre des îles en croisant le chemin de sirènes dangereusement séduisantes et des monstres dévorants. L’image de la mer est une combinaison de la grâce infinie et du danger mortel dans la culture européenne. Si l’on porte le regard vers l’est, au plus loin, on voit que la thématique maritime constitue une partie indispensable de la littérature chinoise. Dans la mythologie, la mer est là où le soleil se baigne pendant la nuit ; beaucoup de divinités y situent leur résidence ; les hommes rêvent des silhouettes de déesses derrière la brume, et des palais de cristal sous- marins remplis de trésors qui n’appartiennent pas au monde humain. Entre ces deux grandes cultures, les représentations de la mer sont peut-être différentes ; cependant, s’il y a un caractère de la mer qui impressionne tout le monde, c’est à coup sûr son immensité.

Aux temps anciens, les Européens étaient actifs autour de la Méditerranée, et les Chinois se concentraient sur la côte ouest du Pacifique sans dépasser le Japon. Limités par la connaissance de l’époque, les gens ne savaient pas ce qu’il y avait au-delà des océans. En Europe, on avait même élaboré la notion du fleuve-océan qui encercle le monde entier sans avoir d’autre rivage qu’un vide effrayant. Il était donc trop tôt d’envisager des activités transocéaniques. Étant donné leur grandeur incommensurable, les océans suscitent autant d’inquiétude que de curiosité. Pendant une longue période, le monde océanique était représenté avec toutes sortes d’imaginaires. Par conséquent, on en rêvait parfois, mais on s’y aventurait peu – jusqu’aux 15e et 16e siècles. Les 15e et 16e siècles instaurent une transition importante, car la géographie médiévale, faite de lieux féodaux, fragmentaires et isolés, a laissé place à un début de vision d’ensemble. Une des raisons pour lesquelles nous menons une recherche sur cette période en particulier consiste dans le fait qu’elle avait établi le début des vraies communications planétaires. Auparavant, des voyages tels ceux de Marco Polo et d’Ibn Battûta n’étaient rien d’autre que de brillantes tentatives personnelles, unilatérales. De plus, la période retenue marque aussi un tournant : certains hommes se sont désormais débarrassés de la notion médiévale pour adapter leur vision du monde à la nouveauté. Les gens commençaient à réfléchir sur le lointain et à s’intéresser à l’Autre. Cependant, cette épiphanie s’est produite en Chine et en Europe avec presque un siècle de décalage .

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les Vers la fin du 15e siècle, l’Empire ottoman s’était emparé des grands carrefours menant à la route de la soie. Dès lors, les Portugais cherchèrent à ouvrir des nouveaux accès à l’Asie afin de reprendre le commerce des épices. Ils ont tourné les yeux vers l’océan et établi le prologue de l’ère des grandes navigations en Europe. Ce qui est arrivé ensuite est connu de tous : Vasco de Gama avait dirigé les Portugais vers l’océan Indien en contournant le cap de Bonne-Espérance ; et sous le commandement de Christophe Colomb, les Espagnols ont débarqué sur un continent dont ils n’avaient pas la moindre connaissance auparavant. Ainsi la surface du monde humain s’est doublée : les trois continents connus depuis l’Antiquité – l’Asie, l’Europe et l’Afrique – n’ont pas tardé à devenir l’Ancien Monde, par rapport à l’Amérique, le Nouveau Monde.

 

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