Identification des plantes hôtes et évaluation des populations endogènes de parasitoïdes des mouches des fruits
Généralités sur les mouches des fruits
Les mouches des fruits (Diptera, Tephritidae) constituent l’un des groupes de ravageurs qui occasionne les dégâts les plus importants sur cultures fruitières en zone tropicale. Les pertes varient en fonction des zones agro-écologiques, des variétés et des périodes de l’année (Vayssières et al., 2009a).
Importance économique des espèces de Tephritidae
Les mouches des fruits occasionnent des pertes estimées à plusieurs milliards de dollars en provoquant des dégâts directs sur une grande diversité d’espèces fruitières, légumières et florales (citrus, pomme, mangue…). Elles limitent le développement de l’agriculture dans de nombreux pays. Parmi les 4400 espèces connues à travers le monde, près de 200 sont considérées comme déprédatrices des cultures (Norrbom, 2004). Au Sénégal 5 genres de mouches des fruits d’importance économique ont été identifiés : Bactrocera avec 14 espèces ; Dacus avec 175 espèces ; Ceratitis avec 95 espèces ; Carpomya et Capparimyia (White, 2006). Le genre Bactrocera (Macquart) comprend environ 530 espèces (Anses, 2014; White, 2006). Contrairement aux espèces du Dacus qui sont souvent oligophages, de nombreuses espèces de Bactrocera sont polyphages et associées à de nombreuses cultures tropicales (Tinkeu et al., 2010). Les Bactrocera introduites accidentellement dans certaines régions géographiques ont souvent des potentialités biotiques supérieures à celles des espèces natives et une meilleure aptitude à la compétition (Duyck et al., 2004). Le genre Dacus (Fabricius) comprend environ 250 espèces décrites dans le monde qui sont surtout présentes sur le continent africain avec plus de 180 espèces, dont certaines sont présentes en Asie tropicale jusqu’au Pacifique. Le genre Dacus a des relations particulièrement étroites avec trois familles botaniques : les Apocynaceae, les Cucurbitaceae et les Passifloraceae, même si de rares espèces peuvent se développer aux dépens de quelques autres familles (Anses, 2014). Le genre Ceratitis (MacLeay) comprend 100 espèces décrites (Hurtrel, 2000). Ce genre est uniquement afro-tropical à l’exception de la mouche méditerranéenne, Ceratitis capitata 4 (Weidman), qui est cosmopolite à cause de diverses introductions anthropiques sur tous les continents (Anses, 2014). Selon Liquido (1991), Ceratitis (Ceratitis) capitata Wiedemann est polyphage avec plus de 300 espèces de plantes-hôtes identifiées citée par Ndiaye (2009). Les larves de C. capitata vivent également aux dépens des piments et des poivrons (Solanaceae) dans toute l’Afrique de l’Ouest et l’île de la Réunion (Vayssières et Carel, 1999). Les pertes en agrumiculture peuvent atteindre 80% si le contrôle est inapproprié (Guerfali et al., 2007)
Systématique
De façon générale, les mouches appartiennent à la sous famille des Dacinae. Deux grands groupes sévissent dans la production de mangue au Sénégal ; le groupe ou la tribu des Ceratitidini qui regroupe le genre Ceratitis ainsi que celui des Dacini regroupant l’ensemble des genres Bactrocera et Dacus (Vayssières et al., 2009). Règne : Animal ; Embranchement : Arthropodes ; Classe : Insectes ; Ordre : Diptères ; Sous ordre : Brachycères ; Infra ordre : Muscomorpha (Cyclorrhapha) ; Section (Division) : Schizophora ; Super famille : Tephritoidae ; Famille : Tephritidae II-1-3. Morphologie Comparé aux genres Bactrocera et Dacus, les Ceratitis sont petites, ont des taches ou des bandes sur les ailes et un scutellum bombé tacheté de jaune et noir (Drew et al., 2005). La 5 présence d’au moins trois taches noires sur le scutellum ainsi que d’une tache alaire isolée, entourée d’un ellipsoïde noir, sont les deux principaux critères de différenciation des Ceratitis par rapport aux autres genres (Vayssières et Sinzogan, 2008a). Figure 1 : Morphologie des Tephritidae (Source : Quilici et Jeuffrault, 2001)
Biologie
La biologie et la durée de développement des mouches des fruits dépendent de la température, de l’humidité relative du milieu et des hôtes. Pour la plupart de ces espèces de cératites, le cycle de vie est similaire et se déroule sans diapause selon le schéma ci-dessous à 25°C et 75% d’Humidité Relative : les œufs déposés par les femelles dans le fruit de la plante hôte éclosent au bout de 2-3 Jours. A l’éclosion des oeufs, le développement des larves accélère la maturation du fruit qui se détache et tombe au sol (Toure et al., 2013). Ainsi 3 stades larvaires se succèdent 6 et durent 5-15 Jours avant de se transformer en pupes (8-12 Jours). Les adultes émergés peuvent vivre 40-90 Jours (Vayssières et Sinzogan, 2008c). Figure 2 : Cycle de développement des espèces de Tephritidae (source : Omar NIANG)
Ecologie
Plusieurs facteurs, aussi bien biologiques qu’environnementaux, peuvent influencer la distribution des populations de mouches des fruits. Ils affectent directement ou indirectement les taux de survie et de développement des différentes phases du cycle et la fécondité des Adultes Œufs Pupes Larves 7 femelles. Parmi ces facteurs, les plus importants sont la température, l’humidité et la disponibilité des plantes hôtes. Les ennemis naturels et la compétition inter et intra spécifique peuvent aussi être importants dans certaines circonstances (Anses, 2014). II-1-6. Ethologie Les mouches des fruits de la sous famille des Dacinae sont en général actives le jour et au repos la nuit sur la face inférieure des feuilles des plantes hôtes ou d’autres plantes. La période d’activité peut être subdivisée en quatre types fonctionnels qui sont l’alimentation, l’accouplement, l’oviposition et la dispersion. La durée de chaque type d’activité dépend de plusieurs facteurs, incluant l’âge, le sexe, la disponibilité de l’hôte et les conditions climatiques (Fletcher, 1987). Certaines mouches de la famille des Dacinae sont fortement attirées par les surfaces jaunes. Certaines Tephritidae déposent une phéromone répulsive sur le fruit après la ponte (Prokopy et Fletcher, 1987).
Généralités sur les parasitoïdes des mouches des fruits
Définition
Les parasitoïdes sont des organismes vivants dont les femelles pondent dans ou sur l’insecte hôte et dont les larves issues des œufs se nourrissent à l’extérieur ou à l’intérieur de l’hôte et qui finissent par le tuer (Waage et Greathead, 1992). Cependant, seuls les stades pré-imaginaux nécessitent un tel mode de vie (Askew, 1971). Les adultes mènent en général une vie libre pendant laquelle les femelles recherchent activement leurs hôtes pour y déposer leur progéniture. Les stades immatures tirent leur substance de ces hôtes et les tuent directement ou indirectement à l’issue de leur développement (Eggleton et Gaston, 1990). Les parasitoïdes représenteraient entre 8 et 20 % des espèces d’insectes décrites à ce jour, la majorité appartenant à l’ordre des hyménoptères (Patot, 2009).
Interaction parasitoïde-hôte
La durée relative de l’interaction entre l’hôte et le parasitoïde permet de distinguer les espèces idiobiontes et les espèces koïnobiontes (Askew et Shaw, 1986). Les espèces idiobiontes tuent et exploitent rapidement leurs hôtes. Ces espèces attaquent généralement les organismes immobiles ou à un stade de repos tels que les œufs, les pupes, les hôtes paralysés (Greathead et al., 1992). Contrairement aux parasitoïdes idiobiontes, les Koïnobiontes permettent à leur hôte de continuer plus ou moins normalement leur développement avant de succomber sous l’effet 8 du développement parasitaire (Askew et Shaw, 1986). Les parasitoïdes koïnobiontes n’injectent aucun venin à leurs hôtes au moment de la ponte. Chez les espèces de ce groupe de parasitoïdes associées aux mouches des fruits, l’hôte est situé près de la surface des fruits (Vayssières et al., 2004). En conséquence, ces parasitoïdes attaquent les œufs ou les premiers stades larvaires qui sont plus poches de la surface de ces fruits. Ils sont généralement utilisés en contrôle biologique des Tephritidae (Vayssières et al., 2002).
L’utilisation des parasitoïdes dans la lutte biologique
La gestion des populations sauvages des Tephritidae d’importance économique peut être effective au travers de la lutte biologique classique. Ce type de lutte biologique vise à introduire (acclimater) dans la culture à protéger un (ou plusieurs) auxiliaire(s) exotique(s) pour un établissement permanent et un contrôle durable des ravageurs (Wajnberg et Ris, 2007). Cette stratégie intervient le plus souvent dans le cas d’un ravageur exotique ne possédant pas d’ennemis naturels bien adaptés dans la zone envahie (Waage et Greathead, 1992). Les espèces de la sous-famille des Opiinae (Braconidae) sont le plus souvent utilisées dans le cadre de contrôle biologique classique des mouches des fruits (Billah et al., 2008; Ovruski et al., 2000; Waterhouse et al., 1993; Wharton, 1997; Wharton et Gilstrap, 1983). Parmi les Opiinae, Fopius arisanus est inféodé aux œufs de mouches des fruits (Mohamed et al., 2010). Introduite d’Hawaii en Polynésie Française, cette espèce a permis de réduire les populations de B. dorsalis, de B. tryoni et de B. kirki Froggatt (Vargas et al., 2007). Au Kenya, des études au laboratoire ont montré que le taux de parasitisme des œufs de B. dorsalis par F. arisanus était plus élevé que celui des autres espèces du genre Ceratitis étudiées (Mohamed et al., 2010). Les résultats préliminaires des lâchers de ce parasitoïde au Kenya, en Tanzanie, en Mozambique et au Bénin ont montré un taux de parasitisme supérieur à 40% sur la mangue et la goyave (Ekesi et al., 2007).
LISTE DES FIGURES |