Histoire biologique d’une population du sud-est
malgache : les Antemoro
Les groupes Islamisés et la tradition orale
Les Onjatsy
Les Onjatsy représentent la première vague de migration d’islamisés à la côte sud-Est. Leur origine est assez vague. Grandidier a émit l’idée que les Onjatsy seraient arrivés avec les migrants de la seconde vague, les Zafiraminia, mais auraient quitté la région de Vohémar avant eux pour se rendre dans le Sud par cabotage le long des côtes (Deschamps 1972, Ferrand 1891). On retrouve d’ailleurs dans le nord de la Grande Ile le groupe des Anjoaty à rattacher probablement avec les groupes du Sud. Le nom d’Anjoaty n’est pas sans rappeler l’île d’Anjouan. Grandidier a vu dans l’étymologie du nom la référence à une tribu arabe les « Azt », quand Ferrand y lisait « les gens des vagues », puis « les impurs » (Deschamps 1972). Le linguiste Julien, lui, voit la contraction de olona zatse c’est-à-dire gens acclimatés (Vérin 1972). Les Onjatsy seraient des islamisés sur le mode Chiite. Grandidier postule qu’il s’agirait d’ismaéliens de la branche des Karmathes mais cette théorie est remise en question par d’autres auteurs (Deschamps & Vianes 1959, Ottino 1974). D’autres postulent qu’il s’agirait de descendants d’une branche Zeidites (Ralaimihoatra 1965). Certains d’entre eux seraient arrivés après escale à Malindi et aux Comores (Deschamps 1972). Ottino associe au moins une partie des Onjatsy à une origine Azdites venus d’Oman (Ottino 1974). Du point de vue des Antemoro, les Onjatsy étaient les occupants de l’embouchure de la Matitanana lorsque ceux-ci sont arrivés. D’après la tradition orale, les nouveaux arrivants les délivrèrent d’un « monstre marin » qui les terrorisait. En preuve de reconnaissance, ils reconnurent leur suzeraineté et leurs donnèrent leurs filles en mariage. L’ancêtre des Anteony, Ramarohala, avait une mère Onjatsy ce qui suffit à reconnaitre à ce groupe une supériorité sur les roturiers Antemoro. Ils semblent avoir permis l’intégration des nouveaux arrivants islamisés (Deschamps & Vianes 1959, Rajaonarimanana 1990). Les traditions ont par ailleurs conservé le souvenir de légendes selon lesquelles on reconnait les migrations dont sont responsables les Islamisés, tout au moins en partie. Il s’agit du mythe de Mojomby pour la côte nord-ouest et celui de Darafify pour l’est (Verin 1972). La légende raconte que Darafify et Fatrapaitanarà se rencontrèrent au niveau de la Matitanana et se défièrent. Fatrapaitanarà s’empara de la main de Darafify et la jeta dans le fleuve, mais Darafify, furieux, lui sauta à la gorge et le précipita dans la mer où il périt. Darafify correspond aux « joues claires », c’est-à-dire probablement aux islamisés et Fatrapaitanarà est le « géant noir », c’est-à-dire les premiers occupants de la côte du sud-est (Grandidier 1916, Raison Jourde 1983). Des affrontements ont probablement eu lieu entre les premiers occupants et les nouveaux arrivants. Le mythe de l’installation de Darafify, dans le nord de l’île, semble associé à la venue des premiers ancêtres des Anjoaty terme qu’il faut probablement rattacher à celui de Onjatsy du sud (Grandidier 1916, Vérin 1972).
Les Zafiraminia
Les Zafiraminia seraient des islamisés, probablement d’origine indonésienne Chiite. Les Portugais au XVIIème siècle les décrivent comme « connaissant fort mal leur religion » (Ottino 1974, Beaujard 1991-1992). Actuellement, deux groupes se disent descendants des Zafinraminia : les Antambahoaka de Manajary et la caste noble du peuple Antanosy dans le sud-est de Madagascar (Deschamps 1972). Ferrand a étudié divers textes contant le mythe de l’arrivée des ancêtres des Zafiraminia. Il raconte qu’un homme du nom de Ramakarabehevelomana partit d’Arabie sur un navire à la recherche d’une terre qu’il pourrait habiter. Il arriva à Madagascar et débarqua à l’embouchure de la rivière Sakaleona. Il épousa une malgache et eut des enfants. N’étant pas satisfait il retourna dans son pays. Au bout de quelques temps, Ramakarabehevelomana revint à Madagascar accompagné d’un homme appelé Raminia et de la sœur de ce dernier. Il existe des variantes dans l’histoire. Bien souvent Ramakarabehevelomana n’est pas mentionné par les auteurs et Raminia est le chef des éléments « nobles » disant provenir de La Mecque. Les Antambahoaka qui actuellement se disent les descendants de Raminia racontent que deux individus un frère et une sœur (Raminia et Ravahinia) venant de la Mecque sur un bateau arrivèrent près du fleuve Faraony. Ravahinia épousa Ramosamary un noble Antemoro qui venait de l’ouest. Ils donnèrent naissance à Iony et par conséquent aux Anteony. Leurs serfs étaient les Ampanabaka. Raminia eut de nombreux enfants, ce qui fait de lui le père des Antambahoaka, des Antanosy de Fort Dauphin et des Zafiraminia. Plus tard, le frère et la sœur repartirent pour la Mecque. Soulignons qu’il existe un autre texte qui, lui, mentionne Raminia comme une femme de la Mecque qui aurait épousé Abraham. Ils auraient donnés naissance entre autre, à une fille Ravahinia (sœur de Raminia dans le texte précédent) (Ferrand 1891). Les textes s’accorderaient à dire que vers le XIIème ou XIIIème siècle après un passage aux Comores, Raminia accosta à Vohémar, longea la côte est et débarqua à Mananjary. Son groupe aurait occupé les vallées jusqu’à la Matitanaňa. Puis une partie serait montée en Imérina et une autre aurait fondé le royaume de l’Anosy au début du XVème siècle, probablement suite à l’arrivée d’autres islamisés dans la vallée de la Matitanaňa. Les Zafiraminia revendiquent à la fois une origine 28 mecquoise et à Mangaroro assimilée par certain auteurs à Mangalore dans le sud-ouest de l’Inde (Beaujard 1988). Les Zafiraminia pourraient être des malais indianisés culturellement influencés par un Islam Chiite (Ottino 1983). Ferrand puis par la suite Ottino ont signalé que les Géographes arabes du IXème aux XVIème siècles donnent le nom de Raminia à une province du nord-ouest de Sumatra près de la moderne Acheh. Cela n’est envisageable que si l’on admet que la date d’arrivée est tardive (XIIIème siècle) car l’Indonésie ne connue l’islam qu’à cette date (Beaujard 1991-1992, Allibert 1995). A Madagascar, les Zafiraminia mettront en place un nouveau système hiérarchique et instaureront une nouvelle conception sociopolitique qui diffusera sur le reste de l’île, et en particulier dans les aristocraties Merina (Ottino 1983, Randriamananoro 2006).
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