Identification et caractérisation des classes moyennes brésiliennes
Identification quantitative des classes moyennes brésiliennes
Trajectoire Méthodologie d’identification et de caractérisation des classes moyennes de l’économie brésilienne Le volet « analyse quantitative » de cette étude consiste à identifier les classes moyennes à partir de données d’enquêtes auprès des ménages, à révéler leur potentielle hétérogénéité et à décrire leurs principales caractéristiques socioéconomiques. Pour ce faire, la méthode adoptée est séquentielle et suit, dans les grandes lignes, la démarche adoptée par Bonnefond et al. (2015) dans une étude appliquée à la Chine. Cette démarche se veut multidimensionnelle par la combinaison d’une approche économique (basée sur le revenu) et d’une approche sociologique (mobilisant des informations sur l’emploi et l’éducation). L’idée est, dans un premier temps, de délimiter une classe moyenne de revenu. Il ne s’agit pas d’identifier précisément une taille de classe moyenne (compte tenu de l’absence de consensus sur le choix de l’intervalle monétaire), mais plutôt de délimiter un ensemble d’individus situés au milieu de la distribution du revenu. Dans un second temps, la démarche consiste à mobiliser les informations plus qualitatives sur l’emploi et l’éducation afin d’identifier les différentes composantes de l’ensemble « classe moyenne » délimité lors de l’étape précédente. Il s’agit ainsi de mettre en évidence la potentielle hétérogénéité de ce groupe intermédiaire. Cette méthode d’analyse multidimensionnelle et séquentielle peut donc se décomposer en deux étapes : (i) identification de la classe moyenne à partir de différents intervalles de revenu et choix d’un intervalle pertinent compte tenu de la forme de la distribution du revenu ; (ii) mise en œuvre d’une procédure de classification à partir de variables liées à l’éducation et à l’emploi au sein de la 30 Identification et caractérisation des classes moyennes brésiliennes classe moyenne délimitée lors de l’étape précédente et caractérisation des groupes identifiés à partir de variables socioéconomiques complémentaires. Première étape : identification de la classe moyenne à partir de différents critères monétaires Cette étape vise à tester l’essentiel des intervalles utilisés dans la littérature pour identifier les classes moyennes de revenu. Pour ce faire, nous proposons au préalable d’examiner la distribution du revenu. Les outils privilégiés lors de cette étape sont l’estimation de fonctions kernel (permettant de reconstituer la distribution du revenu de manière continue) et l’estimation des principaux indices d’inégalité. Partant de cette analyse préliminaire, nous proposons alors de comparer différents intervalles de revenu permettant d’identifier la classe moyenne « monétaire » ou le groupe de revenu intermédiaire. En effet, dans la littérature économique, l’identification statistique de la classe moyenne repose la plupart du temps sur la définition d’un intervalle de revenu dans lequel se situent les ménages ou individus qui la composent. De manière générale, plusieurs catégories d’approches doivent être distinguées. L’approche relative consiste à définir la classe moyenne comme la population qui se situe au milieu de la distribution du revenu. Les intervalles relatifs sont la plupart du temps construits à partir du revenu médian (e.g. entre 75% et 125% du revenu médian), du revenu moyen (e.g. entre 1 et 2,5 fois le revenu moyen) ou du seuil de pauvreté national (e.g. entre 2 et 5 fois le seuil de pauvreté). Les critères relatifs peuvent aussi être basés sur les quintiles (e.g. les trois quintiles du milieu de la distribution). L’approche absolue est avant tout dédiée aux comparaisons internationales. Elle repose sur des intervalles exprimés en dollars PPA (parité des pouvoirs d’achat). Plusieurs intervalles sont construits à partir d’une borne inférieure de 2$ par individu et par jour (en PPA). L’idée sous-jacente est de considérer que la classe moyenne commence là où la pauvreté se termine. Ainsi, on peut trouver dans la littérature les intervalles suivants : 2$-10$, 2$-13$ et 2$-20$. Comme la Banque Asiatique de Développement (ADB, 2010) le reconnait, les ménages dont le revenu par tête est situé entre 2$ et 4$ par jour restent fortement vulnérables à un retour dans la pauvreté en cas de chocs socio-économiques et peuvent donc être difficilement considérés comme membres de la classe moyenne (ADB, 2010). Cette limite a conduit d’autres auteurs à utiliser une limite inférieure de 10$. Les critères 10$-20$, 10$-50$ ou 10$-100$ sont aujourd’hui fréquemment utilisés. L’approche mixte consiste à combiner une borne inférieure absolue et une borne supérieure relative. L’intervalle proposé par Birdsall (2010) retient une borne inférieure de 10$ et une borne supérieure correspondant au 95ème percentile de la distribution du revenu.
Identification de la classe moyenne de revenu
Préalablement à l’identification de la classe moyenne de revenu, nous proposons un bref aperçu de la distribution du revenu et de son évolution au Brésil. Sur la base des données PNAD, le revenu ici considéré est le revenu mensuel par tête du ménage, celui-ci étant considéré de manière exhaustive (revenus du travail formels et informels, revenus du patrimoine, transferts publics et privés, etc.). Premièrement, le Tableau 6 présente l’évolution de deux indices d’inégalité (i.e. l’indice de Gini et l’indice de Theil) entre 2001 et 2014 et confirme la diminution régulière de l’inégalité de revenu déjà mise en évidence précédemment. 32 Tableau 6 : Evolution de l’inégalité de revenu (Brésil, 2001-2014) Indice d’inégalité 2001 2004 2007 2011 2014 Indice de Gini 0,608 0,584 0,567 0,543 0,526 Indice de Theil 0,749 0,690 0,646 0,592 0,562 Source : données PNAD (2001, 2004, 2007, 2011 et 2014) Deuxièmement, la Figure 1 retrace l’évolution de cette distribution des revenus, de 2001 à 2014, à partir de fonctions de densité. Elle caractérise bien la baisse des inégalités observées au cours de la période dans la mesure où elle permet de mettre en évidence : (i) l’aplatissement de la distribution traduisant la diminution de la pauvreté ; (ii) le déplacement du mode de la distribution vers la droite et (iii) l’élargissement de la distribution traduisant la montée en puissance des catégories de revenu intermédiaires. Figure 1 : Distributions du revenu (fonctions de densité kernel) (Brésil, 2001, 2007 et 2014) Source : données PNAD (2001, 2007 et 2014) 0 .0002 .0004 .0006 .0008 .001 Densité 0 1000 2000 3000 4000 5000 Revenu mensuel des ménages par tête (R$) 2001 2007 2014 33 Après cet examen préliminaire de l’évolution de la distribution des revenus, nous mesurons la taille de la classe moyenne sur la base de douze intervalles utilisés dans littérature16. Les poids des différents groupes (pauvres, classe moyenne, riches) pour le Brésil issus des différents intervalles sélectionnés sont reportés dans le Tableau 7. Le Tableau 8 retranscrit quant à lui l’évolution du poids de la classe moyenne entre 2001 et 2014 pour ces mêmes 12 critères.