Imagerie sismique appliquée à la caractérisation
géométrique des fondations de pylônes électriques très haute tension
Le choix de l’imagerie sismique
Nous allons nous intéresser aux méthodes d’imagerie géophysique que l’on peut envisager d’appliquer à la caractérisation des fondations de pylônes électriques et ainsi justifier notre choix (FWI).
Description des méthodes envisageables
Les fondations dont on cherche la géométrie sont situées dans la très proche surface. Ceci restreint le champ des méthodes d’imagerie utilisables à l’imagerie électrique, au radar de proche surface et à certaines méthodes sismiques que nous allons décrire.
Méthodes électriques Sondage électrique
Le sondage électrique a pour but d’estimer la résistivité d’un sol. La démarche de mesure consiste à faire circuler un courant électrique dans le milieu étudié à l’aide de deux électrodes puis à mesurer la différence de potentiel induite avec deux électrodes de mesure, les électrodes étant classiquement placées en surface. Il existe plusieurs stratégies de positionnement des électrodes selon la zone que l’on cherche à sonder. Une démarche classique est la recherche d’un profil vertical de résistivité. On centre chacune des paires d’électrodes sur la verticale du milieu que l’on cherche à caractériser. Dans cette configuration, on réalise différentes mesures de potentiel en faisant varier l’espacement des électrodes de mesure, ce qui correspond à augmenter la profondeur de la région caractérisée. En faisant l’hypothèse que le milieu est de résistivité homogène et connaissant les positions des électrodes, on peut déduire la valeur de cette résistivité pour chaque espacement entre les électrodes de mesure. Cependant, l’hypothèse d’homogénéité étant généralement fausse, on procède alors à une inversion pour retrouver la véritable résistivité du milieu à partir des résistivités apparentes mesurées. On obtient alors un profil vertical de résistivité. En extrapolant, on conçoit qu’en translatant l’ensemble du dispositif d’acquisition à la surface du milieu, on obtient des mesures de la résistivité apparente du milieu à la verticale d’autres positions. La démarche de mesure précédente permet donc théoriquement de réaliser des sections 2D voire des descriptions 3D de la résistivité du milieu selon les déplacements du dispositif d’acquisition à la surface du milieu et en faisant des mesures pour plusieurs espacements entre les électrodes pour caractériser plus profondément le milieu. Cependant, il serait trop long et fastidieux de le faire manuellement c’est pourquoi on a recours au panneau électrique. 22 1.2 Le choix de l’imagerie sismique Panneau électrique Le panneau électrique consiste à répartir uniformément un grand nombre d’électrodes sur un segment à la surface d’une section 2D ou d’une portion 3D du milieu dont on souhaite caractériser la résistivité. Pour les profils 2D, on utilise en général plusieurs dizaines d’électrodes – typiquement une cinquantaine – et au lieu de déplacer les électrodes, un appareil désigne par un jeu de commutations les deux électrodes d’injection et les deux électrodes de mesure parmi l’ensemble des électrodes installées. La stratégie de choix des électrodes permet de régler la sensibilité de la mesure à l’orientation des structures enfouies, à la profondeur et influe sur le rapport signal sur bruit (Samouëlian, 2005). De plus, le système de mesure automatique exploite la rapidité de mesure pour reproduire plusieurs fois chaque mesure et ainsi améliorer la précision du résultat. Notons que les mesures que l’on réalise sont identiques à celles que l’on aurait pu faire en déplaçant manuellement les électrodes mais avec un gain de temps et de qualité de mesure considérable. Les méthodes électriques sont classiquement utilisées pour caractériser des terrains de l’échelle à métrique à décamétrique, le réglage de la résolution se faisant par le choix de l’espacement des électrodes de la dizaine de mètres à la dizaine de centimètres. Les applications de ce type de méthode d’imagerie électrique sont nombreuses : elle est utilisée en archéologie pour identifier les zones intéressantes d’un site (Osella et al., 2005), en hydrologie pour quantifier la salinité de l’eau (Amidu et Dunbar, 2008) ainsi qu’en géotechnique pour réaliser l’investigation de sites (Denis et al., 2002; Sudha et al., 2009) ou encore pour imager des fissures dans des structures en béton (Lataste et al., 2003). Dans le cas des fondations de pylônes électriques en béton, deux difficultés se posent à l’utilisation de méthode électrique. D’une part, la méthode doit être utilisable quelque soit la nature du sol, en particulier si le sol est conducteur comme c’est le cas des sols argileux ( conductivité de l’ordre de la 10−1 à 10−2S/m ). Or la conductivité électrique du béton étant plus faible ( de l’ordre de 10−4 S/m ), les lignes de courant contournent la fondation de telle sorte que d’un point de vue électrique, la fondation est court-circuitée par le sol plus conducteur qui l’entoure ; dans un environnement plus conducteur que le béton, l’information du panneau électrique 2D est donc erronée par ces importantes fuites de courant en dehors de la section imagée. D’autre part les fondations de pylônes électriques contiennent des câbles de cuivre assurant la mise à la terre de la fondation et qui, par leur forte conductivité (∼ 6.106S/m), vont canaliser les lignes de courant et donc diminuer la sensibilité de l’imagerie électrique à la présence du béton. En résumé, la diversité des milieux dans lesquels se trouvent les fondations de pylônes électriques est importante et il peut se trouver des milieux très conducteurs ou contenant des éléments métalliques susceptibles de perturber la localisation des contrastes de résistivité et donc la caractérisation de la géométrie de la fondation. Il est donc nécessaire d’envisager d’autres méthodes.
Méthode électromagnétique GPR
Une alternative intéressante est l’utilisation des ondes électromagnétiques. Le radar à pénétration de sol, ground penetrating radar (GPR) en anglais, est un outil classiquement utilisé pour la caractérisation de la subsurface (Mari et al., 1998). Son principe consiste à générer une onde électromagnétique avec une antenne émettrice et à enregistrer le champ d’onde résultant de l’interaction de l’onde incidente avec le sol en utilisant une antenne réceptrice. L’onde incidente va être perturbée par l’impédance électromagnétique du milieu Z = ! µ0µr/!0!r , où µ0 est la perméabilité magnétique du vide et vaut 4π10−7H/m, !0 est la permittivité diélectrique du vide et vaut 1/(36π)10−9F/m, µr est la perméabilité magnétique relative du milieu et !r est la permittivité diélectrique relative du milieu. Cette impédance va notamment créer des réflexions aux endroits où il y a de forts contrastes. Les sols dans lesquels nous allons travailler sont dépourvus de métaux et de minéraux si bien que l’on peut simplifier l’expression de leur impédance : Z = ! µ0/!0!r. La démarche d’acquisition la plus courante consiste à maintenir un déport constant entre les antennes. En effet, avec cette configuration d’acquisition, la forte directivité des antennes aussi bien à l’émission qu’à la réception favorise l’enregistrement des ondes réfléchies; d’autre part, la simplicité de mise en oeuvre de cette méthode et la rapidité de l’interprétation sont des atouts importants. La fréquence centrale des antennes utilisées est choisie en haute fréquence, au delà de la fréquence de coupure séparant la zone basse fréquence – fortement atténuante et dispersive – de la zone haute fréquence – modérément atténuante et propagative. La gamme de fréquence centrale des antennes d’émission utilisées en GPR s’étend de la dizaine de MHz au GHz. La résolution – au sens du quart de la longueur d’onde – que l’on peut attendre de l’imagerie radar dépend de la vitesse des ondes dans le milieu considéré. En régime propagatif et dans un sol homogène, la vitesse dépend principalement de la permittivité diélectrique du sol !r selon la loi v = c/√ !r où c est la vitesse de la lumière dans le vide. Le tableau 1.1 présente la résolution verticale que l’on peut attendre de l’interprétation d’une acquisition radar effectuée avec des antennes de fréquence centrale d’émission de 500MHz en négligeant l’influence de la puissance d’émission, c’est-à-dire en acceptant une erreur de l’ordre de 5% entre le fréquence émise et la fréquence dominante enregistrée. Terrains Résolution (cm) Sable saturé 2.8 Argile saturée 4.8 Marne argileuse 5.3 Calcaire 7.5 Sable sec 7.5 Glace 7.5 Table 1.1 – Résolution verticale (λ/4) d’une acquisition radar de fréquence centrale d’émission 500MHz dans différents milieux, d’après Mari et al. (1998) Notons que si le choix de la fréquence influe sur la résolution, il agit aussi sur la profonLe choix de l’imagerie sismique deur d’investigation : plus la fréquence est élevée et plus la profondeur d’investigation est faible car on entre en régime de diffusion – phénomène que l’on rencontre aussi en propagation d’onde sismique (Miles, 1960). A titre d’exemple, dans une marne calcaire, une antenne de fréquence centrale 500MHz a une profondeur d’investigation d’environ 7m sur un critère d’atténuation de 40dB. Le GPR est donc une méthode qui permet d’obtenir des résolutions très grandes, inégalables avec d’autres méthodes géophysiques. Cependant l’atténuation limite sensiblement les profondeurs d’investigation envisageables d’une part et surtout rend inenvisageable son utilisation sur certains types de sol. En particulier, en régime propagatif, le tableau 1.2 montre clairement que l’argile est un milieu fortement atténuant qui ne permet donc pas une imagerie efficace. Terrains Atténuation (dB/m) Argile saturée 51.8 Marne argileuse 14.5 Sable saturé 3 Calcaire 2 Sable sec 0.82 Glace 0.082 Table 1.2 – Atténuation des ondes électromagnétiques dans différents milieux Concernant les applications de l’imagerie radar en géophysique, elles sont nombreuses et touchent des disciplines comme la glaciologie (Vincent et al., 2010), la géologie (Deparis et Garambois, 2009; Theune et al., 2006), l’archéologie (Osella et al., 2005; Böniger et Tronicke, 2010) et la prospection pétrolière (Bradford et al., 2010). Cependant, en raison de l’atténuation du sol, le GPR est principalement utilisé pour des problématiques de subsurface et la grande majorité des applications appartiennent au domaine du génie civil et de la géotechnique (Corin et al., 1996). C’est notamment cette atténuation qui va nous faire renoncer à utiliser la méthode radar pour la caractérisation des fondations de pylônes THT car certains pylônes sont implantés dans des milieux conducteurs comme les sols argileux par exemple. D’autre part, dans les milieux non conducteurs, les courts offsets et la directivité des antennes rendent difficile l’imagerie de la partie basse de la fondation et ce d’autant plus que l’énergie incidente sur la fondation est principalement réfléchie et non transmise. Par ailleurs, la structure métallique des pylônes métalliques, les câbles électriques ainsi que le courant qui les traversent sont des sources de perturbation du champ électromagnétique. Le courant de 50Hz n’est pas problématique pour l’imagerie radar : il est très basse fréquence par rapport à la fréquence centrale des antennes réceptrices, de l’ordre de la centaine de MHz typiquement; il est donc filtré par ces antennes. D’autre part, les câbles électriques métalliques peuvent induire des réflexions sur les acquisitions radar. Pour éviter ce problème, il est possible d’utiliser une antenne source et une antenne réceptrice gainées qui empêchent les émissions d’ondes vers les câbles ou alors de les enlever par filtrage ou troncature des profils radar. En revanche, concernant le pylône lui-même, il n’y a pas de solution directe : la structure métallique interagirait avec les ondes émises par l’antenne source et serait présente dans les données même si on utilisait des antennes blindées. Si ces diffractions se superposaient avec la partie utile des profils radar, il faudrait concevoir une méthode pour éliminer ou réduire l’effet de la structure de pylônes sur les données. Ainsi, les obstacles à l’utilisation du GPR sont l’atténuation forte de certains milieux, l’offset limité et la directivité des antennes qui rendent difficile l’imagerie de la partie inférieure de la fondation et la structure métallique qui s’exprimerait dans les données radar. Nous allons maintenant envisager les méthodes sismiques et voir dans quelle mesure elles sont pertinentes pour caractériser la géométrie des fondations de pylônes électriques.
Méthodes sismiques
Les méthodes sismiques envisageables dans le domaine géotechnique sont actives : elles requièrent d’émettre des ondes mécaniques avec une source et d’enregistrer les ondes après interaction avec le milieu pour en déduire les propriétés mécaniques du milieu, typiquement la vitesse de propagation des ondes P, éventuellement celle des ondes S et la densité du milieu. Connaissant les valeurs des propriétés du milieu , il est alors possible d’estimer la position des interfaces. Parmi ces méthodes figurent des méthodes analogues à celles de l’imagerie radar comme la sismique réflexion. La différence théorique est qu’une onde sismique est sensible aux contraste d’impédance mécanique Z = ρv où ρ est la densité du milieu et v la vitesse de propagation des ondes mécaniques dans ce milieu. La différence pratique est que les ondes sismiques se propagent sur des distances plus importantes, car l’atténuation des ondes basses fréquences est beaucoup plus faible qu’en électromagnétique. Nous envisageons ici un milieu élastique : les ondes se propageant sont de type compression ou cisaillement. Commençons par décrire la méthode la plus simple à mettre en oeuvre : l’impact écho. Impact écho Cherchons à simplifier la description d’une fondation en considérant une poutre homogène en béton de longueur L. Lorsqu’on tape avec un marteau à une de ses extrémités, on génère une onde de compression qui va faire un aller-retour en un temps t = 2L/v où v est la vitesse des ondes de compression dans ce matériau. En connaissant le matériau – ici du béton – et en particulier la vitesse des ondes de compression, le temps d’arrivée de l’onde réfléchie permet de déduire la longueur de la poutre. Dans notre cas, la fondation est en contact avec le sol et il ne s’agit pas d’une simple poutre mais d’une structure ayant la forme d’un T retourné. En faisant l’hypothèse que l’influence du sol sur l’onde réfléchie est mineure et que, quelle que soit la forme de la fondation, la première onde enregistrée correspond à la réflexion de l’onde de compression sur le fond de la fondation, on peut déduire sa profondeur à partir du temps de première arrivée (Carino, 2001). Dans la pratique, cette méthode est utilisée par RTE de façon normée. EDF R&D a testé sa mise en oeuvre avec un capteur différent et en appliquant la méthode dans le domaine fréquentiel. En effet, les ondes de compression sont les plus énergétiques dans la direction de la poutre et l’atténuation du béton est suffisamment faible pour que le capteur vertical enregistre plusieurs aller-retour de l’onde dans la 26 1.2 Le choix de l’imagerie sismique fondation qui apparaissent comme des échos périodiques de l’impulsion source. Pour mesurer la durée moyenne des aller-retours, on travaille dans la représentation de Fourier du signal ; on déduit du spectre la fréquence de réflexion des échos et l’on considère que le pic de plus forte amplitude est celui du fondamental. Enfin on déduit la taille de la fondation grâce à la connaissance de la vitesse des ondes de compression dans le milieu. On estime que l’incertitude de cette méthode est égale à la largeur à mi-hauteur du pic principal du spectre. L’intérêt de cette méthode est que l’étape de traitement des données peut être faite sur le terrain avec un oscilloscope numérique qui calcule la transformée de Fourier rapide du signal (Brigham et Morrow, 1967; Bracewell, 1986). D’après le principe que l’on vient de décrire, on comprend que cette méthode fournit une information partielle sur la géométrie de la fondation – en l’occurrence sa hauteur; en effet, la complexité du champ d’onde rend difficile de déduire d’autres dimensions. Par ailleurs, cette méthode est sensible à la présence d’inhomogénéïtés dans le béton, typiquement la présence de fractures ou d’objets métalliques pourra la rendre inefficace dans certains cas. Cette méthode sera toutefois mise en oeuvre car la connaissance de la hauteur de la fondation peut être intégrée dans d’autres méthodes de reconstruction comme nous allons l’expliquer de façon générale dans le paragraphe suivant sur l’imagerie sismique et de façon détaillée dans le chapitre 3 consacré à l’inversion.
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