Histoire de la discipline pénite ntiaire
Instruction, direction morale, influence. « Démocrite, après avoir demeuré longtemps sous la discipline de Leucippe, résolut d’aller dans les pays étrangers […] (Fénelon, Démocrite, in Littré). 2 Cour. Règle de conduite commune aux membres d’un corps, d’une collectivité et destinée à y faire régner le bon ordre, la régularité ; par ext. obéissance à cette règle. Loi, règle, règlement. Une discipline sévère, rigoureuse. Une discipline de fer. Maintien de l’ordre et de la discipline. Se conformer, se plier, obéir à la discipline. Discipline collective acceptée, librement consentie : autodiscipline. Spécialt. Discipline scolaire. Censeur des études (anciennt), conseiller d’éducation chargé de la discipline dans un lycée. militaire : règle d’obéissance dans l’armée fondée sur la subordination (…) Bataillon, compagnie de discipline, – disciplinaire. Loc. Conseil de discipline. 3 Règle de conduite qui s’impose à une personne. S’astreindre à une discipline sévère – autodiscipline. Discipline morale, discipline de l’esprit (…) ¤ Voir LOI, NORME, VALEUR– Discipline En édictant, dès 1789 dans la première rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, que « nul ne peut être détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu’elle a prescrites », le législateur ne met pas fin à la prison disciplinaire. Bien au contraire peut-on postuler qu’il en pose les fondations. Louis XVI, avant lui, avait interdit le recours à la torture dans les geôles du royaume : en 1780 d’abord, comme moyen d’extorsion d’aveux en cours d’instruction, puis en 1788 comme peine ultime infligée aux condamnés pour crime, préalablement à leur exécution. Si le premier code criminel, en 1791, généralise la privation de liberté comme mode d’accomplissement des peines prononcées, il n’en conserve pas moins un arsenal de punitions additionnelles destinées à obtenir – en même temps que l’ordre dans les établissements – l’amendement des condamnés. Le fouet, la verge, les coups de corde restent des outils fréquemment utilisés pour contraindre ces derniers à s’astreindre au travail et à l’éducation proposés comme voies vers la repentance. On ne parle pas encore de réinsertion sociale et la prison, avec sa panoplie de sévices et de brimades, est essentiellement considérée comme un temps et un lieu d’expiation des fautes commises. En 1810, le deuxième code pénal, marqué par la rigueur militaire de l’empire napoléonien, introduit l’usage du boulet accroché au pied des forçats dans le dispositif sécuritaire et réhabilite la flétrissure au fer rouge : cette peine, héritée des pratiques de l’Ancien Régime, abandonnée en 1791, consistait à graver sur l’épaule du condamné une lettre se rapportant au crime commis (V pour vol, VV en cas de récidive), ou désignant la peine prononcée (ex : GAL pour galère).
En la réintroduisant dans les pratiques pénales, l’Empereur lui reconnaît – tout autant qu’une valeur punitive et infamante qui ajoute la douleur physique à la condamnation prononcée – une utilité de classement et d’étiquetage des détenus. En cela, la flétrissure peut être considérée comme l’ancêtre du casier judiciaire, plutôt que comme un élément du dispositifsiècle, de l’initiative des directeurs des établissements existants21. Autant dire de pratiques des plus arbitraires, proches parfois de la torture dans leur application et qui valent notamment à certains punis de croupir pour une durée indéterminée sur un galetas de paille, « enchaînés dans des cachots souterrains, humides et obscurs ». Une forme de punition en principe interdite depuis 1791, mais à laquelle on continue d’avoir L’arrêté du 8 juin 1842 instituant le « prétoire de justice disciplinaire » – d’abord dans les maisons centrales, avant sa généralisation à l’ensemble des établissements pénitentiaires au cours des décennies suivantes – apparaît comme l’expression d’une volonté des pouvoirs publics de faire reculer cet arbitraire. De façon explicite, le texte (cf : annexe 1) affirme que l’enjeu de l’initiative ministérielle est bien de protéger la population pénale des excès constatés en matière de maintien de l’ordre :
La justice disciplinaire est rendue par le directeur : il ne peut infliger que les punitions autorisées par les règlements. Les pitons, la bricole, l’anneau, la camisole, bien que non classés nommément au rang des punitions autorisées, nous semblent cependant permises en ce qu’elles ne sont que des diminutifs et une véritable atténuation de l’emploi des fers, autorisé par l’art. 614 du Code d’instruction criminelle. Mais peut-on employer le fouet, la verge, les coups de corde, etc ? Le directeur qui recourrait à l’un de ces moyens commettrait un délit ou un crime justiciable des tribunaux. La même responsabilité pèserait sur le directeur qui condamnerait disciplinairement une femme détenue à avoir la tête rasée. Couper les cheveux d’une femme, c’est commettre une mutilation sur sa Plus essentiellement, l’arrêté rappelle que le directeur est la seule autorité habilitée à prononcer une sanction (ce qui laisse entendre que bien d’autres membres du personnel s’accordaient jusqu’alors cette prérogative). Enfin, ce document fixe la durée maximale de placement en cellule de punition à quinze jours, le préfet pouvant toutefois augmenter ce délai de quinze jours supplémentaires. Les faits particulièrement graves et circonstanciés – de type mutineries ou agressions violentes du personnel – devront quant à eux faire l’objet d’une saisie du ministre de l’Intérieur (dont dépendent les prisons depuis 1795) qui pourra alors prolonger la période d’isolement, indépendamment ou dans l’attente des décisions de justice liées aux actes commis.