Hépatite E : suivi d’une Cohorte de 2012 à 2018
Introduction
L’hépatite E (VHE) est causée par un virus à ARN simple brin, découvert il y a moins de quarante ans(1). Peu connu, il est pourtant responsable du plus grand nombre d’hépatites virales aiguës dans le monde et en Europe (2) (3). Le VHE est un virus non couvert appartenant à la famille des Hepeviridae. Il existe neuf génotypes au total dont quatre sont responsables d’infections chez l’Homme. Les virus de génotypes 1 et 2 sont présents uniquement chez l’Homme. Tandis que les génotypes 3 et 4 sont responsables d’infections à la fois chez l’Homme et chez l’animal. Il existe une répartition géographique ainsi que des modes de transmissions spécifiques de ces différents génotypes (4). Dans les pays en voie de développement, des virus de génotype 1 (et 2) sont transmis par voie orofécale via de l’eau contaminée principalement lors d’épidémies. On estime à vingt millions le nombre d’infections annuelles avec 3,3 millions de cas symptomatiques et 44 000 décès en 2015 (OMS 2017). Cette infection a longtemps été décrite comme limitée aux pays en voie de développement et traitée comme une pathologie du voyageur en Europe. Ce modèle a définitivement été revisité depuis une quinzaine d’années avec un nombre croissant de publications décrivant des cas autochtones et démontrant que cette pathologie était endémique dans certaines régions dites « développées » avec deux millions d’infections autochtones par an en Europe (3). Dans ces régions, des virus de génotypes 3 (et 4) sont responsables d’infections sporadiques, de type zoonose, liées à la consommation de viande de porc, sanglier, lapin, chevreuil et cerf insuffisamment cuite (5) (6) (7). D’autres voies de transmissions, liées aux soins, et plus marginales ont été décrites : les transfusions sanguines (8), les dons d’organes (9) et les échanges plasmatiques (10). En Europe, la séroprévalence des immunoglobulines G (IgG) anti-VHE est difficilement évaluable et varie entre 0.6% et 52.5% selon les publications (11) (12) (13) (14). Cette grande hétérogénéité s’explique par des outils de dépistage sérologique de performance variable (15) et par une grande différence de prévalence selon les zones géographiques et les cohortes étudiées (11). La prévalence de l’ARN viral, estimée à partir de donneurs de sang asymptomatiques varie de 1/2848 donneurs au Royaume Unis (16) jusqu’à 1/600 aux Pays-Bas (17). En France, la séroprévalence des IgG anti-VHE varie de 8% en Haute Loire à 86,4% en Ariège (12) et on estime que le virus est responsable de 68 000 nouvelles infections par an, dont 546 hospitalisations et 20 décès (18). 3 Après une phase d’incubation de deux à neuf semaines, l’infection reste asymptomatique chez soixante-dix pourcents des patients et la virémie est courte (2). Si des symptômes se manifestent, ils sont aspécifiques (ictère, fièvre, asthénie) et durent environ une semaine. Les paramètres biologiques reviennent à la normale dans les trois mois sans rebond. Il y a cependant trois groupes de patients sur lesquels le virus a des effets notables. Tout d’abord, les femmes enceintes infectées par le virus de génotype 1 avec un taux de décès de 20 à 30% après une infection aiguë (2). L’autre groupe comprend des patients présentant une hépatopathie chronique et qui présente un risque de développement d’une ACLF (Acute on Chronique Liver Failure) dans 30% des cas. Ces patients présentant une ACLF liée au VHE sont à haut risque de décès (jusqu’à 70% des patients) ou de transplantation hépatique (19) (20). Enfin 60% des patients immunodéprimés et contaminés par le VHE développent une hépatite chronique avec un risque accéléré de cirrhose (21). Des atteintes extra-hépatiques ont été décrites comme associées au virus de l’hépatite E sans qu’un lien de causalité n’ait pu être établi (22) (23). Celles qui ont été le plus décrites sont les atteintes neurologiques (24) (25) (26). Cependant, le champ des organes touchés par le virus de l’hépatite E est vaste avec des atteintes néphrologiques (27), hématologiques (28) et pancréatiques (29). Ces atteintes extra-hépatiques peuvent toucher les patients quel que soit leur statut immunitaire. Suite à de nombreux « cases-reports » ainsi que par plusieurs séries de patients (30) (31), un traitement anti-viral par ribavirine est maintenant proposé dans les cas d’infection sévère ou chez les patients immunodéprimés. Cela semble efficace sur les atteintes hépatiques avec une guérison chez 78% des patients traités (30) mais aussi sur certains cas d’atteintes extra-hépatiques (32). L’objectif de notre étude est de mieux définir les caractéristiques de l’infection par VHE dans une région de forte endémie comme Marseille et sa périphérie. Dans ce but, nous avons décrit tous les cas d’infections par ce virus depuis août 2012 et prouvés par PCR au sein de notre institution.
Matériel et Méthode
Design de l’étude
Tous les patients ayant eu une infection virale E diagnostiquée par PCR, entre Août 2012 et Avril 2018 dans le laboratoire de virologie de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille ont été inclus dans l’étude.
Données épidémiologiques
Les données épidémiologiques ont été collectées à partir des dossiers informatisés des patients (Logiciel Axigate). Les critères cliniques comme l’âge, le genre, le mode de contamination, la symptomatologie initiale et le terrain du patient (maladie chronique du foie et immunodépression) ont été renseignés. Le mode de contamination a été précisé grâce à un questionnaire envoyé au médecin ayant suivi le patient (Figure 2). Ont été aussi recueillies, l’administration d’un traitement antiviral par ribavirine, sa durée ainsi que son efficacité. Enfin, nous avons analysé des données temporelles: délai avant la première PCR de contrôle et délai avant guérison de la maladie. Une infection était considérée comme chronique si le délai entre la première PCR de diagnostic et la première PCR de contrôle négative était supérieur à six mois.
Paramètres Biologiques
Lorsque les tests hépatiques (taux d’aspartate aminotransférase [ASAT], d’alanine aminotranférase [ALAT], de phosphatase alcaline [PAL], de gamma-glutamyl-transférase [GGT], de bilirubine totale et taux de prothrombine [TP]) étaient analysés sur le site, ces données ont été collectées.
Tests virologiques Sérologies virales
Le dépistage sérologique des anticorps anti-VHE de type IgG et IgM a été réalisé par une technique ELISA (Enzyme linked immunosorbent assay). Durant l’étude, trois tests immuno-enzymatiques ont été utilisés. Du 28 Aout 2012 au 27 Janvier 2013, nous avons utilisé les tests immuno-enzymatiques Adaltis (EIAgen; Adaltis, Casalecchio di Reno, Italie). Puis du 28 Janvier 2013 au 17 Janvier 2017, soit la majorité du temps de notre étude, ce test a été remplacé par les tests Wantai MEIA (Wantai Biologic Pharmacy Enterprise, Beijing, République populaire de Chine). Enfin, à partir du 18 Janvier 2017, des tests MP-Biomedicals (formerly Genelabs Diagnostics, Singapore) ont été utilisés. Les tests ont été effectués selon les instructions des fabricants. Pour chaque test immunoenzymatique, un ratio signal de densité optique/signal seuil (SCR) est établi. Le résultat est négatif 5 pour un SCR inférieur à 0,9, borderline pour un ratio entre 0,9 et 1,1 et positif pour un rapport supérieur à 1,1. ARN viral par PCR Les ARN VHE ont été recherchés dans le sérum des patients, quel que soit le résultat des tests sérologiques, dès que le médecin suspectait que les symptômes du patient ou les perturbations du bilan hépatique pouvaient être liés au VHE. L’extraction des acides nucléiques totaux a été faite en utilisant le kit d’extraction EZ1Virus Mini Kit v2.0 sur le BioRobot EZ1 workstation (Qiagen, Courtaboeuf, France), en suivant les recommandations du fabricant. L’ARN viral VHE est détecté par la technique de PCR en temps réel mise au point dans notre laboratoire. Le protocole utilisé cible la région 5’ du cadre de lecture ouvert 2 (ORF2) du génome viral codant pour la transcriptase inverse. La PCR est réalisée en utilisant le kit SuperScript III Platinum One-Step Quantitative RT-PCR (Invitrogen Life Technologies, Carlsbad, CA) sur le thermocycleur Mx3000P (Stratagene, La Jolla, CA). Les amorces « sens » et « antisens » suivantes ont été utilisées : HevMrsFwd 5’-AATTRATTTCGTCGGCYGG-3’ HevMrsRev 5’-ACWGTCGGCTCGCCATTG-3’ La sonde de type TaqMan HevMrsFam a été utilisée (5’-FAMACTCYCGCCCSGTYGTCTCA-TAMRA-3’). Les produits de PCR sont purifiés sur des plaques de Sephadex G-50 Superfine (référence MAHVN4550, Millipore, Molsheim, France) puis séquencés en utilisant des amorces internes et le kit Big-Dye Terminator cycle sequencing v1.1 sur le séquenceur ABI prism 3130 genetic analyser (Applied Biosystems, Branchburg, NJ). La taille des amplicons ainsi obtenues est de 347 nucléotides (nt).
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