Histoire de la peau
Dans le cadre d’une collaboration avec L’Oréal, mes travaux portaient sur l’identification du dégradome de la couche la plus superficielle de la peau. La peau est un organe composé de l’épiderme, tissu majoritairement épithélial, et du derme, tissu de nature conjonctive [121]. Les kératinocytes sont les cellules les plus nombreuses de l’épiderme. Bien qu’il y ait des variations selon les régions anatomiques, la structure de base de la peau demeure toujours la même. II-C.1. Organisation des cellules de l’épiderme La fonction principale de la peau est de former une barrière efficace entre l’intérieur et l’extérieur de l’organisme. L’épiderme joue à la fois le rôle de barrière physique et de barrière biochimique. La barrière physique est principalement assurée par le stratum corneum (couche la plus superficielle de l’épiderme) alors que la barrière biochimique consiste en un ensemble de molécules comme des lipides, des peptides antimicrobiens ou encore des enzymes. Certains auteurs considèrent que la formation du stratum corneum est le but ultime de l’épiderme. L’épaisseur moyenne de l’épiderme varie entre 60 et 100µm et peut atteindre 600µm au niveau du stratum corneum de la plante des pieds ou de la paume des mains [122]. Il est constitué principalement (90%) de kératinocytes, mais également d’autres cellules (mélanocytes, cellules de Merkel, cellules de Langerhans…). L’épiderme est organisé en différentes couches de cellules dont la structure change en fonction de leur état de différenciation. Ces couches se nomment des plus profondes aux plus superficielles : basale, épineuse, granuleuse et cornée (Figure 14). Au terme de sa différenciation, la cellule est devenue de plus en plus spécialisée et limitée dans ses fonctions. Les cellules de la couche cornée (certes mortes mais protectrices) desquament : elles sont remplacées par d’autres cellules puisqu’en parallèle des cellules basales prolifèrent. Ainsi l’épaisseur du stratum corneum reste relativement constante du fait de ces phénomènes de desquamation et de multiplication bien équilibrés. Histoire de la peau 47 Figure 14 : Schéma de l’épiderme [123].
Le stratum basal
La couche basale (stratum basal) est formée de cellules en contact avec le derme, dont certaines prolifèrent et donnent naissance aux cellules des couches plus superficielles. La couche basale, composée majoritairement de kératinocytes, possède des cellules peu différenciées (10% des cellules) ainsi que d’autres types cellulaires. Une cellule souche, suite à la mitose, donne naissance à deux cellules identiques : l’une des cellules filles reste dans la couche basal et continue ses cycles de division, l’autre sort du cycle cellulaire pour se différencier. Une fois différenciée en kératinocyte, une cellule basale va, après un temps plus ou moins long, progresser vers la couche supérieure, à savoir la couche épineuse, puis compléter sa différenciation d’une couche à l’autre vers la surface. La morphologie des cellules basales est d’aspect cubique avec un noyau volumineux. Leur cytosquelette renferme des filaments intermédiaires de kératines [124]. Les filaments de kératines sont reliés aux hémi-desmosomes qui ancrent les cellules à la jonction dermo-épidermique et aux desmosomes qui joignent les cellules entre elles.
Le stratum spinosum
La couche épineuse tire son nom des nombreux desmosomes qui joignent les cellules et qui leur donnent un aspect épineux [125]. Il s’agit d’une couche de plusieurs cellules. Des changements morphologiques sont observables entre les cellules situées plus profondément dans la couche épineuse et celles plus superficielles [121]. Celles localisées plus profondément sont polyédriques avec un gros noyau et peuvent présenter des mitoses. Celles en position plus superficielle, davantage différenciées, présentent un accroissement de leur taille ainsi qu’un aplatissement. Ces cellules sont en synthèse active de protéines en particulier de kératines de types 1 et 10 [124]. Ces cellules plus matures que les cellules basales progressent vers la troisième couche grâce à la poussée des cellules sous-jacentes.
Le stratum granulosum
La couche granuleuse moins épaisse est constituée de quelques cellules aplaties seulement et forme la dernière couche nucléée de l’épiderme. Les cornéocytes (kératinocytes en fin de différenciation) sont entourés d’une matrice extracellulaire, nommée enveloppe cornée. Les précurseurs de celle-ci font progressivement leur apparition dans le stratum granulosum. L’involucrine commence à apparaître dans la couche épineuse et s’accumule dans la couche granuleuse [121]. Il en est ainsi des transglutaminases, enzymes qui catalysent la formation de cette enveloppe protéique dans la couche cornée [126]. La loricrine est un autre constituant majeur de cette enveloppe qui apparaît dans la couche granuleuse [127].
Le stratum lucidum
La couche claire n’est retrouvée que dans l’épiderme épais de la paume des mains et de la plante des pieds. Il s’agit d’une couche de transition continue entre la couche granuleuse encore métaboliquement active et la couche cornée inerte. Dans les autres sites anatomiques, cette couche n’existe pas. II-C.1.5. Le stratum corneum La couche cornée est composée de cellules kératinisées (cornéocytes) qui proviennent des couches sous-jacentes et qui desquameront une fois leur rôle de protection joué. Avant de devenir inerte et adaptée pour remplir sa fonction de protection, la cellule subit donc une série de modifications. Les organelles cellulaires commencent à disparaître progressivement. La membrane devient perméable et une partie du contenu cytoplasmique fuit. L’espace intercellulaire s’élargit et le volume cytoplasmique décroît. Les organelles cellulaires, incluant le noyau, continuent à être dégradées. La membrane cytoplasmique disparaît tandis que l’enveloppe cornée s’épaissit. Plusieurs protéines ou structures apparues dans la couche granuleuse deviennent fonctionnelles dans la couche cornée. Ces éléments contribuent alors au développement de la fonction barrière, soit le principal rôle de la couche cornée. Les cornéocytes sont des cellules mortes. A l’exception des filaments de kératine, la presque totalité du contenu cytoplasmique, incluant le noyau et les organelles, est dégradée par diverses enzymes : protéases, hydrolases acides [121]. La membrane cytoplasmique devient perméable, puis le noyau se dégrade. Le cornéocyte se déshydrate et perd ses débris d’organelles dans l’espace intercellulaire par exocytose de sorte que les amas de kératines composent alors 80% du contenu intercellulaire [128]