La demande d’électricité, en croissance, amène EDF à augmenter ses capacités de production. Pour les centrales nucléaires existantes, l’objectif est d’allonger leur durée de fonctionnement tout en améliorant leur niveau de sûreté. Un vaste plan d’investissement a donc été lancé sur l’ensemble du parc de production. Les infrastructures en béton constituent des ouvrages importants pour les centrales nucléaires (enceinte, bâtiment combustible, tours aéroréfrigérantes …). L’enceinte de confinement en particulier n’est pas remplaçable, et constitue donc un élément crucial dans l’évaluation de la durée de vie de la centrale. Le comportement à long terme du béton est ainsi un grand enjeu. Afin d’optimiser le confinement, les enceintes internes sont précontraintes. Les câbles dans les gaines sont injectés d’un coulis qui les protège de la corrosion mais qui empêche de les retendre ensuite, ce pourquoi il est important de suivre et d’anticiper le fluage du béton. La microstructure du béton a une grande influence sur son comportement différé. Sa prise en compte par des méthodes en champs moyens (tels que celles basées sur la solution du problème d’Eshelby) omet beaucoup de détails micro-structurels. Les méthodes en champs complets permettent de contourner certaines limitations des méthodes précédentes, au prix d’un temps de calcul élevé et d’une préparation parfois complexe (maillage, par exemple). Ce travail propose d’utiliser une forme variationnelle de la méthode de l’inclusion équivalente. Il s’agit d’une méthode hybride permettant de prendre en compte plus de détails de microstructure que les méthodes en champs moyens (tailles, positions et orientations relatives des inclusions) sans avoir à discrétiser des microstructures virtuelles compliquées ni exécuter de lourds calculs. La méthode de l’inclusion équivalente est établie dans le cadre de l’élasticité linéaire et utilisée en pratique pour des microstructures simplifiées (inclusions sphériques). Dans le présent travail, on s’intéresse à l’extension de cette méthode pour prendre en compte le fluage (modélisé ici par une loi de comportement viscoélastique linéaire sans vieillissement). On s’intéresse également à la prise en compte de géométries plus complexes (inclusions de forme ellipsoïdale). [ Cette géométrie permet de mettre en évidence l’effet de l’orientation des inclusions et de modéliser des éléments comme les fissures (ellipsoïdes aplatis) et les fibres (ellipsoïdes allongés) dans le béton. ] Cette géométrie permet de mettre en évidence l’effet de l’orientation des inclusions et de modéliser des éléments asphériques de différents rapports d’aspects.
Les matériaux cimentaires sont fortement multiéchelles et caractérisés par une forte hétérogénéité. Plusieurs études se sont intéressées aux différents aspects morphologiques de ces matériaux . De l’échelle de la pâte du ciment à celle du béton, on note une grande variabilité des formes géométriques des éléments, de leurs distributions et matériaux constitutifs. Les modèles morphologiques doivent alors être adéquats avec la méthode de calcul utilisée et avec l’échelle considérée.
Plusieurs méthodes sont exploitées pour le calcul des matériaux cimentaires. Mais on peut les regrouper selon deux ensembles :
– méthodes analytiques, dites 0D,
– méthodes numériques, dites 3D.
La stratégie d’EDF vise à développer ces deux volets et à produire des méthodes intermédiaires (dites hybrides) qui bénéficient des avantages de l’un et de l’autre . Ces dernières sont précisément l’objet du présent travail.
La microstructure du béton, multiéchelle, est extrêmement complexe. La modélisation micromécanique passe nécessairement par une étape de simplification de la microstructure. On propose le modèle morphologique suivant :
– à l’échelle du béton, le matériau peut être vu comme un ensemble de grains (inclusions) plongés dans le mortier (matrice) considéré dans ce cas homogène. Les grains peuvent être idéalisés par une forme sphérique (ou des disques en 2D). Des formes ellipsoïdales peu élancées peuvent également être considérées pour mettre en évidence l’effet de l’orientation des grains. [ Les formes ellipsoïdales très aplaties pourront à terme être utilisées pour prendre en compte la présence de fissures. Les ellipsoïdes très allongés peuvent servir à la modélisation des fibres. ] Les formes ellipsoïdales très aplaties peuvent être utilisées pour prendre en compte la présence de fissures et les ellipsoïdes très allongés peuvent servir à la modélisation de certains renforts tels que les fibres. On se limitera néanmoins dans le présent travail à des rapports d’aspect finis.
– à l’échelle du mortier, les formes des grains de sable et les pores sont idéalisées par des sphères ou des ellipsoïdes peu élancés,
– à l’échelle de la pâte du ciment, les ellipsoïdes asphériques permettent de prendre en compte les effets des cristaux de portlandite qui sont souvent aplatis.
Les approches en champs moyens ou effectifs basées sur le formalisme du problème d’Eshelby permettent de donner des estimations ou d’encadrer le comportement homogénéisé d’une microstructure. Le choix d’un schéma, à partir des connaissances disponibles sur la morphologie, reste tout de même une démarche qualitative. Si par exemple nous sommes face à une microstructure à faible fraction volumique d’inclusions, nous pourrons envisager le schéma de Mori et Tanaka (1973). Lorsque la fraction volumique d’inclusions est élevée, comme sur un béton, il est possible d’envisager le schéma de Le Roy (1995) pour permettre de le caler à des données expérimentales en faisant varier la proportion de la matrice dite passive. Quand le composite est constitué principalement d’un assemblage de grains sans matrice identifiable (poly-cristal) on pense au schéma auto-cohérent (Hill, 1965; Sanahuja et Dormieux, 2005). La prise en compte d’une orientation privilégiée est possible par la considération des inclusions ellipsoïdales avec certaines distributions des orientations (Ponte Castañeda, 1991; Sanahuja et al., 2007). Les schémas classiques ont certes beaucoup d’applications et peuvent être utilisés au moins pour justifier des ordres de grandeur. Ils sont particulièrement efficaces du point de vue du temps de calcul. Ce qui leur est reproché, c’est leur démarche peu quantitative de prise en compte des spécificités d’une microstructure.
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