Historique et processus d’édification de la ville
L’origine et l’évolution de la ville de Kolda ont fait l’objet de plusieurs interprétations. En effet, il s’est avéré au cours de nos recherches que plus nos sources se diversifiaient, plus il nous a été servi des versions différentes voire opposées à propos de l’origine de la ville de Kolda. Ainsi, d’une personne ressource à une autre ou d’une documentation à une autre, il s’est dégagé pour la plupart du temps, une certaine divergence de points de vue, soit sur l’identité du fondateur de Kolda, soit sur la succession des différentes ethnies sur le site.
Du statut de village à celui de capitale régionale
L’origine de Kolda Avant d’en venir aux mutations administratives en tant que telle, il demeure nécessaire de retracer l’origine du nom « Kolda » et par la même occasion lever toutes les équivoques qui tournent autour de sa création. A ce propos, une version diola concernant l’origine de Kolda raconte que « le lieu fut créé par un peul éleveur, de nom inconnu. Peu après son installation dans son campement arriva Koly, un diola, à la recherche d’une rizière et de palmiers où cultiver du riz et récolter le vin de palme. Le Peul lui offrit le gîte et le couvert, combla ses vœux en lui prêtant un domaine où Peul et Diola se retrouvaient régulièrement pour boire du vin de palme. On l’appela Koly-daa (chez Koly). Ainsi le lieu de rencontre porta le nom de Koly-Daa, c’est-à-dire chez Koly. Daa en mandingue, la langue la plus usitée de l’époque signifie indifféremment la bouche, porte ououverture, comme on dit «Porte de Versailles ou Porte de Paris 29». Le nom de Kolda dérive ainsi de Koly-Daa avec suppression du [y] et abrègement du [aa] long ». Toutefois, il faut dire que cette version diola n’est pas très répandue même si, elle paraît cohérente dans son élaboration. D’ailleurs il existe une autre interprétation qui soutient que Kolda viendrait du mot peul « kolda » qui signifie confiance. Toutefois, à la différence de la première version, elle ne nous indique pas comment s’est fait le passage de l’un à l’autre terme.
Aussi existe t-il une troisième version, qui fait remonter la création de Kolda au XVIIème siècle. Elle indique que l’appellation « Kolda » viendrait de la déformation du nom de Koli Dado qui était chasseur sur l’implantation actuelle de la ville de Kolda. L’autre nuance apportée par cette version, à l’encontre des deux premières, est relative à la succession de différentes ethnies à Kolda. En effet, contrairement à ce qui a été avancé jusqu’à présent, il est soutenu dans cette troisième version que les premiers occupants furent les Baïnouk. Ces derniers seraient suivis par les Balantes. Ce n’est que bien plus tard, que les Mandingue, avec l’apogée de l’empire du Mali vont s’installer en Casamance et notamment à Kolda. Les populations Balantes et Baïnouk trouvées sur place seront repoussées vers l’Ouest au-delà du fleuve Casamance. Suite à cette reddition des Bainouk et des Balantes, les Mandingues seront rejoints par les Peul, avec qui la cohabitation se fera de façon plus ou moins pacifique. En outre, ces rapports entre Peul et Mandingue prendront une autre tournure avec la politique d’asservissement de plus en plus grande qu’exerçaient les seconds sur les premiers. Ceci sonne le point de départ de cette rivalité qui a toujours existé entre ces deux communautés. Ce récit sur la naissance de Kolda présente une fois de plus des incohérences. Sinon comment comprendre qu’il soit posé l’antériorité de l’établissement des Baïnouk sur celui des Peul quand, dans la même version, il est annoncé que Koli Dado qui était chasseur appartenait à l’ethnie Peul. Et c’est de la déformation de son nom que dérive la désignation de Kolda. Néanmoins, il existe une dernière version qui sans nul doute est la plus complète et la plus plausible.
Ainsi, selon cette version, un homme du nom de Hiloel Dado avait créé un village du même nom tout autour duquel il avait défriché des rizières pour ses femmes. Ce village se situait sur l’actuel emplacement du sous – quartier Ndiobène. C’est suite au décès de celui-ci en 1873 que son frère Koli Dado lui succéda. Ce dernier, contraint par les traditions qui prévalaient dans le Fuladu (mot mandingue qui désigne l’espace géographique qu’occupent les Peul) de l’époque, se devait de transférer le village vers un autre endroit. Cette migration se faisait à chaque décès du chef fondateur d’un village peul. C’est ainsi que Koli Dado a déplacé le village de son frère vers le quartier Doumassou, près du grand caïlcédrat, érigé en autel accueillant tous les sacrifices recommandés par les sorciers peul. D’ailleurs, il faut dire que cette époque coïncide avec la présence coloniale au Fuladu. Le colonisateur avait établi ses bases à Hamdalaye, capitale du royaume du Fuladu dirigé par Alpha Molo Baldé. Consécutivement à l’étendue du royaume, le pouvoir colonial par l’entremise du Lieutenant Laurencier a senti la nécessité de recenser tous les villages qui constituaient la région. De ce fait, plusieurs chefs de villages s’étaient déplacés en face du palais royal à Hamdalaye pour inscrire leur village. C’est lors du recensement qu’apparaîtra l’appellation actuelle de la ville de Kolda. En effet, ce nom viendrait d’une succession de fausses interprétations. D’abord par l’interprète indigène du Lieutenant Laurencier, qui à la place de « Saré Koli Dado » comme annoncé par le chef de village éponyme a transmis au Lieutenant « Saré Koli Da ». Ensuite, la seconde déformation est advenue lors de la transcription par le Lieutenant Laurencier. Ce dernier, dans son report a lui aussi omis le «i» dans «Saré Koli Da», ce qui a abouti à «Kolda». C’est ce recensement qui est venu officialiser le nom de Kolda et par la même occasion consacrer le statut de Kolda comme village reconnu par l’autorité coloniale. En somme, au regard de ces différentes versions, la tendance majoritaire qui se dégage est, la primauté de l’occupation peul, même si elle est suivie très souvent d’une certaine propension à la transhumance. Par ailleurs, il faut dire depuis cette reconnaissance de Kolda comme entité villageoise ; cette dernière n’en a pas fini d’évoluer tant sur le plan administratif que démographique.