Hépatotoxicité médicamenteuse due aux antituberculeux

Hépatotoxicité médicamenteuse due aux
antituberculeux

Physiopathologie de l’atteinte hépatique médicamenteuse

 En général, le mécanisme par lequel un toxique est capable d’entrainer une toxicité hépatique n’est pas bien élucidé pour la plupart des substances hépatotoxiques. Par ailleurs, la toxicité est le plus souvent due à la transformation des médicaments en des métabolites réactifs toxiques (principalement par les cytochromes P450 hépatiques ou CYP 450). Ces métabolites réactifs sont détoxifiés par différents systèmes de protection, comme la conjugaison au glutathion et les époxydes hydrolases. Lorsque ces mécanismes sont insuffisants, les métabolites réactifs peuvent se lier de façon covalente sur des constituants des hépatocytes et entraîner la mort cellulaire en interférant avec l’homéostasie cellulaire ou en déclenchant des réactions immunologiques (Figure 4) (37, 43, 49,69). La toxicité peut être aussi liée à une apoptose de l’hépatocyte ou à des dysfonctionnements mitochondriaux (37, 45, 69). Différents mécanismes peuvent s’associer pour un même médicament.

Formation de métabolites réactifs

En dépit du rôle détoxifiant du CYP 450, il peut nuire au fonctionnement du foie par la biotransformation du médicament en métabolite réactif capable de s’attacher aux macromolécules, telles que les ADN et les protéines, entrainant par la suite un stress oxydant, ou bien s’attaquer à ce propre enzyme de métabolisation aboutissant à une réaction autoimmune.

 Liaison avec les macromolécules

 Plusieurs types de lésions moléculaires sont observés selon les métabolites réactifs formés (70). Les médicaments transformés en radicaux libres peuvent réagir directement avec les lipides cellulaires et entraîner une peroxydation lipidique des membranes. La fixation covalente observée avec les métabolites électrophiles constitue un deuxième type de lésion moléculaire. Les métabolites réactifs fortement électrophiles réagissent avec les constituants cellulaires fortement nucléophiles comme l’ADN ou les résidus lysine des protéines. Les métabolites faiblement électrophiles réagissent avec les constituants faiblement nucléophiles comme les résidus cystéine des protéines et du glutathion. La conjugaison de ces métabolites au glutathion entraîne une déplétion très importante du glutathion, dépassant les capacités de synthèse de la cellule (figure 4). Vu le rôle majeur du glutathion dans la détoxification, c’est un puissant antioxydant, sa déplétion génère l’activation du système immunitaire favorisant la mort cellulaire par programmation. En plus le foie est le plus important centre de stockage de glutathion qui atteint ses concentrations intracellulaires les plus élevées dans les cellules parenchymateuses (hépatocytes) du foie sain. Les hépatocytes sont hautement spécialisées dans la synthèse du glutathion à partir de ses précurseurs et du recyclage de sa forme oxydée tout comme dans son utilisation contre des substances potentiellement toxiques. Des études ont montré que de faibles niveaux de glutathion sont synonymes d’un fonctionnement du foie affaibli avec, pour résultat, une augmentation des quantités de toxines qui circulent dans l’organisme, endommageant cellules et organes (45). Figure 4 : Lésions moléculaires induites par les métabolites réactifs électrophiles (53) 

Effet auto-immune

 Le rôle des métabolites réactifs dans l’apparition de la réaction immune est encore mal connu, cependant une théorie impliquant la reconnaissance par le système immunitaire de protéines modifiées par la fixation covalente du métabolite réactif est souvent proposée (figure 5) (70, 73). Le métabolite réactif formé dans l’hépatocyte est très instable et peut se fixer de façon covalente sur un grand nombre de protéines dont le CYP lui-même. Lors du renouvellement des hépatocytes, la protéine (le CYP, par exemple) modifiée par le métabolite réactif pourrait être internalisée par une cellule de Kupffer, transformée en peptides qui seraient présentés à un lymphocyte T auxiliaire reconnaissant des peptides modifiés. Il en résulterait une production de lymphocytes T cytotoxiques et de lymphocytes B produisant des anticorps contre la protéine native et/ou alkylée (51). Le groupe de Dominique Pessayre a montré que la plupart des CYP métabolisant des médicaments sont présents à la surface des hépatocytes (51). Figure 5 : Mécanisme proposé pour le rôle des métabolites réactifs dans les hépatites immuno-allergiques (d’après Pessayre (70))

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 Implication des mitochondries dans la survenue des atteintes hépatiques 

Deux mécanismes peuvent favoriser les lésions hépatiques par atteinte mitochondriale. Le premier mécanisme implique un dysfonctionnement mitochondrial diminuant l’oxydation des graisses et/ou diminuant la production d’énergie. Un deuxième mécanisme implique l’ouverture du pore de transition de perméabilité mitochondriale (PTPM) entrainant la mort cellulaire par nécrose ou par apoptose.

Dysfonctionnement mitochondriale

Oxydation des graisses et production d’énergie 

Les mitochondries jouent un rôle majeur dans l’oxydation des graisses et la production d’énergie (figure 6). Dans la mitochondrie, les acides gras sont coupés par le processus cyclique de la β-oxydation en unités d’acétyl-CoA qui peuvent, à leur tour, former des corps cétoniques ou être complètement dégradées en CO2 par le cycle de Krebs. Le NADH et le FADH2 générés par la β-oxydation et par le cycle de Krebs sont ré-oxydés en NAD+ et en FAD par la chaîne respiratoire mitochondriale, permettant de maintenir l’oxydation des graisses et initiant le processus de production d’énergie (figure 6) (4). Le transfert des électrons provenant du NADH et du FADH2 par les complexes de la chaîne respiratoire génère un courant électrique dont l’énergie est utilisée pour drainer les protons depuis la matrice mitochondriale vers l’espace intermembranaire des mitochondries, créant un gradient électrochimique entre les deux versants de la membrane mitochondriale interne. L’énergie de ce gradient est utilisée pour synthétiser l’ATP. Quand l’ADP augmente (c’est-à-dire quand les besoins énergétiques augmentent), les protons situés dans l’espace inter-membranaire sont captés dans la matrice par l’ATP-synthase (complexe V) qui utilise l’énergie libérée pour transformer l’ADP en ATP .

Table des matières

Introduction
Première Partie : Etude bibliographique
I. Définition des cas
I.1 Hépatite médicamenteuse
I.2 Type d’atteinte hépatique
I.2.1 Différentes types d’atteinte hépatique
I.2.2 Autres formes d’atteinte hépatique
II. Diagnostic d’une atteinte hépatique médicamenteuse
II.1 Interrogatoire
II.2 Examen clinique
II.3 Examen complémentaire
II.4 Ponction biopsie hépatique
III. Physiopathologie de l’atteinte hépatique médicamenteuse
III.1 Formation de métabolites réactifs
III.1.1 Liaison avec les macromolécules
III.1.2 Effet auto-immune
III.2 Implication des mitochondries dans la survenue des atteintes hépatiques
III.2.1. Dysfonctionnement mitochondriale
III.2.2. Pore de transition de perméabilité mitochondriale PTPM
III.3 Hépatotoxicité des antituberculeux
III.3.1. Régime thérapeutique standardisé du PNLAT au Maroc
III.3.2 Mécanisme de l’hépatotoxicité des antituberculeux
III.3.3 Toxicité hépatique de chaque molécule
III.3.4 Mécanisme de Toxicité des atteintes hépatiques aux antituberculeux (AHAT)
IV. Facteurs favorisants l’atteinte hépatique sous antituberculeux
IV.1 Âge
IV.2 Sexe
IV.3 VIH / SIDA
IV.4 Préexistence d’une pathologie hépatique
IV.5 Facteurs de risque génétique
IV.6 Intoxications
IV.7 Schémas posologiques
V. Gestion des antituberculeux
Deuxième Partie : Etude de cas
I. Matériel et méthode
I.1 Type d’étude
I.2 Période et lieu d’étude
I.3 Sélection des cas
I.4 Méthodologie
I.5 Méthode d’analyse
I.5.1 Etude descriptive
I.5.2 Etude analytique
II. Résultats
II.1 Donnés sociodémographiques
II.1.1 EI colligés de 2005 à 2012
II.1.2 Age
II.1.3. Sexe
II.1.4. Etudes de cas / non cas
II.1.5.Notifications
II.1.6 Notificateurs
II.1.7 Imputabilité selon l’OMS
II.2 Signes fonctionnels et généraux
II.2.1. Signes fonctionnels
II.2.2.Signes généraux
II.2.3 Cas de décès
III. Discussion
Conclusion
Recommandations
Références bibliographiques

 

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