Historique du droit européen en matière de transport
Base juridique
L’ensemble des initiatives prises au niveau européen en matière de transport trouve son fondement juridique dans le titre VI « Les transports » du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne . En effet, la poursuite des objectifs de création d’un marché unique européen des transports routiers, au travers d’une politique commune garantissant la préservation des conditions de concurrence et la libre prestation de services, nécessita indéniablement l’harmonisation des dispositions légales des États membres. Ainsi, des mesures furent adoptées tant sur le plan fiscal que technique, administratif et social .
Les directives « Eurovignette »
En 1993, la directive 93/89/CEE « relative à l’application par les États membres des taxes sur certains véhicules utilisés pour le transport de marchandises par route ainsi que des péages et droits d’usage perçus pour l’utilisation de certaines infrastructures» fut adoptée par la Communauté économique européenne. Cette directive introduisit le principe des « mécanismes équitables d’imputation des coûts d’infrastructure aux transporteurs » . Ainsi, dans son article 7, la directive autorisa aux États membres l’introduction de deux types de prélèvements pour l’usage des infrastructures routières, à savoir : soit un droit d’usage conférant, contre le paiement d’une somme déterminée, un droit d’utilisation des infrastructures pendant une période de temps donnée ; soit un péage, dont le paiement se base sur la distance parcourue entre deux points de l’infrastructure ainsi que sur la catégorie du véhicule (nous soulignons). Il est également important de préciser que l’article qui nous occupe précise néanmoins que ces deux catégories de prélèvements ne peuvent être perçues de manière cumulative pour l’utilisation d’un même tronçon de route .
Nous noterons également que l’article 8 de cette directive confère aux États membres la permission de coopérer sur la mise en place d’un système commun de droits d’usage applicable de manière commune à leur territoire. C’est d’ailleurs sur cette base que l’Eurovignette vit le jour, suite à l’accord du 9 février 1994 survenu entre la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas .
Cependant, par un arrêt du 5 juillet 1995, la directive 93/89/CEE fut annulée par la Cour de justice des Communautés européennes pour cause d’un vice dans la procédure législative ; ses effets étant néanmoins maintenus jusqu’à l’adoption d’une nouvelle directive. Elle fut alors remplacée par la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 « relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures », appelée également directive « Eurovignette ».
La directive « Eurovignette » constitue aujourd’hui la référence en matière d’harmonisation des conditions dans lesquelles les autorités nationales peuvent imposer des taxes, des péages et des droits d’usage aux marchandises transportées par route . Toutefois, afin de nous offrir le cadre législatif étendu que nous connaissons aujourd’hui, cette directive « Eurovignette » a été révisée à deux reprises au cours des années 2000 .
Dans un premier temps, la directive 2006/38/CE du 17 mai 2006 fut adoptée parallèlement à la réalisation de travaux menés par la Commission européenne mettant l’accent sur la nécessité d’établir une tarification des infrastructures routières plus équitables et reflétant davantage le véritable coût du transport . Au travers du nouvel article 11 de cette dernière, la Commission était alors invitée à examiner l’ensemble des coûts externes relatifs aux aspects environnementaux, de bruit, de congestion et de santé, et à établir, sur cette base, un modèle « universel, transparent et compréhensible » pour l’évaluation de ces coûts externes, lequel servirait alors de fondement pour le calcul des redevances d’infrastructure .
Quelques années plus tard et sur la base de la « Stratégie pour une mise en œuvre de l’internalisation des coûts externes » présentée par la Commission au Parlement, ce fut au tour de la directive 2011/76/UE d’apporter son lot de modifications à la directive « Eurovignette ». Un des principaux axes de révision porta sur l’internalisation des coûts des externalités négatives dans le transport routier et sur l’introduction du principe du « pollueurpayeur ». Ainsi, la tarification des coûts externes varie désormais en fonction des performances environnementales des véhicules, plus précisément en fonction de la classe d’émission EURO du véhicule, et en fonction du moment et de l’endroit où ces véhicules sont utilisés . Nous verrons, ci-dessous, que la méthode de tarification de la taxe kilométrique en Belgique se base également sur ce principe .
Nous dressons, ci-dessous, un aperçu général des principales règles contraignantes communes contenues dans la directive « Eurovignette » et s’appliquant aux États membres:
– Concernant la couverture géographique, la directive s’applique au réseau transeuropéen de transport ainsi qu’aux autoroutes ne faisant pas partie du réseau transeuropéen de transport (article 7, §1) ;
– Concernant les types de véhicules, la directive s’appliquait initialement aux véhicules destinés exclusivement au transport de marchandises par route dont le poids total en charge autorisé était de 12 tonnes. Cependant, depuis 2012, le champ d’application a été étendu aux véhicules ayant un poids total en charge autorisé de 3,5 tonnes ou plus (article 7, §5). A cet égard, en droit belge, nous noterons que le prélèvement kilométrique s’applique donc aux poids lourds donc la masse maximale autorisée est supérieure à 3,5 tonnes tandis que l’Eurovignette ne s’appliquait qu’aux poids lourds dont la MMA était supérieure à 12 tonnes ;
– La directive interdit toute discrimination dans la perception des prélèvements, notamment en fonction de la nationalité du transporteur ou en fonction de l’origine ou de la destination du véhicule (article 7, §3) ;
– Les États membres ont la possibilité de prévoir des taux réduits ou des exonérations pour prélèvements, mais ceux-ci sont limités à certains cas spécifiques définis dans la directive (article 7, §4) ;
– La directive interdit la mise en place, par les États membres, de contrôles ou de vérifications obligatoires aux frontières à l’intérieur de l’UE (article 7 undecies) ;
– La directive ne fait pas obstacle à la perception, par les États membres, d’autres taxes perçues dans des circonstances particulières, telles que l’immatriculation, les chargements hors normes, le stationnement ou dans le but de réduire la congestion du trafic (article 9, § 1 et 1bis) ;
– La directive n’impose aucune obligation quant à l’affectation des recettes produites par les prélèvements, mais émet tout de même des recommandations quant à l’affectation des recettes au secteur des transports et à l’optimisation du système des transports dans son ensemble (article 9, §2).
Finalement, dans le cadre de son programme législatif « L’Europe en mouvement » publié en mai 2017, la Commission a pris de nouvelles initiatives en faveur d’une « mobilité propre, compétitive et connectée » . Par le biais de ce programme, des propositions de révision de la directive « Eurovignette » ont été annoncées, notamment en vue de renforcer davantage les principes du « pollueur-payeur » . Dans cette optique, les questions relatives à l’extension du champ d’application de la directive « Eurovignette » à d’autres types de véhicules (autobus et autocars, camionnettes et voitures particulières) ou encore à la suppression progressive du prélèvement fondé sur la durée sont également sur la table.
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