Imagerie radar en ondes millimétriques appliquée à la viticulture
Application pour l’estimation de volumes et l’interrogation de capteurs passifs
Dans cette partie est expliquée en détails la technique d’interrogation par radar FM-CW par balayage 3D, illustrée dans un premier temps par des simulations. On cherche alors à caractériser à partir de cette méthode la variation de la surface équivalente radar (SER) d’une cible ponctuelle (c’est-à-dire un point qui rétrodiffuse les ondes de manière isotrope). La variation de SER peut en effet être corrélée à un changement de volume de la cible. Pouvoir estimer la SER revient à donc à pouvoir estimer le volume d’une cible. Différents estimateurs statistiques sont proposés, basés sur des niveaux d’échos ou des volumes, et une modélisation des distributions et fonctions de répartition sont proposées en partant du principe que la scène de mesure est initialement caractérisée par un bruit gaussien. Les caractéristiques des estimateurs sont ensuite étudiées pour une cible ponctuelle seule, puis en présence de clutters (échos parasites). Les méthodes décrites en simulation sont appliquées en mesures pour l’estimation de volume de cibles canoniques, plus exactement des sphères métalliques de différents diamètres et à différentes distances d’interrogation. Ces mêmes méthodes sont ensuite appliquées pour l’interrogation de capteurs passifs (charges variables ou capteurs conçu pour l’interrogation radar). Les mesures présentées dans cette partie sont effectuées avec un radar FM-CW fonctionnant à une fréquence centrale de 23,8GHz. Les paramètres de mesures sont résumés dans des tableaux et les caractéristiques des instruments radiofréquences utilisés (antennes et radar) sont disponibles en annexe.
Simulations – Balayage en trois dimensions par radar
Génération d’un chirp
L’interrogation par radar FM-CW (Frequency-Modulated Continuous-Wave) d’une scène repose sur la génération d’un signal modulé en fréquence (appelé chirp). Cette modulation en fréquence peut prendre plusieurs formes, dont voici quelques exemples : ➢ La modulation triangulaire ➢ La modulation en escalier (stepped frequency modulation).Dans ces expressions ݂ሺݐሻ représente la fréquence modulée à un instant t, T le temps de montée de la rampe de modulation (et de descente dans le cas de la modulation triangulaire), PRI (Pulse Repetition Interval) la durée entre deux chirps successifs (ou temps de répétition) avec ܶ 𝑃ܴ𝐼. Le paramètre ߙ est le taux de balayage fréquentiel (frequency sweep rate) (supposé constant ici) tel que ߙ= ் , où B désigne la bande de modulation du radar. Par ailleurs, ݂ = ݂ ቀ் ଶ ቁ représente la fréquence porteuse du chirp. Dans le cas de la modulation en escalier, le paramètre ݊ௌ représente le nombre de pas de la modulation, avec ۀݔڿ la partie entière supérieure de ݔ .Une illustration des différentes modulations est représentée sur la Figure 12 pour fc=23.8GHz, B=2GHz, T=1ms et PRI=2.5ms. Considérons alors deux chirps : le premier transmis (Tx) et le second reçu (Rx) à partir d’une réflexion électromagnétique d’une cible ponctuelle située à une distance R du radar FM-CW. La durée d’un allerretour IJ du signal après propagation dans le vide est donnée par l’expression : 𝜏ሺܴሻ = ଶோ (4) Le paramètre ܿ ≈ ʹ.ͻͻ × ͳͲ଼ ݉. ݏ−ଵ désigne la célérité de la lumière dans le vide. La différence entre les signaux transmis et reçus, parfois appelée difference frequency signal (DFS) [141] contient l’information de la position de la cible ponctuelle contenue dans le décalage temporel généré. Cette information est fréquentielle et notée įf. Elle est donnée par l’expression. Une illustration des signaux Tx/Rx pour les modulations triangulaires en dents de scie et leur DFS respectifs sont représentés sur la Figure 13 pour un PRI=2T+δT dans le cas de la modulation triangulaire, et PRI=1,2T+δT dans le cas de la modulation en dents de scie. δT représente le temps de latence entre l’émission de deux chirps. Chaque modulation présente ses propres avantages et inconvénients. La modulation en dent de scie est la plus simple et permet de détecter les distances des cibles ponctuelles jusqu’à une période maximale T=PRI. La modulation triangulaire permet une interrogation similaire mais pour un temps d’acquisition au moins deux fois plus long. En revanche, les rampes montantes et descendantes peuvent être utilisées pour mesurer des effets Doppler (ce qui n’est pas possible pour la modulation en dent-de-scie). Dans les différents cas exposés dans ce manuscrit, les effets Doppler ne sont pas étudiés (cibles ponctuelles considérées ici comme immobiles) et les modulations en fréquence utilisées lors des simulations ou dans les systèmes de mesure sont des modulations en dents-de-scie, ou bien des modulations triangulaires où seule la rampe montante est considérée.
Spectre de battement et résolution en profondeur
Les distances des cibles ponctuelles s’obtiennent en analysant les différentes fréquences δfሺܴሻ qui composent le DFS. Un des moyens les plus simples pour retrouver ces fréquences est d’appliquer sur le signal une transformée de Fourier rapide (FFT) sur le signal durant la durée totale du temps de montée T. La fréquence la plus basse mesurable est donc celle de la distance minimale mesurable, appelée résolution en profondeur [142], que l’on notera d. On a donc .et, d’après les équations (4) et (5), d est donnée par l’expression . Si l’on considère deux cibles ponctuelles identiques situées dans la même direction d’interrogation que celle du radar FM-CW, la distance minimale à partir de laquelle les deux cibles ponctuelles sont détectables séparément correspond à la résolution en profondeur d du radar. Ce paramètre (très important si l’on souhaite obtenir une image de résolution suffisante) dépend de la bande de modulation B du radar. Cette bande de modulation est limitée par la linéarité du VCO (Voltage Controlled Oscillator). Les valeurs classiques de cette bande de modulation sont aux alentours de 10% de la fréquence porteuse fc, mais on trouve désormais dans la littérature des radars FM-CW millimétriques annonçant des bandes de modulations plus élevées (13,5% à 60GHz , 31,2% à 80GHz [144] et 16,6% à 240GHz [145]). 42 La distance maximale mesurable théorique notée RMax dépend de l’échantillonnage appliqué sur le DFS durant la période T. En définissant N le nombre d’échantillons, la fréquence maximale mesurable est donc . D’après les équations (4) et (5), la distance maximale mesurable est donnée par l’expression : ܴெ௫ = ∙ே ସ (8) Le spectre en fréquence (ou en distance, voir équation (5)) est appelé spectre de battement (beat frequency spectrum). Il est utilisé pour visualiser la réflexion des cibles ponctuelles situées à différentes distances d’interrogation. Supposons que le radar FM-CW transmette un chirp de la forme complexe suivante . Le paramètre ܣ représente l’amplitude du signal. Considérons alors que la fréquence ݂ soit modulée en dents de scie (voir équation (2)) et qu’une cible ponctuelle se trouve à une distance R0 du radar, alors l’expression du signal reçu . Le paramètre ܣ représente l’amplitude du signal en réception. Le signal complexe en sortie du mélangeur (et après filtrage des harmoniques hautes fréquences) est donné, d’après les équations (2), (9) et (10) par l’expression où le paramètre ܣ représente l’amplitude du signal en réception et 𝒩 le bruit issu du système radar et de l’environnement. On considère le taux de balayage fréquentiel ߙ constant (modulation linéaire) et le terme ଵ ଶ ߙ ∙ 𝜏ሺܴ ሻ ଶ représente le bruit de phase (residual video phase) [146]. Le spectre de battement est donc représenté en calculant la FFT du signal. Sur la Figure 14 sont représentés les signaux I et Q (a) du signal temporel ݏ) du spectre de battement ܵ(δfሺܴ ሻ) pour une cible ponctuelle située à ܴ=8m du radar. Les paramètres choisis sont B=2GHz, fc=23,8GHz, T=5ms et N=1024. D’après l’équation (6), la résolution en profondeur est donc d=7,5cm et d’après l’équation (8), la distance maximale mesurable est RMax=38,4m. La puissance considérée du signal transmis est PT=0,1W (20dBm). La puissance reçue PR par le radar issue de la réflexion des ondes sur la cible ponctuelle, représentée ici par l’amplitude de ݏሺݐܴ , ሻ, est déterminée (sans considérer d’éventuelles chaines d’amplification en réception) par l’équation radar (monostatique). L’exemple montré sur la Figure 14 considère une cible ponctuelle avec une surface équivalente radar (SER) 𝜎ோௌ=1m² et un gain d’antenne G= 8dBi. Le paramètre 𝜆 représente la longueur d’onde à la fréquence porteuse fc. Le bruit 𝒩est un bruit gaussien de moyenne nulle et d’écart-type d’environ 10% de la puissance reçue. Pour mettre en évidence l’importance de la bande de modulation B, deux cibles ponctuelles identiques sont placées respectivement à ܴ=8,0m et ܴଵ=8,25m. Les paramètres décrits précédemment sont 43 identiques, exceptée la bande de modulation B, variant de 0,8GHz à 2GHz, ce qui correspond à une résolution en profondeur variant de 18,75cm à 7,5cm. Les deux cibles ponctuelles sont représentées pour B=0,8GHz par un pic identique sur le spectre de battement. Lorsque la bande de modulation B augmente, la résolution en profondeur d diminue et deux pics en fréquence se distinguent sur le spectre aux positions respectives des cibles ponctuelles. Si l’on souhaite distinguer un maximum de cibles ponctuelles différentes, il est préférable d’avoir la bande de modulation la plus grande possible.
Balayage tridimensionnel
Résolution volumique
Supposons désormais que l’antenne de transmission du radar soit directive, et que l’on balaye la scène de mesure dans différentes directions d’interrogation. On note alors (ș,φ) la direction d’interrogation de l’antenne de transmission, dans un repère en coordonnées de type azimut/élévation (R,ș,φ) où l’origine O représente la position du radar FM-CW (idéalement le centre de phase de l’antenne de transmission), R la distance d’interrogation, ș l’azimut et φ l’élévation. Le repère est choisi de telle sorte que les coordonnées (R, 0, 0) indiquent une direction d’interrogation orthogonale à la scène que l’on souhaite mesurer. Des illustrations du repère utilisé sont affichées sur la Figure 16. Les coordonnées cartésiennes (X, Y, Z) représentent respectivement la largeur, la hauteur et la profondeur de la scène de mesure. Si l’on souhaite connaître la rétrodiffusion d’une cible ponctuelle dans un volume, il suffit de mesurer le spectre de battement dans plusieurs directions d’interrogation aux alentours de la cible ponctuelle. On définit les pas de résolution en azimut dθ et en élévation dφ pour lesquels on déplace l’antenne de transmission. On obtient alors une grille tridimensionnelle en coordonnées azimut/élévation composées de voxels. La résolution volumique..La résolution volumique en coordonnées azimut/élévation dépend à la fois de la distance d’interrogation et d’après l’équation (6) de la bande de modulation du radar. Sur la Figure 17 (a) est représentée le voxel en coordonnées azimut/élévation et sur la Figure (b) la variation du volume de résolution en fonction de la distance d’interrogation R pour différentes bandes de modulation B. La résolution volumique augmente suivant la loi , ce qui doit être pris en compte pour des estimations de volume. Comme expliqué précédemment, l’utilisation d’une bande de modulation élevée augmente la résolution de l’image, et par conséquent permet une résolution volumique plus fine. Pour chaque voxel est associée une valeur de rétrodiffusion électromagnétique de la scène mesurée, que l’on appellera niveau d’écho.
Introduction générale |