Intérêt des sources laser à sécurité oculaire
De nombreuses applications civiles et militaires utilisent des sources laser lorsqu’elles requièrent une propagation dans l’atmosphère sur de longues distances, typiquement de l’ordre du kilomètre à la vingtaine de kilomètres. Parmis ces applications, on peut noter la télémétrie, la vélocimétrie, l’anémométrie, la détection et la mesure de polluants, et de manière générale toutes les applications LiDAR¹. La majorité de ces applications requiert des sources émettant des impulsions plutôt qu’un rayonnement continu, d’une part pour permettre les mesures du temps de vol (si besoin), et d’autre part pour bénéficier d’une puissance instantanée pendant l’impulsion (puissance crête) beaucoup plus importante que la puissance moyenne des sources continues. La propagation libre de telles impulsions laser pose des problèmes de sécurité. En effet, un faisceau laser intense peut causer des dégâts temporaires ou irrémédiables aux yeux en vision directe ou indirecte. Pour rendre l’émetteur inoffensif, il faut donc diminuer l’énergie des impulsions, ce qui diminue aussi la portée du système.Cependant, il existe une gamme de longueur d’onde où un rayonnement laser peut être suffisamment intense pour atteindre des portées d’une dizaine de kilomètres, sans pour autant être dangereux. Cette gamme se situe entre entre 1,5 µm et 1,8 µm ; gamme où l’oeil humain présente un seuil de dommage élevé (fig. 1.1). Une source émettant un faisceau laser dans cette gamme est dite à sécurité oculaire. Pour des impulsions d’une durée de 10 ns, le seuil de densité d’énergie sur la cornée est de 5.10−6 J/cm2 à 1 µm (fig. 1.2). Il est de 1 J/cm2 dans la gamme de sécurité oculaire.
Transmission de l’atmosphère dans la gamme de sécurité oculaire
L ’ présente un minimum local d’absorption dans la gamme de longueurs d’onde à sécurité oculaire (fig. 1.3). Il est donc possible de concevoir une source laser ne présentant aucun risque de dommage oculaire, et proposant en même temps de longues portées, de l’ordre de la dizaine de kilomètre. Ainsi, pour améliorer leur portée, la plupart des applications qui requièrent une propagation dans l’atmosphère utilisent alors des faisceaux laser dont la longueur d’onde est située autour de ce minimum d’absorption, typiquement entre 1550 nm et 1620 nm
Sources laser à sécurité oculaire
Il existe des systèmes matures et capables de produire de fortes puissances et énergies autour de 1 µm, comme par exemple les sources solides basées sur les cristaux de Nd:YAG. Ces sources peuvent servir d’injecteurs pour des oscillateurs paramètriques optiques [Foltynowicz2011, Liu2008, Marshall1993, Webb1998] ou de pompe pour les oscillateurs à effet Raman [Chen2004, Mayor2004, Takei2002]. Ces architectures réalisent une conversion non linéaire en longueur d’onde de 1 µm vers la gamme à sécurité oculaire Mais l’aspect multi-étages de ces architectures et leur relative complexité ne sont pas souhaitables pour la conception d’une source compacte de faible coût. Il existe quelques ions capables d’émettre directement dans la gamme à sécurité oculaire dont le thulium. Ses sections efficaces d’absorption et d’émission [Agger2006] permettent techniquement une émission à 1,8 µm [Güell2004], mais au prix d’une efficacité faible due à sa section efficace d’absorption non nulle à cette longueur d’onde. De plus, les longueurs d’onde autour de 1,8 µm ne sont pas assez transparentes dans l’atmosphère (fig. 1.3). Cet ion est plus souvent utilisé pour émettre entre 1,9 µm et 2,1 µm [Dai2013]. Enfin, l’ion thulium se pompe autour de 790 nm. Ce défaut quantique important (56%) impose une importante gestion thermique du cristal. Lorsqu’il est pompé directement par une diode laser InP à 1470 nm ou à 1532 nm, l’ion erbium permet aussi une émission directe à sécurité oculaire à 1,6 µm, plus précisément à 1617 nm ou à 1645 nm (dans le YAG) (fig. 1.4). Ces longueurs d’onde coïncident avec un minimum d’absorption de l’atmosphère dans la gamme à sécurité oculaire (fig. 1.3). Cependant, ses section efficace d’absorption pour ces raies d’émission ne sont pas négligeables (fig. 1.5), ce qui nécessite de consacrer beaucoup d’effort de dimensionnement du cristal, en comparaison du néodyme par exemple. C’est un ion très polyvalent, utilisé pour de nombreuses autres applications, en particulier dans le monde des télécommunications et le monde médical (cf. annexe Autres utilisation de l’ion erbium).L’ion erbium est le cœur du sujet de thèse. Il est relativement peu étudié en comparaison des ions neodyme et ytterbium, mais il possède un potentiel certain pour l’émission à sécurité oculaire, ce qui explique son attrait pour quelques groupes de recherche en laser
État de l’art des sources lasers solides impulsionnelles dopées erbium pompées optiquement
Trois architectures autour de l’ion erbium sont possibles. Tout d’abord, les lasers à fibre dopées erbium, dont la technologie est issue du monde des télécommunications² utilisent exclusivement des longueurs d’onde comprises entre 1,5 µm et 1,6 µm. Cette gamme correspond au minimum d’absorption de la silice, matière de base des fibres optiques. Cette architecture est très efficace grâce à l’excellent recouvrement entre la pompe et le signal laser à amplifier. Elle permet d’obtenir des faisceaux de très bonne qualité spatiale (limitée par la diffraction). Cependant, cette approche se montre limitée en énergie et en durée d’impulsion. En effet, à cause du confinement du signal dans la fibre optique sur un diamètre de quelques micromètres, les seuils des effets non-linéaires (Brillouin, Raman, lentille Kerr, etc.) peuvent rapidement être atteints ; typiquement à partir de quelques dizaines de microjoules pour des impulsions d’une durée de 10 ns. À l’inverse, les milieux à gain massifs en verres dopés erbium³ permettent d’émettre des énergies importantes (quelques millijoules), mais la faible conductivité thermique du verre empêche leur montée en puissance moyenne et limite l’efficacité totale de la source. Ainsi, concevoir un oscillateur dépassant 100 mW de puissance moyenne requiert des montages expéri-mentaux complexes [Bykov2008]. Les lasers solides à cristaux dopés erbium se situent entre ces deux solutions techniques. L’énergie en sortie est supérieure à celle des lasers à fibre puisque les sections des faisceaux traversant le cristal sont plus larges. La montée en puissance moyenne est plus facile qu’avec un milieu laser massif en verre grâce à leur meilleure conductivité thermique. Un cristal dopé erbium peut être optiquement pompé par différentes méthodes : par lampe flash [Skorczakowski2011], par une diode laser [Wang1992] ou bien par une autre radiation laser [Kim2009]. La dissipation thermique des lampes flash est compliquée à mettre en œuvre, ce qui limite leur cadence de répétition, et donc la cadence de la source pompée. De plus, ces lampes émettent un spectre très large, ce qui rend ce type de pompe relativement peu efficace pour pomper des cristaux dont la largeur des raies d’absorption sont généralement fines. Cet état de l’art ne s’attarde donc pas sur les cavités pompées par lampe flash.