Dans l’Antiquité, le suicide était commis après une défaite dans une bataille afin d’éviter la capture et les possibles tortures, mutilations ou la mise en esclavage par l’ennemi.
Pour les Epicuriens et les Stoïciens [5], la valeur suprême est l’individu, il prône sa liberté de décision quant à la vie et la mort, ils donc favorables au suicide.
Aristote condamna le geste suicidaire, qualifié d’acte de lâcheté face aux difficultés de la vie, assimilant le suicide à un soldat déserteur.
Platon avait une position plus nuancée, admettant des exceptions comme le cas de la maladie douloureuse et incurable, le cas d’un condamné à mort, et les situations où l’individu connait un sort misérable.
En Égypte, on lie la délivrance à la mort. Ainsi, les partisans allaient jusqu’à se grouper pour se suicider collectivement avec les moyens les plus agréables.
Dans la Rome antique, même s’il était loué, l’acte suicidaire devait obéir à des critères compatibles avec la morale stoïcienne, sous peine d’être condamné. Il est confié au soin du législateur de décider si tel acte suicidaire est licite ou s’il doit être puni. Les causes légitimes étaient dûment précisées dans le cas du citoyen (douleur physique, perte d’un être cher, fureur, folie…) mais les esclaves et les soldats étaient exclus de ces dispositions et l’acte suicidaire conduisait légalement chez eux à une mesure répressive : confiscation des biens, suppression des rites funéraires. [6]
En Europe occidentale, le suicide a été longtemps condamné. Après les lois générales de Charlemagne, les établissements de Saint Louis réglementèrent spécifiquement le suicide. »Un procès sera fait au cadavre du suicidé, par-devant les autorités compétentes, comme pour les cas d’homicide d’autrui « . Suite à ce procès, les biens étaient saisis par les seigneurs. [7] Nous pouvons donc conclure qu’autrefois le suicide était non seulement interdit mais aussi condamnable .
Durant les deux derniers siècles, le suicide est progressivement devenu un objet d’études scientifiques. Deux types de conception se sont opposés :
– les théories sociologiques Durkheim [1] (Le suicide, 1897) et Halbwachs [2]. (Les causes du suicide, 1930) ;
– les théories psychopathologiques avec S.FREUD ; Menninger ; Vedrinne et Saubier.
Courant sociologique :
Le modèle sociologique des conduites suicidaires a été marqué par la pensée d’Emile Durkheim (le suicide, 1897). Émile Durkheim, le fondateur de l’école française de sociologie, consacra tout un ouvrage à l’étude de ce qu’il considérait comme un phénomène social. Durkheim récuse en premier lieu les explications couramment avancées au XIX siècle : à savoir l’hérédité, l’assimilation du suicide à la folie, le climat… À l’aide de statistiques, Durkheim a pu comparer les variations du taux de suicide dans le temps comme dans l’espace, afin de saisir les facteurs susceptibles d’affecter le phénomène. Durkheim conclut que « chaque société est prédisposée à fournir un contingent de morts volontaires ». [1] Selon cet auteur, « C’est la constitution morale de la société, qui fixe à chaque instant le contingent de mort volontaire, il existe pour chaque peuple une force collective qui pousse les hommes à se tuer » [8].
A partie des concepts d’intégration et de réglementation, il classe les suicides dans les sociétés selon quatre types : altruiste, égoïste, anomique et fataliste : [9].
__ Le suicide altruiste : [9] il est déterminé par un excès d’intégration. Procède d’une intégration sociale forte au point de méconnaître l’individualité de ses membres. C’est une forme de suicide particulièrement développée dans les sociétés traditionnelles et qui n’a pas complètement disparu dans les sociétés modernes. On peut avoir en tête le
• Le suicide traditionnel des personnes âgées, devenu un poids pour la famille, au Japon ;
• Le militaire qui se donne la mort à l’issue d’une bataille perdue ;
• Commandant de navire qui ne peut envisager la vie sans son bateau et qui préfère couler avec celui-ci…
__ Le suicide égoïste : provient, à l’inverse du suicide « altruiste », d’un défaut d’intégration. Ainsi, une individualisation trop poussée peut conduire au repli de l’individu sur lui même, incapable parfois de trouver des motifs d’existence. Le suicide égoïste est le signe d’une société trop déstructurée pour fournir un motif valable d’existence à certains de ses individus [9].
__ Suicide anomique : le mot « anomie » vient du grec « anomia » et signifie « absence de règle, violation de la règle ». Ce type de suicide intervient lors d’un défaut de régulation qui, selon Durkheim, constitue la forme de suicide la plus répandue dans les sociétés modernes vu les changements sociaux rapides qui frappent les normes de conduites classiques. Ce type de suicide progresse en situation de crise économique ou politique et dans les périodes de forte croissance économique, puisque les mutations engendrées sont porteuses d’instabilité sociale. [1] .
__ Suicide fataliste : le suicide fataliste, quant à lui, est lié à une régulation sociale excessive, une discipline extrêmement rigoureuse étouffant les libertés individuelles. L’intuition de Durkheim selon laquelle le suicide constitue un phénomène social a été prolongée par de nombreux sociologues. [1]
Maurice Halbwachs (Sociologue français) complète le travail de DURKHEIM. Il suppose que, seul, le vide social créé autour de l’individu cause le suicide. Halbwachs a démontré la dimension sociale de la décision individuelle du suicide : «C’est dans la société qu’il a appris à vouloir, et, même lorsqu’il en est retranché moralement, et qu’il croit ne plus participer à sa vie, il suit encore en partie son impulsion». [2]. Selon cet auteur « Le nombre des suicides est un indice assez exact de la quantité de souffrance, de malaise, de déséquilibre et de tristesse qui existe ou se produit dans un groupe ». Au total, ce courant social insiste sur le rôle de la société dans la production des conduites suicidaires.
PREMIERE PARTIE : ETUDE THEORIQUE |