Histoire et cinéma
Le Protectorat
Le contexte politique général
Au début du XXe siècle, le sultan Moulay Abdelaziz régnait sur le Maroc. Les tribus avaient chacune un chef qui prêtait allégeance au sultan. Des conflits internes au sein de la famille royale ont été présents pendant la période où la France, comme beaucoup de pays européens, a manifesté des intérêts coloniaux pour le territoire marocain. Parmi des historiens du domaine cinématographique, le sultan Moulay Abdelaziz est considéré comme le premier cameraman marocain2 . Le sultan, ayant commandé une caméra pour le filmer, est tellement impressionné par ce nouvel outil qu’il commence à apprendre à l’utiliser et devient un passionné. En mai 1911, le sultan Moulay Hafiz détrône son frère Moulay Abdelaziz. Assiégé par des tribus amazighes de la région du Moyen Atlas à Fès, il fait appel aux Français qui commençaient à assurer leur présence militaire au Maroc. Ce n’est que le 30 mars 1912 que le ministre français Reignault fait signer au sultan Moulay Hafiz le Traité de Fès, établissant le Protectorat français de la République française sur le Maroc 3 . Ce protectorat va durer du 30 mars 1912 au 2 mars 1956, mais l’armée française a été confrontée à une grande résistance de la part des tribus amazighs, et à un mouvement de résistance qui devint ultérieurement le Parti de l’indépendance. Durant cette période, plusieurs textes réglementaires ont été formulés, structurant le domaine cinématographique, et donnant un cadre aux professionnels. b) La réglementation Durant la période du protectorat, les textes réglementaires portaient essentiellement sur l’importation et l’exploitation des films et du matériel de tournage étranger au Maroc, afin de maîtriser les projections cinématographiques sur le territoire marocain. Le dahir du 22 janvier 1916 réglemente l’organisation et la disposition du matériel cinématographique pour des événements de projection, qui doivent être assurés contre les éventuels risques d’incendie . Le dahir du 18 février 1937 (6 Hijja 1355) accorde la franchise à l’importation des films documentaires ou éducatifs, destinés à l’enseignement ou à des conférences gratuites. Sont exempts de droits de douane et la taxe spéciale de 2,50 % à l’importation, les films cinématographiques documentaires ou éducatifs destinés exclusivement à être projetés dans des établissements d’enseignement au cours de causeries et conférences gratuites et qui ne sont pas importés dans un but lucratif5 . La création du Centre cinématographique s’est faite par le dahir du 8 janvier 1944, qui attribue la personnalité morale et civile, ainsi que l’autonomie financière de cet établissement public. Il a alors une comptabilité et une personnalité juridique indépendantes. Le CCM a pour objet la production, la distribution et l’exploitation de films, ainsi que la constitution d’une cinémathèque6 . Le 25 juillet 1949, le dahir instaure la création d’un registre public pour l’enregistrement des actes, conventions, et jugements en matière cinématographique, qui est tenu par un conservateur nommé par arrêté viziriel. L’enregistrement des documents, des actes et l’immatriculation du film sont nécessaires avant de tourner sur le territoire marocain. En ce qui concerne la résolution des litiges, et la force d’application de ce dahir, il est mentionné ce qui suit :Article 17 : Dans le cas où, par application des règles normales de compétence, ce sont les tribunaux français qui sont compétents, l’affaire est portée devant le tribunal de première instance de Rabat.
Les films produits au Maroc durant le Protectorat
Avant même le début du Protectorat, à partir de 1896, les frères Lumière ont envoyé des opérateurs de prise de vue pour prendre des images du Maroc. En 1897, selon Abdelilah El Jaouhary8 , il y a eu la projection d’un film court Le Musulman drôle, dont le réalisateur et la société de production sont inconnus. En 1907, un opérateur français, Félix Mesguich (né en Algérie), a filmé le bombardement de la ville de Casablanca par l’armée française. En 1913, les frères Lumière projettent leur film Le Chevrier marocain, tourné dès 1897. Selon Abdelilah El Jaouhary le Maroc a connu en 1919 le tournage du film Maktoub par deux réalisateurs Georges Benchon et D. Cantin. En 1922, Marcel Lizbier a filmé Le Nouvel Homme, dans lequel le Maréchal Lyautey parle de ce que la France a apporté en matière de modernisation et civilisation pour le Maroc. Plusieurs films se sont ainsi succédés pour des tournages sous le soleil marocain entre 1919 et 1920. Maurice Batay et Claude Folio en comptent plus d’une cinquantaine, dans leur ouvrage Caméra sous le soleil9 . Avant 1924, il s’agissait de films français, et par la suite les filmstournés viennent de partout. Après 1944, et selon la version d’Abdelilah El Jaouhary, ils ont essayé de faire du Maroc un nouvel « Hollywood », avec pour objectif de concurrencer le modèle égyptien. Entre 1944 et 1956, quatorze films ont été tournés au Maroc, avec des acteurs maghrébins, dont : − Yasmina de Jean Lordier ; − Le Fils du destin de Marc Maillaraky ; − La septième porte d’André Zwoboda ; − Othello, en 1953, d’Orson Welles, tourné entre Essaouira et El Jadida, Palme d’or au festival de Cannes ; − Uruk, film italien enregistré au registre de Marrakech.
Fin du règne de Mohamed V et début du règne d’Hassan II (1956-1969) a)
Le contexte politique
Durant la période transitoire qui marque la fin du protectorat et l’indépendance du Maroc, le gouvernement de Bekkai Ben M’Barek Lahbil est le premier gouvernement marocain formé le 7 décembre 1955, qui est remplacé le 26 octobre 1956 par le gouvernement Bekkai II. Les ministres de ces gouvernements viennent tous de l’unique parti du rassemblement national « Al Kotla Al Wataniya » (le Parti de l’indépendance). Mars 1956 marque la fin du protectorat français, et en avril c’est au tour de l’Espagne de reconnaître l’indépendance des régions du nord du pays. Ce n’est qu’en octobre que le statut international de Tanger est aboli. Le sentiment nationaliste existait fortement dans la société marocaine, avec un fort désir de construire le pays. Un seul parti régnait malgré les prémices de discordance entre les communistes et les conservateurs au sein du parti du rassemblement national. Depuis janvier 1955, le gouvernement Bekkai est au pouvoir. Un remaniement ministériel survint le 26 octobre 1956, toujours dirigé par Mbarek Bekkai, à la suite du dahir 1.56.269. Ce gouvernement est dissous le 16 avril 1958, et remplacé par le gouvernement Balafrej. En 1957, le parti du rassemblement national proclame le sultan Mohamed V « Roi du Maroc ». Quelques mois plus tard, le 24 décembre 1958, le roi nomme Abdellah Ibrahim président du Conseil gouvernemental et ministre des Affaires étrangères. En février 1960, un séisme détruit la ville d’Agadir, faisant 12 000 victimes. Le prince Moulay Hassan se précipite sur les lieux en participant activement aux opérations de secours, si bien qu’il prend largement du terrain pour sa popularité auprès des Marocains. Le 27 mai 1960, le roi Mohamed V se nomme président du Conseil, et nomme son fils aîné Moulay Hassan vice-président et ministre de la Défense nationale. En février 1961, le roi Mohammed V décède, et son fils lui succède. En mars, le Maroc aura une fête du trône, et à partir de mars 1961, le roi Hassan II sera le président du Conseil, ministre de la Défense nationale, et ministre de l’Agriculture. Le 2 juin de la même année, il sera également ministre des Affaires étrangères au lieu de ministre de l’Agriculture. Le système parlementaire instauré par la constitution marocaine, qui a été approuvé par référendum en décembre 1962, laisse au roi des pouvoirs considérables. Le 5 janvier 1963, le roi nomme Ahmed Balafrej comme représentant personnel, et ministre des Affaires étrangères.