Avec 8 millions de décès annuels et 12 millions de nouveaux cas enregistrés à l’échelle planétaire, le cancer se situe parmi les premières causes de mortalité chez l’être humain. Ce constat reste valable à l’échelle de la France avec 385 000 nouveaux cas et 149 500 décès enregistrés en 2015 (données de l’Institut National du Cancer). Les projections de ces chiffres d’incidence et de mortalité sont, de surcroît, préoccupantes en raison de la multiplication des facteurs de risque tels que le vieillissement de la population, le tabagisme, l’obésité et les expositions environnementales et professionnelles.
Pour surmonter ce problème majeur de santé publique, différents types de traitements ont été développés (la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, l’hormonothérapie, l’immunothérapie…). En dépit de leur efficacité, des limitations importantes persistent. On peut citer par exemple les effets secondaires importants et imprévisibles, les spécificités génétiques et biologiques de chaque tumeur qui requièrent idéalement un traitement personnalisé ou encore l’émergence des phénomènes de résistances qui présentent des limitations majeures pour différents types de thérapies (chimiorésistance, radiorésistance).
L’hématopoïèse
Le sang est composé de plasma et de trois types de cellules sanguines générées dans la moelle osseuse ; les érythrocytes (globules rouges), les thrombocytes (plaquettes) et les leucocytes (globules blancs : polynucléaires neutres, basophiles, éosinophiles, monocytes et lymphocytes) . Chaque composant possède une fonction indispensable au bon fonctionnement de l’organisme. Ainsi, le plasma transporte des substances (telles que les substances alimentaires, les déchets du métabolisme, les hormones…) d’un point à un autre du corps. Les érythrocytes transportent l’oxygène via l’hémoglobine. Les thrombocytes participent à la coagulation et enfin les leucocytes interviennent dans la réponse immunitaire.
Les cellules sanguines, appelées également hémocytes, sont générées, renouvelées et régulées via l’hématopoïèse . Il s’agit d’un processus qui se produit au niveau de la moelle osseuse et qui conduit à tous types de cellules sanguines à travers des différenciations successives. Le point de départ de l’hématopoïèse est une cellule primitive dont l’existence a été prouvée en 1961 via des expériences d’irradiation et de greffe de moelle osseuse menées par les chercheurs canadiens Ernest McCulloch et James Till . Cette cellule primitive nommée « cellule souche hématopoïétique » est caractérisée par trois éléments essentiels : la multipotence, la différenciation et l’auto-renouvèlement (multiplication sans différenciation). En réponse à des stimuli externes, tels que des cytokines, elle déclenche l’hématopoïèse et se différencie en cellules progénitrices. Ces dernières sont engagées dans le lignage myéloïde ou lymphoïde et possèdent une capacité de différenciation et d’auto-renouvellement plus faibles. Le niveau suivant de différenciation donne naissance au troisième compartiment hématopoïétique : les « précurseurs ». Il s’agit de cellules encore plus engagées dans le lignage correspondant (lymphoïde ou myéloïde), capables uniquement de division et de maturation. Enfin, une dernière étape de différenciation aboutit aux cellules matures, fonctionnelles et capables de passer dans le sang. Pour les précurseurs pro-B et pro-T, la maturation se déroule en deux étapes. La première permet aux précurseurs d’apprendre à reconnaître et à être stimulés par leur antigène. La deuxième expose ces lymphocytes « naïfs » à leur antigène pour induire l’expression de leurs capacités fonctionnelles. L’immunopoïèse est alors accomplie et les lymphocytes sont dits activés. Contrairement aux lymphocytes B et T, le développement et la maturation des lymphocytes NK (Natural Killer ou cellules tueuses naturelles) ne sont pas bien connus. On sait néanmoins qu’ils découlent du progéniteur lymphoïde et qu’ils ne nécessitent pas d’activation. Ils sont ainsi capables d’interagir avec les cellules pathologiques et de les tuer sans maturation préalable. Pour cette raison, on parle de système immunitaire inné pour les lymphocytes NK tandis qu’on parle de système immunitaire acquis pour les lymphocytes B et T .
Les hémopathies malignes
Des dysfonctionnements peuvent survenir au cours de l’hématopoïèse engendrant différents types de pathologies regroupées sous le nom d’hémopathies malignes. Pour les classer, plusieurs paramètres sont pris en compte :
➤ L’évolution de la maladie : aigue ou chronique. La première se développe à partir de cellules immatures tandis que la deuxième affecte des cellules matures.
➤ Le site de développement de la maladie : moelle osseuse ou organes lymphoïdes. Dans le premier cas, on parle de leucémie et dans le deuxième on parle de lymphome.
➤ Le lignage des cellules affectées : myéloïde ou lymphoïde. On parle respectivement d’hémopathie myéloïde et lymphoïde.
En raison du nombre et de la complexité des critères existants, il a été difficile de trouver un moyen consensuel de classer les hémopathies. Différents systèmes de classification se sont ainsi succédé depuis les années 1970. Une première classification a notamment été établie et publiée par le groupe FAB (French American-British) en 1976. Elle s’appuie sur des données morphologiques, immunophénotypiques, cytochimiques et cliniques. A partir de l’an 2000, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a décidé de prendre en compte les facteurs génétiques et a publié une nouvelle classification qui a été mise à jour en 2008 avec l’édition du livre « WHO Classification of Tumors of Haemtopoietic and Lymphoid Tissues » . L’importance accordée aux systèmes de caractérisation de ces pathologies s’explique par leur influence sur le choix de la prise en charge thérapeutique.
Hémopathies myéloïdes
Comme leur nom l’indique, ces affections se développent à partir de précurseurs engagés dans le lignage myéloïde (lignées granuleuse, érythroblastique, mégacaryocytaire, histiomonocytaire). Suivant le nombre de blastes médullaires et le niveau de différenciation des cellules anormales, on peut distinguer trois types d’hémopathies myéloïdes : les syndromes myéloprolifératifs chroniques (SMC), les syndromes myélodysplasiques (SMD) et les leucémies aiguës myéloïdes (LAM).
Les syndromes myéloprolifératifs chroniques (SMC)
Les syndromes myéloprolifératifs chroniques surviennent à une fréquence de 12,1% par rapport à l’ensemble des hémopathies malignes . Ils sont dus à une anomalie clonale des cellules souches myéloïdes favorisant la prolifération médullaire sans blocage de différenciation. Ceci donne lieu à une accumulation excessive de cellules différenciées avec une prédominance d’une lignée particulière par type de syndrome. Ainsi, la leucémie myéloïde chronique (LMC) se caractérise par une prédominance de la lignée granuleuse, la polyglobulie de Vaquez par une prédominance de la lignée érythrocytaire et la thrombocytémie essentielle par une prédominance de la lignée mégacaryocytaire. La splénomégalie myéloïde est quant à elle la seule sous catégorie où la prolifération se fait au niveau des différentes lignées, sans prédominance.
Les syndromes myélodysplasiques (SMD)
Les syndromes myélodysplasiques présentent 7,3% de l’ensemble des hémopathies malignes. Il s’agit d’affections clonales des cellules souches myéloïdes engendrant une maturation défectueuse et favorisant des dysplasies morphologiques et fonctionnelles . Ces cellules mal formées sont reconnues comme étrangères par l’organisme et éliminées par apoptose. On parle d’avortement intra-médullaire. S’ensuivent une ou plusieurs cytopénies sanguines contrastant avec une moelle hématopoïétique de richesse augmentée. Ces cytopénies sont responsables de plusieurs types d’anémies (l’anémie réfractaire, l’anémie réfractaire avec sidéroblastes en couronne, l’anémie réfractaire avec excès de blastes) ainsi que d’autres syndromes tels que le syndrome 5q – ou la cytopénie réfractaire avec dysplasies multi-lignées. Les syndromes myélodysplasiques présentent d’importants risques de se transformer en leucémie aigue myéloïde.
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