Ce titre extrait de [LeBreton90] résume à lui seul la problématique de la recherche médicale actuelle. En raison de notre culture scientifique, l’accès à la connaissance passe de façon privilégiée par la voie du regard. La médecine n’échappe pas à cette règle. Dès le XIVème siècle, mais surtout à partir de Bichat, les anatomistes sondent et explorent le corps humain à travers l’autopsie. Celle-ci a permis d’établir des liens entre les symptômes d’une maladie et les anomalies marquant les organes. Ce regard est alors « invasif », c’est-àdire lié à l’usage du scalpel. L’évolution des techniques d’observation a entraîné une mutation de ce regard sur le corps humain. L’imagerie en particulier a permis une pénétration plus profonde du regard vers des zones corporelles jusqu’alors inaccessibles et invisibles. Cette nouvelle « transparence du corps » présente en outre l’avantage de réduire les préjudices causés aux tissus humains. Depuis les années soixante, les techniques d’imagerie médicale n’ont cesse de se perfectionner en mettant en jeu les ressources de la physique et de l’informatique. La qualité des informations du point de vue résolution et discrimination de tissus ou de lésions rend aujourd’hui possible l’accès à des images tridimensionnelles (3D) dont l’analyse peut être conduite au moyen de méthodes de synthèse d’images. Leur généralisation a multiplié les mesures distinctes d’un seul corps – distinctes temporellement ou spatialement, distinctes également par la mesure physique effectuée. La prise en compte de cette multitude d’images est étroitement liée à des procédures de fusion d’informations [Coatrieux91]. Cette fusion dans l’espace tridimensionnel couvre la confrontation d’images multimodales, la mise en correspondance de processus physiologiques avec l’anatomie, l’étude des évolutions temporelles, la modélisation géométrique ou symbolique des structures,…
Les travaux présentés dans cette thèse s’inscrivent dans l’aire de recherche décrite précédemment. Ils concernent plus particulièrement le domaine de la visualisation de données anatomiques et fonctionnelles. Une technique de mise en correspondance de données acquises sous une modalité identique à des instants différents est également présentée.
Par tradition scientifique, depuis le XVIème siècle, la connaissance des différents phénomènes qui régissent le monde est réglée par une première phase de mesure, suivie d’une phase de modélisation, puis d’une phase d’exploitation de ces modèles. Le domaine médical n’échappe pas à cette logique. Si les signes extérieurs, et la sémiologie clinique qui y est associée, permettent souvent une approche des pathologies, les examens techniques apportent une connaissance profonde des mécanismes sous-jacents. Ces examens sont de véritables outils d’investigation et suivent donc une méthodologie rigoureuse :
(1) L’exploration commence en général par une acquisition -une mesure- de certains paramètres physiques ou physiologiques caractérisant l’être vivant. Le choix des paramètres découle de la modalité de l’acquisition et de l’objectif de l’investigation. Ce choix détermine la forme des données et l’information apportée.
(2) Ces outils de mesure ne présentent qu’une forme simplifiée de la complexité réelle d’un phénomène. Les traitements postérieurs à l’acquisition permettent de dégager certains traits caractéristiques d’un organe, d’un phénomène ou d’une fonction humaine. La finalité des traitements consiste généralement à construire, un modèle topologique ou fonctionnel à partir des données de mesure.
(3) La représentation des données ou des modèles est effectuée en fin de chaîne de traitement. Son intérêt est double. Si elle permet d’appréhender au mieux les résultats des phases d’analyse, elle représente également un outil direct d’analyse des données. La forme et les techniques utilisées pour cette visualisation découlent de la nature de l’information issue de l’acquisition ou des phases de traitement.
Le contexte applicatif de la visualisation a une importance fondamentale dans la mise en oeuvre d’un système de modélisation et de représentation. Chaque contexte est lié à des contraintes spécifiques. Notre propos n’est pas de définir une liste des applications médicales des techniques de visualisation. Les lecteurs intéressés peuvent se référer à des numéros spéciaux [Coatrieux87] [Vannier88] pour une revue complète. Pierre Jannin [Jannin88] dans sa thèse les présente également et dégage les caractéristiques des modèles de représentation des données en fonction du contexte applicatif.
Le module de présentation décrit la transformation géométrique entre la répartition spatiale des propriétés mesurées et l’image résultat. Il comprend des opérations d’intégration des mesures, de discrétisation, de calibration,… Certaines modalités comme l’Imagerie par Résonance Magnétique présente des problèmes de distorsion non négligeables. Les outils de calibration sont bien connus. Nous considérerons par la suite que la correction de la distorsion est effectuée par le module de présentation et que les images fournies par la mesure sont parfaitement calibrées.
Le module de présentation décide de la dimension topologique de l’espace de présentation des information :
-image 2D
Les images issues des techniques les plus anciennes (radiologies classiques ou numériques, scintigraphie,…) sont présentées sous la forme d’une projection et/ou d’une intégration des éléments de mesure sur le plan d’acquisition (l’écran). Une telle image est caractérisée par le modèle de projection (parallèle, conique,…) et par les principes de composition de l’information (transformée de Radon pour les rayons X [Herman80] par exemple).
-image 3D
L’essor actuel des techniques d’imagerie médicale est en grande partie dû à une acquisition tridimensionnelle de l’information (Scanner X, IRM, tomographie d’émission,…). Les données 3D sont souvent présentées sous la forme d’une série de coupes tomographiques. La résolution des coupes, leur position, leur épaisseur et la distance inter-coupes permettent de définir et de reconstruire le volume .
La radiologie par rayons X représente la technique la plus ancienne d’investigation non invasive de l’intérieur du corps humain. La formation d’une image radiographique résulte de l’absorption des rayons X par les différentes structures traversées. La radiologie numérisée diffère de la radiologie classique par sa chaîne d’acquisition. Celle-ci comprend un amplificateur de luminance qui transforme le rayonnement X en photons visibles et une optique de couplage liée à une caméra vidéo de haute performance. Le signal vidéo est numérisé, visualisé et stocké en mémoire informatique. L’exploitation tridimensionnelle des images de la radiologie X est difficile : les organes sont superposés sans aucune indication de position autre que leur projection sur l’écran.
Elle trouve toutefois une utilité pour la reconstruction de l’anatomie du système vasculaire à partir d’images angiographiques. Une radiographie est prise avant puis après l’injection d’un produit de contraste. La soustraction de ces deux images nous donne une projection des vaisseaux marqués. Mais le produit de contraste diffuse rapidement et l’organe (le coeur par exemple) peut bouger. Il est donc impératif de disposer d’un échantillonnage temporel élevé, d’où la nécessité de travailler avec un nombre réduit de projections.
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