HISTORIQUE DES MNA DANS LES ARDENNES
Dans cette partie, nous étudierons essentiellement trois thèmes. Premièrement, les mesures de protection des MNA. Deuxièmement, la migration infantile et enfin, quelques données statiques sur les MNA. En parallèle aux migrations des adultes et des familles, existe une autre réalité qui est beaucoup plus taboue : il s’agit de la migration d’enfants non accompagnés de leur famille. Ce phénomène est beaucoup plus récent et les mineurs isolés étrangers ne peuvent faire l’objet d’une expulsion par rapport à plusieurs textes de lois et de conventions que la France a ratifiées. Depuis le démarrage du dispositif avec l’amendement de l’ancienne Ministre Madame Taubira en 2013, il y a eu un afflux des MNA dans les Ardennes, au total 216 MNA. Dans un premier temps, ils ont été pris en charge par le foyer départemental de l’enfance. Ce foyer départemental est un foyer d’urgence dans lequel ils étaient accueillis. Pendant plusieurs années, c’est donc le foyer départemental de l’enfance qui s’occupait de ces jeunes. Ils étaient en grand nombre et on comptait au moins 150 jeunes arrivés. L’accueil de ces jeunes n’était pas la mission première du foyer départemental de l’enfance, parce qu’un foyer départemental de l’enfance c’est de l’urgence, c’est des placements en urgence, et c’est surtout pour les jeunes du département. Face à cette montée du nombre de jeunes arrivants sur le territoire ardennais, le cd08 en 2018 a lancé un appel à projet pour demander à des prestataires de reprendre les missions et les accompagnements des MNA, donc l’Esperance et l’Armée du Salut ont répondu à l’appel. Ces deux structures ont alors été retenues comme principales structures prestataires des MNA dans les Ardennes. Donc les jeunes lorsqu’ils arrivent dans le département, en grande majorité, ils passent par le commissariat qui après, fait le relais. Ils contactent le foyer départemental de l’enfance et au foyer départemental de l’enfance, il y a une équipe restreinte d’éducateurs spécialisés. Ce sont eux qui mettent à l’abri les jeunes, et ce sont eux qui effectuent l’évaluation. C’est à la suite de cette évaluation qu’ils sont envoyés vers les structures prestataires suivant la disponibilité à accueillir .
LES MESURES DE PROTECTION DES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS
Préalablement, le préambule de la constitution française de 1946, intégré au préambule de la constitution de 1958, prévoit que « tout Homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Ensuite, la convention de Genève du 28 juillet 1951 stipule que le statut de réfugié s’appliquera à « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité, et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Les personnes qui demandent l’asile peuvent s’appuyer sur des persécutions directes ou du fait de la situation sociale, de l’appartenance ethnique ou religieuse, ou l’engagement politique de leurs parents. La convention de Genève ne fait aucune distinction de l’âge des personnes contraintes à l’exil. Cependant, l’acte final de cette convention recommande aux États « de prendre les mesures nécessaires pour la protection de la famille du réfugié, notamment les enfants isolés et les jeunes filles, en ce qui concerne la tutelle et l’adoption ». Hormis ces textes valables pour l’ensemble des réfugiés, la France a également signé d’autres accords spécifiques à la protection des mineurs. La convention de la Haye du 5 octobre 1961 traite de la compétence des autorités et de la loi applicable en matière de protection des mineurs, qui est ratifiée en 1972 par la France, et prévoit dans son article 8 que « les autorités de l’État de la résidence habituelle d’un mineur peuvent prendre des mesures de protection pour autant que le mineur est menacé dans sa personne ou ses biens ». D’autre part, la convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 pose le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant » comme une considération primordiale dans son article 3. Les enfants réfugiés « bénéficient de la protection et de l’assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir de ses droits », et « l’enfant isolé se voit accorder la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que se soit ».
Avant même cette dernière convention relative aux droits de l’enfant, la France avait déjà stoppé toute expulsion de mineurs depuis qu’elle a instauré la loi du 27 octobre 1981 pour abroger la loi Bonnet. Depuis cette date, il n’y a plus eu d’expulsion de mineurs en France métropolitaine.
LA MIGRATION INFANTILE
Les informations sur les migrations de mineurs étrangers isolés sont beaucoup plus difficiles à trouver. Il faut alors trouver des documents spécifiques à ce public, car les documents généraux de l’immigration, comme les rapports annuels de l’immigration et de la présence étrangère en France, réalisés par le Direction de la Population et des Migrations, n’évoquent même pas ce sujet en préférant leur consacrer d’autres rapports spécifiques. Cependant, nous pouvons tout de même regrouper certaines informations. Alors que la migration infantile en Europe représente aujourd’hui 4% de la migration européenne totale, la France a connu ce phénomène plus tardivement que ses voisins européens. Ce phénomène a été identifié dès les années 70 dans plusieurs États de l’Union Européenne mais la présence des mineurs isolés étrangers en France n’est repérée qu’au début des années 80 avec l’arrivée de jeunes Yougoslaves. A l’époque, la question de leur prise en charge suscite l’intérêt d’un nombre réduit de professionnels du champ éducatif. Après une étude de ces mineurs à la demande du ministère de la Justice, il ressort que ces enfants ne sont pas totalement isolés en étant confiés à des personnes non titulaires de l’autorité parentale. Le phénomène des mineurs étrangers, arrivant sur le territoire français en étant réellement isolés, apparaît au milieu des années 1990 et l’arrivée de ces enfants va s’amplifier à partir de 1999 dans différents points du territoire : Paris, la Seine-Saint-Denis, le Nord et le Pas-de-Calais, les Bouches-du-Rhône et Lyon. A la fin des années 90, la France voit arriver des mineurs isolés étrangers originaires du Maghreb, du Moyen-Orient et d’Afrique Sub-saharienne. Et à partir de mars 2002, il y a eu des arrivées massives de mineurs chinois à Paris. Ceci a relancé la polémique sur l’instrumentalisation du système judiciaire et de la protection de l’enfance. Dès 2003, les professionnels chargés de la mise en œuvre des dispositifs de la protection de l’enfance et les Conseils généraux d’Île-de-France, tirent le signal d’alarme et dénoncent une « saturation » de leurs services. En effet, les départements de Paris et de la Seine-Saint-Denis recevaient à eux deux 50% des mineurs isolés étrangers se trouvant sur le territoire national. Cette proportion est montée à 66% en 2009. Le département du Pas-deCalais est, quant à lui, un territoire de transit : 2 250 mineurs ont traversé ce département en 2009 avec une prise en charge au long cours de seulement 20 jeunes dans des dispositifs de protection de l’enfance.
DONNÉES STATISTIQUES
La recherche de données précises et chiffrées est encore plus difficile. De plus, en consultant de nombreux rapports nationaux et européens, il apparait que les chiffres divergent énormément pour plusieurs raisons :
– Il existe des différences dans les recensements de chacun des pays de l’Union Européenne. Certains ne comptabilisent que les mineurs demandeurs d’asile, d’autres distinguent les mineurs isolés des mineurs demandeurs d’asile des mineurs victimes de la traite et des réseaux mafieux dans des statistiques différentes.
– En France, il n’existe pas de données officielles fiables permettant d’évaluer la situation sur le plan national. Les services publics de protection de l’enfance étant gérés par des collectivités locales, les données sur les jeunes faisant l’objet d’une mesure de protection ne sont pas centralisées et la recherche des données au niveau local par les ONG ou les institutions nationales est marquée par des imperfections et des décomptes parfois divergents selon les régions. Cette évaluation parait pour autant nécessaire et recommandée afin de cerner au plus près les caractéristiques de cette population et d’apporter ainsi des réponses plus adaptées en termes d’accueil, d’orientation et de prise en charge.
– Enfin, les chiffres donnés n’indiquent pas tous s’il s’agit du nombre d’entrées de MIE sur le territoire français par année ou du nombre de MIE présents sur le territoire par année, ce qui change énormément la situation.
En France métropolitaine, le nombre de mineurs non accompagnés a augmenté de façon constante depuis le début des années 2000. Les estimations récentes produites par l’Assemblée des Départements de France (ADF) situaient le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) dits « mineurs isolés étrangers» (MIE) entre 8000 et 10000 sur le territoire. De nouveaux outils permettent aujourd’hui d’avoir une approche chiffrée plus conforme à la réalité. Ainsi, les chiffres de la Mission mineurs non accompagnés (MMNA) indiquent, pour l’année 2016, le nombre de 8054 mineurs (contre 5033 pour l’année 2014) pour lesquels la minorité et l’isolement ont été reconnus. Cependant, l’ADF indique qu’il y a actuellement 13000 mineurs non accompagnés accueillis dans le dispositif de protection de l’enfance, auxquels s’ajoutent environ 5000 situations d’anciens MNA devenus jeunes majeurs, accueillis en établissements et services sous le régime du contrat jeune majeur (CJM), et environ 2400 personnes se déclarant MNA, bénéficiant à ce titre d’une évaluation de leur minorité et de leur isolement.
INTRODUCTION |