HISTOIRE NATURELLE DU CANCER DU COL DE L’UTERUS
L’histoire naturelle se base actuellement sur le concept que le cancer invasif du col de l’utérus est du à une infection par des papillomavirus humains oncogènes à tropisme génital. C’est une maladie d’origine infectieuse à évolution lente qui met en général plus de dizaine d’année à se développer, depuis la primo-infection jusqu’aux différentes lésions histologiques précancéreuses accompagnant la persistance de l’infection.
Rappel anatomique
Le col utérin comporte deux parties : l’exocol et l’endocol (figure 2). La zone de passage entre ces deux parties se nomme la zone de jonction. L’exocol est la portion du col visible à la partie haute du vagin, l’endocol relie l’orifice externe à l’isthme utérin. La zone de jonction relie l’endocol et l’exocol. Figure1 : Aspect macroscopique normal d’un col (Source : http://screening.iarc.fr) A- l’endocol B- zone de jonction C- L’exocol
Rappel histologique Exocol
Il est revêtu d’un épithélium malpighien (épithélium pavimenteux stratifié) non kératinisé. Cet épithélium est identique et en continuité avec l’épithélium de revêtement du vagin. L’exocol comporte à sa partie centrale l’orifice externe. Endocol ou canal endocervical Il est revêtu d’un épithélium glandulaire simple mucosécrétant. Cet épithélium s’invagine dans le chorion sous jacent réalisant les glandes endocervicales. A B C 4 Zone de jonction C’est la zone de transition entre l’épithélium malpighien exocervical et l’épithélium glandulaire endocervical. Cette transition se fait de manière abrupte. Elle se situe à l’orifice externe. Durant la période d’activité génitale, sous l’influence des facteurs hormonaux, il y a une tendance physiologique à l’éversion de l’épithélium glandulaire. Cette zone éversée va subir une métaplasie malpighienne, c’est à dire un remplacement de l’épithélium glandulaire par un épithélium malpighien d’architecture normale. Figure 2 : La structure du col de l’utérus (d’après G Noël et al) 5 Figure 3 : La zone de jonction et le processus de métaplasie (d’après G Noël et al) 1 : zone de jonction « normale », située à l’orifice externe 2 : éversion de l’épithélium glandulaire endocervical réalisant un ectropion 3 : Métaplasie malpighienne de la zone éversée remplacement de l’épithélium glandulaire par un épithélium malpighien
Pathogénie de l’infection à papillomavirus humain (HPV)
Les papillomavirus humains ou HPV (Human Papilloma Virus) sont des virus nus (sans enveloppe) de petite taille (45 à 55 nm de diamètre) appartenant à la famille des Papovaviridae. Leur génome est constitué d’ADN double brin de 7 900 paires de bases environ, dont les séquences codant les protéines virales sont regroupées sur un seul brin. À l’heure actuelle, 118 génotypes de papillomavirus ont été totalement séquencés sur un peu plus de 200 identifiés, parmi lesquels 96 papillomavirus humains (HPV 1 à HPV 96) et 22 papillomavirus animaux (6). Tous les papillomavirus se distinguent en fonction de leur tropisme (cutané ou muqueux), de leurs propriétés biologiques et de leur potentiel oncogénique (bas risque ou haut risque). Ils infectent les cellules germinales de la couche basale des épithéliums malpighiens. (5) (7) (8) (9) Actuellement, les HPV incriminés dans le cancer du col sont les 16,18, 26, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 66, 68, 73, 82 (2). Une grande partie de mécanisme physiopathologique de l’infection cervicale par les HPV est actuellement bien élucidée. Il a été montré que les kératinocytes cervicaux contenant des formes intégrées de HPV apparaissent après une diminution de l’expression d’E2 qui entraine une activation de l’antigène viral. Elle conduit à une surexpression des deux protéines oncogènes E6 et E7 dans les cellules contenant la forme intégrée du génome (10). 6 Les protéines E6 et E7 se lient avec deux protéines suppresseurs majeures qui sont les protéines p53 et retinoblastome protéine (RB), et les inactivent. Cette liaison est responsable par la suite d’une hyperproliferation et instabilité des génomes. Le retard de phosphorylation déclenche la libération de CDK4 et CDK6. La protéine p16INK4 (produit de gène CDKN2A) qui est une protéine suppresseur de tumeur inhibe l’action des CDK4 et CDK6. Les tissus normaux du col ne contiennent pas cette protéine dont la quantité est fonction du degré d’atteinte du tissu cervical. Les tumeurs à HPV positives sont caractérisées par une forte expression de protéine P16INK4A qui est utilisée actuellement comme un marqueur immunohistochimique et spécifique de tout stade et tout type histologique des lésions pouvant évoluer vers le cancer du col, allant de la dysplasie jusqu’à un cancer invasif du col (9) (10) (11) (12). Il est estimé que 50 à 75 % des femmes de 15 à 44 ans sont ou ont été exposées aux HPV (13) (14). Seulement, l’infection persistante par un HPV à haut risque oncogène est considérée comme la cause principale du cancer du col utérin (15). La prévalence de l’infection à HPV à haut risque oncogène est très dépendante de l’âge : élevée avant 30 ans, elle diminue ensuite progressivement avec l’âge (16) (17). Toutefois, il existe des variations de la prévalence selon l’âge entre les pays (18) : il semble qu’en France le pic de prévalence soit à 20-24 ans (19), comme ce qui est montré aux USA et au Canada (20). L’infection persistante à HPV oncogène est un facteur nécessaire mais non suffisant : moins de 5 % des femmes infectées par HPV 16 développeront un cancer du col utérin au cours de leur vie (8). Par ailleurs, il n’existe pas de définition consensuelle de la persistance : en général, elle est définie par deux prélèvements positifs entre 12 et 18 mois d’intervalle (7). Dans la plupart des cas, en particulier chez la femme de moins de 30 ans, les infections à HPV sont transitoires et s’accompagnent de la disparition des anomalies cytologiques et histologiques qu’elles avaient pu induire. En effet, la clairance virale (élimination de l’infection virale) des HPV est assez rapide et fréquente, en moyenne 70 % des infections disparaissent en 12 mois et 90 % en 24 mois (16) (17). Certains facteurs favorisent la persistance de l’infection ou sont des cofacteurs de la carcinogenèse (modérés en comparaison de l’infection persistante à HPV oncogène). Ce sont le tabagisme, l’existence d’autres infections sexuellement transmissibles (IST), en particulier à Herpes simplex virus de type 2 ou à Chlamydia trachomatis, l’existence 7 d’un déficit immunitaire acquis (infection à VIH, transplantation d’organes, etc.) (5) (8) (21).