Réanimation
Définition
La réanimation se définit comme la prise en charge de patients, présentant ou susceptibles de présenter des défaillances viscérales aiguës, mettant en jeu le pronostic vital et nécessitant à la fois l’utilisation de techniques spécifiques, de matériels coûteux et la surveillance permanente 24h/24h d’un personnel médical et paramédical, spécialisé, compétent et entraîné [10].
Historique de la réanimation
Jusqu’en 1940, la » réanimation procédé manuel ou mécanique destiné à ramener un individu à la vie, était employée essentiellement au traitement de détresses respiratoires par asphyxie, noyade ou électrisation [11]. La réanimation telle qu’on l’entend actuellement à une cinquantaine d’années d’existence en France. La date précise de sa fondation remonte au 1 er septembre 1954 quand fut créé, à l’hôpital Claude Bernard, le centre de traitement des formes respiratoires de la poliomyélite. [12] Avant cette date, les médecins n’étaient évidemment pas restés indifférents aux drames inhérents aux dérèglements des grandes fonctions vitales. Dans un ouvrage paru en 1954, J. Hamburger et ses assistants G. Rich et J. Crosnier, à propos des désordres humoraux d’origine rénale, considèrent que la réanimation « comporte l’ensemble des gestes thérapeutiques destinés à conserver un équilibre humoral aussi proche que possible de la normale des états morbides aigus, quelle qu’en soit la nature » [12]. En matière de ventilation artificielle, le recours à la bouche à bouche a été conseillé par Réaumur en 1740, puis la respiration à pression positive intermittente par l’intermédiaire d’un soufflet compta parmi ses promoteurs J. Hunter en 1776. Mais, faute de contrôle suffisant des pressions d’insufflation, cette bonne idée fut temporairement révisée. [12] Pour la ventilation mécanique, Lassen et Ibsen avaient traité les atteintes respiratoires sévères de la poliomyélite, véritable calamité, par la respiration artificielle endotrachéale par pression positive intermittente sur trachéotomie. Cette maladie fut ainsi le starter de la réanimation artificielle. Ce sont les grandes épidémies de poliomyélite du début des années 50, qui allaient faire bénéficier les patients des méthodes de réanimation respiratoire.
Notamment des techniques d’intubation et de ventilation contrôlée par respirateur, mettant fin définitivement aux anciennes techniques fondées sur la respiration artificielle par poumon d’acier [12]. Par ailleurs, l’oxygénothérapie (par masque facial, sonde nasale ou tente) a été préconisée par nombre d’auteurs dont L. Binet qui à ce propos parla déjà en 1945 de « réanimation ». Quant aux procédés de désobstruction des voies aériennes, on se doit de rappeler l’emploi de longue date de la trachéotomie ou de l’intubation. [12] Une nouvelle spécialité est née aux côtés de l’anesthésie et de la chirurgie : la réanimation-transfusion. Elle énonce les règles du traitement du choc traumatique, véritable urgence médico-chirurgicale, dont la transfusion sanguine était la première arme réellement efficace pour assurer un déchoquage préopératoire [11]. Une dernière étape a été franchie avec l’essor des transports sanitaires d’urgence. Cela permit à l’hôpital de sortir de ses murs et d’amener les techniques hospitalières d’anesthésie réanimation au domicile des patients ou au bord des routes. Ces méthodes sont naturellement issues des évacuations des blessés de guerre. De l’Indochine à la Corée, les techniques se sont améliorées. L’anesthésie réanimation moderne est donc née de la guerre. Chaque conflit conduit les médecins militaires à améliorer les techniques de réanimation de leurs blessés et leurs travaux font souvent autorité dans la pratique hospitalière civile: Aubaniac, professeur d’anatomie à Alger, crée en 1943 au sein de l’armée d’Italie la voie veineuse sous Clavière, publiée par la suite en 1952 [13] ; Laborit et Huguenard préconisent en 1953 la neuroplégie chez les blessés d’Indochine en association au remplissage vasculaire [14] ; Teshan, en Corée en 1954, jette les bases de l’hémodialyse prophylactique au cours des insuffisances rénales aiguës posttraumatiques [15] ; Au Viêt-Nam, des moyens dignes d’un véritable Centre Hospitalo-universitaire de temps de paix permettent aux médecins militaires américains d’étudier le syndrome de détresse respiratoire aigüe de l’adulte et de proposer un traitement spécifique du » poumon de Da Nang « , repris par Ashbaugh en 1967 [16]; Klebanoff, Hardaway et Cutler publient entre autres sur le traitement du choc traumatique, l’hémodilution, l’autotransfusion, la compression pneumatique circonférentiel1e, la coagulation intra vasculaire disséminée, les solutés de remplissage [17 ; 18 ; 19 ; 20]. Pour les premiers artisans de la nouvelle spécialité, leur présence en temps continu a totalisé plusieurs années. Si la poliomyélite a été le starter de la réanimation respiratoire, leur champ d’investigation s’étendit comme leurs moyens thérapeutiques, incluant ainsi le traitement de diverses intoxications et de comas de différentes origines. En élargissant constamment le champ de recherche, des domaines tous autres retiennent de proche en proche l’attention : poussées aigues asphyxiques des broncho-pneumopathies chroniques, asthmes aigus graves et états de choc de causes variées. En regard de succès inespérés à l’époque grâce à leur acharnement, ils déploraient hélas des échecs comme les états végétatifs persistants. Ils décrivent en 1959 la mort cérébrale sous le nom de « coma dépassé », c’est-à-dire le décès d’un sujet à cœur battant grâce à la respiration contrôlée.
La respiration endotrachéale par pression positive intermittente a bien été à l’origine de la réanimation. Mais il fallait en compléter les moyens car des défaillances viscérales autres que respiratoires devaient être corrigées dans les meilleurs délais. Ainsi au fil des années, l’arsenal thérapeutique fut enrichi de l’épuration extra rénale, du contrôle hémodynamique, des désordres circulatoires au lit même des malades, des échanges plasmatiques et de l’oxygénothérapie hyperbare. [18] Depuis la période initiale de la réanimation que l’on peut considérer comme historique, cette nouvelle spécialité ne cesse de se développer et ses résultats de s’améliorer.
Organisation et fonctionnement
Il existe trois types de services de réanimation classiques pour les adultes :
– La réanimation médicale : est une spécialité comprenant le diagnostic et la prise en charge de toute les défaillances vitales d’origine médicale.
– La réanimation chirurgicale : prend en charge des patients à risque porteurs d’une défaillance d’organe(s) d’une détresse vitale (neurologique, respiratoire, circulatoire, infectieuse, digestive) prioritairement dans un environnement chirurgical ou interventionnel.
– La réanimation polyvalente (ou médico-chirurgicale) : ce service prend en charge des patients adultes présentant ou susceptible de présenter des défaillances viscérales aigues, circulatoires, rénales, respiratoires et neurologiques mettant en jeux leur pronostic vital et qui peuvent nécessiter la mise en œuvre prolongée de méthode de suppléance tel que la ventilation artificielle, l’assistance rénale.
Les deux premières peuvent faire l’objet de services séparés au sein des hôpitaux qui les dispensent (réanimation néphrologique, réanimation neurologique, pédiatrique, réanimation de chirurgie cardio-vasculaire, etc.). Il faut ajouter à cela les services de grands brûlés et différencier la réanimation hospitalière du service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) et de l’anesthésie. La discipline de réanimation est catégorisée selon trois niveaux de prise en charge basés sur la gravité et/ou le risque d’apparition d’une ou de plusieurs défaillances organiques [21] :
– Les unités de soins continus : prise en charge du risque de défaillance vitale
– Les unités de soins intensifs : prise en charge d’une défaillance unique sur une durée limitée (ces unités sont souvent spécialisées, en cardiologie (USIC), néphrologie, néonatalogie, etc.)
– Les services de réanimation : prise en charge prolongée de défaillances multiples.
La plupart des services de réanimation sont implantées dans les centres hospitaliers (régionaux) universitaires (CHU ou CHRU). Cependant, la réanimation (soins intensifs et continus) est aussi exercée dans des centres hospitaliers publics (CH) et des établissements privés à but non lucratif. Toutes ces unités présentent les mêmes caractéristiques organisationnelles et sont soumises à des conditions techniques de fonctionnement similaires, sauf en ce qui concerne les qualifications exigées pour l’équipe médicale de ces unités.
D’une manière générale, il est souhaitable que les unités de réanimation s’orientent vers une prise en charge médico-chirurgicale, sauf si la nature des besoins, le volume d’activité et les impératifs de formation spécifique justifient une orientation médicale et chirurgicale distincte [22]. La capacité minimale de l’unité de réanimation est fixée à 8 lits pour des raisons d’efficience et conformément aux recommandations des sociétés savantes [22]. Cette capacité peut être fixée à 6 lits par dérogation, mais celle-ci doit revêtir un caractère exceptionnel et être réservée aux cas où l’éloignement de l’établissement impose des temps de trajets excessifs à une partie significative de la population. Une unité de 3 lits de surveillance continue adossée à cette structure est dans ce cas recommandée [22, 23]. L’objectif est bien le resserrement des structures de réanimation, justifié au regard des besoins réels et de l’organisation médicale [23].
Les unités de réanimation assurent :
– L’accueil et la prise en charge diagnostique et thérapeutique ainsi que la surveillance de ces patients ;
– La sécurité et la continuité des soins en organisant le retour et le transfert des patients dans les unités de surveillance continue ou toute autre unité d’hospitalisation complète dès que leur état de santé le permet. A cet effet, les établissements exerçant les activités de réanimation passent des conventions avec d’autres établissements possédant ces unités afin de définir les modalités permettant d’y transférer les patients.
Dans toute unité de réanimation, la permanence médicale et paramédicale doit être assurée, à la disposition exclusive de l’unité. Dans ce cas, un médecin de l’équipe médicale est placé en astreinte opérationnelle. L’admission des patients en réanimation, qu’elle soit réalisée par entrée directe (urgences) ou transfert, ainsi que la sortie des patients dans les unités de surveillance continue, voire dans d’autres unités d’hospitalisation, implique une continuité des soins.
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