L’existence en certains lieux de sources sous-marines a été connue depuis longtemps par les hommes, elles ont même donné leur nom à certaines villes ou pays. Ainsi, on retrouve la ville d’Aquadulce dans le sud de l’Espagne (littéralement eau douce en espagnol), qui domine une source sous-marine jaillissant à quelques mètres de la plage (Espejo Molina et al., 1988). Quant à l’Ile de Bahrein (Qatar), son nom vient de deux mots arabes « thnain bahr », signifiant « deux mers », par référence au phénomène d’eau douce s’écoulant sous la mer. Le Yucatan, au Mexique est environné d’une eau douce sous-marine si abondante, que les habitants ont donné à la ceinture littorale qu’elle forme la dénomination caractéristique de Rio (Martel, 1921).
De plus, les témoignages sur ces sources sont fréquents. Ainsi dans l’ancien testament, Job révèle la présence d’une source sous-marine au large de l’île d’Aradus, connue aujourd’hui sous le nom de Arwad, située à 2 kilomètres de Tartous en Syrie. Cette source fut captée il y a trois mille ans (voir annexe 2) par les Phéniciens (Kohout, 1966).
Durant les siècles qui ont suivi, de nouvelles expériences de captage furent menées. Les soldats d’Hannibal, puis les pirates remplissaient ainsi amphores et sacs en cuir en les retournant au-dessus de sources sous-marines (Doerpinghaus, 2001). C’est essentiellement à partir des années 1960 que les études modernes sur les sources ont débuté ; on considérait que cette ressource précieuse ne devait pas être perdue. Cependant, si les études effectuées par le passé nous permettent de localiser de façon assez précise ces sources, il faut déplorer le fait qu’elles restent très sommaires. D’un point de vue hydrologique, les informations recueillies sont en général faibles (du fait de la complexité technique de telles études) avec parfois une estimation visuelle du débit accompagnée d’une mesure ponctuelle de la salinité. Il semble que les connaissances sur les sources sous-marines ne se soient que peu enrichies au cours des dernières années, alors que Kohout dénonçait déjà ce manque en 1966.
Il est regrettable que de telles études ne soient pas menées, compte tenu de l’importances des informations que ces sources apportent sur le fonctionnement global des aquifères côtiers, notamment en matière d’intrusion saline (Mijatovic, 1961).
CIRCULATIONS D’EAU DOUCE SOUS-MARINES ET SOUS-LACUSTRES
Sources d’eau douce sous-marines et « Submarine Groundwater Discharge » (SGD)
Nous pouvons définir de façon très simple les sources sous-marines comme étant l’exutoire sous-marin localisé d’eau douce provenant de la terre (Kohout, 1966). Les sources sousmarines font partie des « Submarine Groundwater Discharges » ou SGD. Ces SGD regroupent les sorties d’eau d’aquifère en mer aussi bien diffuses que localisées (nos sources sousmarines). Elles rassemblent également les flux d’eau de mer circulant dans l’aquifère (Taniguchi et al., 2002).
La quantification de ces flux est actuellement à l’étude, car on pense que l’interaction de ces eaux avec le milieu marin joue un rôle important : les SGD constituent souvent un important apport d’ions et de nutriments. Selon Johanes et Hearn (1985), Zektzer (1996), Uchiyama et al. (2000) elles ont une forte incidence sur les processus chimiques et biologiques au sein des eaux marines côtières. Leur flux, selon différents auteurs, varierait de 0,01 % à 10 % du débit total des fleuves (Church, 1996, in Taniguchi et al., 2002), soit en flux entre 3 km3 /an et 3 300 km³/an pour l’ensemble de la planète.
Actuellement, un groupe de travail, le SCOR Working Group 112 (sponsorisé par le Comité Scientifique de Recherche Océanique, SCOR, et le projet LOICZ, Land-Ocean Interaction in the Coastal Zone), s’emploie à améliorer les connaissances sur la détermination du débit des SGD et sur leur influence sur les processus océaniques côtiers. Bien que faisant partie des SGD, le débit global des sources sous-marines n’a jamais été estimé.
Sources sous-marines profondes
Avant de poursuivre l’étude des sources sous-marines d’eau douce, rappelons qu’il existe dans la mer des sources très profondes comme les fumeurs noirs dans les rides médioocéaniques, provenant de l’activité volcanique et tectonique (Dia et al., 1992). Etudiées en partie dans le cadre du développement d’organismes vivant en symbiose avec ce milieu particulier, ces sources salées ne véhiculent pas d’eau douce. Leur fonctionnement n’est pas comparable à celui des sources que nous étudions puisqu’il est lié à des phénomènes d’hydrothermalisme sous-marin. Il existe également des recirculations d’eau continentale sous la mer au niveau des volcans de boues sous-marins. Il s’agit d’édifices sédimentaires formés d’un mélange de fluide (généralement eau et gaz) et de boue (Le Pichon et al., 1989, Zitter et al., 2002). De telles structures ont été rencontrées en Méditerrannée entre – 1500 et – 2000 mètres de profondeur. Ces derniers cas étudiés en particulier pour leur production gazeuse ne peuvent pas être reliés non plus à une circulation d’eau douce.
Sources sous-lacustres
Elles sont de deux types, soit d’eau douce, soit d’eau de mer. Les sorties d’eau douce souslacustre sont difficiles à repérer car il n’existe aucune manifestation de surface. Il s’agit en effet d’un flux d’eau douce dans l’eau douce. De tels sources existent en grand nombre dans le fond des lacs (Alpes, Jura, Pyrénées, Balkans …). Citons par exemple la source du Boubioz dans le lac d’Annecy qui s’écoule d’un entonnoir à 80 m de profondeur, drainant les montagnes calcaires entourant le lac (Martel, 1921).
Concernant l’arrivée souterraine d’eau salée dans un lac, nous pouvons citer l’exemple du lac Kinnereth en Israël (Mero, 1964 ; Braudo et al., 1968 ; Kohout et al., 1969 in Paloc et Potié, 1973). L’eau salée des sources sous-lacustres est artésienne et sort d’entonnoirs situés au fond du lac ; cette eau dont certains disent qu’elle est d’origine marine, contamine les eaux douces du lac les rendant saumâtres. Des tentatives de colmatage des entonnoirs réalisées dans les années 1960-1970 se sont révélées inopérantes.
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