Hétérogénéité individuelle intra-clonale de lymphocytes T CD8+ cytotoxiques lors d’une activité de lyse soutenue
L‘importance de l’activité cytotoxique de lymphocyte T CD8+ a été amplement décrite et évaluée depuis la mise en place du test de lyse par relargage du chrome (Cr51) en 1968275. Ainsi, l’activité de lyse au niveau de populations polyclonale et clonale a pu être appréhendée dans différentes conditions mimant des contextes pathologiques comme l’infection ou le processus tumoral. En revanche, au sein d’une population, le degré d’implication de chaque cellule tueuse à l’activité de lyse globale n’a pas encore été étudié.
Pour réaliser cette étude, nous avons produit des lignées clonales de lymphocytes T CD8+ primaires ayant une spécificité pour un peptide de la protéine p65 du cytomégalovirus. Ce modèle d’étude a pour avantage de (i) avoir une population de CTL identique génétiquement et (ii) une reconnaissance des cibles via le complexe peptide/CMH-I, similaire aux conditions physiologiques. Afin d’étudier la participation de chaque cellule individuelle à la lyse globale, nous avons mis en place une combinaison de tests de lyse, à la fois en cytométrie en flux et en microscopie, où les CTL sont face à un excès de cibles sur des temps prolongés (au-delà du test classique réalisé en 4h). Ceci permet donc de défier leur capacité de lyse multiple et de mesurer la cinétique de l’élimination des cibles au cours du temps.
d’éliminer jusqu’à 12 cellules cibles en 12h. En revanche, la contribution individuelle des CTL à l’activité de lyse globale est très hétérogène. Des analyses statistiques plus approfondies ont permis de révéler, au sein d’une population clonale, qu’une sous-population de CTL a fait preuve d’une capacité de lyse élevée. Le développement de cette sous-population nécessite une forte activation du TCR et démontre un comportement de lyse « accéléré ». La mise en place de ce comportement est différée dans le temps. Ainsi, l’activité cytotoxique des CTL est un processus cumulatif reposant sur une capacité individuelle hétérogène de lyse permettant d’effectuer de la lyse multiple et sur la mise en place différée d’une activité de lyse « accélérée ».
J’ai eu l’opportunité de travailler sur ce projet pendant mon année de Master où j’ai beaucoup appris au côté de Zilton, surtout sur les côtés techniques comme ses vidéomicroscopies en micromesh et les tests de lyse sur des temps prolongés. Ma contribution qui apparaît dans cet article est une analyse approfondie des résultats de vidéomicoscopies obtenues pour les CTL individuels. Je cherchais alors à identifier ce qui pouvait différencier les CTL à forte capacité cytotoxique versus ceux qui en démontrent peu. J’ai alors exploré une multitude de paramètres comme la vélocité, chaque évènement de lyse, le nombre de contact avec les cibles, le lien entre nombre de cibles en contact et évènement de lyse ou alors j’ai suivi le tracé du CTL et essayé de déterminer son caractère « exploratoire » ou non envers les cibles. Cette étude approfondie a pu mettre en évidence les événements de lyse accélérés, une des caractéristiques des CTL à forte capacité cytotoxique (Figure 5). En parallèle, j’ai souhaité expliquer la survenue de ces derniers par plusieurs hypothèses dont un métabolisme plus élévé avec une forte consommation de glucose mais ces recherches-ci n’ont pas aboutie. Pour finir, j’ai tout de même pu participer aux révisions finales permettant la publication de cet article.
Une première hypothèse pourrait être une capacité migratoire différente permettant d’aller à la rencontre de plus ou moins de cellules cibles, favorisant ainsi la lyse multiple. Ces populations de CTL clonales semblent homogènes lors de phénotypage en cytométrie en flux. Pourtant, dans le laboratoire, Javier Rey-Barroso a pu démontrer, sur un autre type cellulaire supposé homogène, que chaque cellule possède une capacité migratoire propre, avec des cellules plus ou moins rapides en terme de vitesse ou de directionalité (Scientific Reports, article révisé re-soumis). Dans notre cas, parmi les expériences de CTL isolés en présence de plusieurs cibles (micromesh en microscopie en temps réel), nous avions pu observer, de manière qualitative, que les CTL éliminant peu de cibles semblaient très exploratoires sur la surface de 100µm de diamètre, tandis que les CTL ayant une grande capacité de lyse multiple semblaient couvrir moins de surface, tout en étant capables de rencontrer des cellules cibles. Nous souhaitons explorer ces possibilités en mesurant plusieurs paramètres comme : la vitesse individuelle des CTL, la longueur du trajet de migration, la surface occupée par ce trajet, une possible directionalité vers les cibles, quantifier le nombre de rencontres avec les cellules cibles au cours de leur trajet etc. Dans ce but, nous avons débuté une collaboration avec des bio-informaticiens de l’Université Leiden, Joost Beltman et Richard Beck, afin de comprendre et de modéliser le comportement migratoire des CTL au niveau individuel.