Harmonisation des maillages territoriaux en Méditerranée

La Méditerranée : quels maillages territoriaux

Maillage territorial : outil méthodologique ambigu

 Afin d’exposer l’objet de recherche que sont les maillages territoriaux, nous étudierons tout d’abord ses aspects théoriques, c’est-à-dire les origines du maillage, les différents types et son utilisation ainsi que sa place au sein des sciences humaines et sociales. Ensuite, seront abordés les problèmes découlant de l’emploi des maillages territoriaux, majoritairement regroupés sous l’acronyme MAUP, tout comme les solutions développées pour limiter les effets néfastes des maillages sur les résultats des études. 

Fondements théoriques

 Les recherches dont les maillages territoriaux stricto sensu sont les objets d’étude se révèlent peu nombreuses au sein des sciences géographiques. Cette situation est essentiellement due au fait que les maillages territoriaux sont bien souvent étudiés par le prisme du MAUP. L’Habilitation à Diriger des Recherches du géographe Claude Grasland (1994) constitue une bonne base théorique et conceptuelle. Cet ouvrage est résumé dans l’article « Les maillages territoriaux : niveaux d’observation ou niveaux d’organisation ? » [Grasland C., 1997], donnant la possibilité de l’aborder plus succinctement. Le titre de l’article dévoile d’emblée l’ambiguïté du maillage territorial : est-il créé uniquement pour organiser et gérer les sociétés humaines ? Ou constitue-t-il simplement une fidèle fenêtre d’observation du monde ? Cette opposition se retrouve également avec Christophe Terrier (1998) avec les notions de « zonage de pouvoir » et de « zonage de savoir ». Analyser plus longuement les fondements théoriques des maillages territoriaux représente un véritable intérêt pour notre sujet. En vue de cet objectif, nous nous inspirons principalement de Grasland

La Méditerranée : quels maillages territoriaux ?

Dans le but d’aborder le maillage territorial de façon théorique, nous présenterons les évolutions étymologique et définitionnelle du terme maillage en guise d’amorce. Ensuite, seront exposés les fondements faisant des maillages territoriaux un processus spécifique pour observer le monde. Il conviendra également de différencier les grands types de maillages, en expliquant leurs atouts et leurs limites auxquels se retrouve confronté le chercheur. Pour terminer, l’approche relationnelle étudie les maillages territoriaux comme objet d’étude. Elle apporte sa pierre au corpus théorique des maillages en déterminant des effets spatiaux et sociaux, tout en préconisant une approche multidisciplinaire. 

Définitions et étymologie 

Le terme de maillage dénomme l’action de frapper du tissu au moyen d’une masse de bois, le mail. Il disparaît à partir de la fin du XIXe siècle, jugé trop archaïque par Littré [Grasland, 1998]. Il arrive même qu’en 1948, le terme ne figure toujours pas dans certains dictionnaires. Sa réapparition reste tardive, mais détient une transformation non négligeable de la signification de l’actuel terme maillage par rapport à l’ancien. Sa définition moderne lui donne une toute autre portée que l’originelle. Le Grand Robert définit le maillage, dans son premier sens, comme la « manière dont un filet est maillé » et dans son second sens, comme la « structuration en réseau ». Son sens actuel ne se rapproche aucunement d’une technique de tissage, mais du terme maille. Ce dernier provient, selon le Grand Robert, du latin macula, qualifiant conjointement la « boucle » et la « tache ». Autrement dit, il désigne « soit le réseau des fils entrelacés, soit l’espace vide dont la boucle définit le contour » . Etymologiquement, le maillage induit une dualité, visible notamment au sein des sciences géographiques quand elles tentent de définir ce terme. Si le dictionnaire de P. George (1970) emploie uniquement le sens réticulaire, le dictionnaire des Mots de la Géographie de Roger Brunet (1992), quant à lui, propose une définition plus axée sur la fonction de découpage, et l’appropriation et la gestion de l’espace. En conclusion, le terme maillage garde en géographie de manière persistante une acception ambiguë : « des réseaux de conjonction et des réseaux de disjonction » . Plus clairement défini, quelle est l’utilité et/ou l’utilisation du maillage au sein des sciences humaines et sociales, telles que la géographie et la démographie ?

Un outil particulier pour étudier le monde

 Les maillages sont conçus comme des grilles de lecture dans le but d’appréhender la réalité : il s’agit d’un mode de lecture particulier. « A ce titre, ils sont à la fois condition, objet et enjeu de la connaissance scientifique » . D’un point de vue 2 Raffestin C., 1980, Pour une géographie du pouvoir  mathématique, un maillage est équivalent à une « application de l’ensemble X des individus vers un ensemble de K modalités discrètes […] incompatibles […] et exhaustives » Concrètement, cette opération revient à une « partition ou relation d’équivalence » . Un élément appartient à une unique classe (ou modalité), refusant toute « notion d’imprécision et d’incertitude […] inhérente à la plupart des dénombrements et des classifications en sciences sociales ». En effet, un élément n’appartient pas toujours clairement à une classe définie, à l’image des sousensembles flous. A contrario, recourir aux maillages implique des sous-ensembles disjoints. Cette spécificité fait particulièrement écho à une volonté de clarté et d’efficacité, restant fortement liée à l’entrée des méthodes quantitatives, notamment statistiques, au sein des sciences sociales. En simplifiant, analysons le cas de la géographie. La particularité première de l’espace demeure son caractère continu. L’application d’un maillage sur l’espace le découpera en plusieurs espaces délimités. Individuellement, les différents espaces représentent les mailles du filet. Pour un maillage particulier, chaque point de l’espace dépend d’une seule maille. Prenons le cas du continent européen découpé selon les Etats actuels par exemple. La ville de Lyon appartient à l’unique maille « France », et non pas « Allemagne » ou « Suisse ». Bien entendu, avec un autre maillage, tels que les différents maillages infranationaux, Lyon relève à la fois de la France, de la région Rhône-Alpes et du département du Rhône. L’emploi des maillages territoriaux en géographie suscite des critiques, mais également en sociologie avec la catégorisation statistique . Si en géographie le maillage signifie partition de l’espace, en sociologie il revient à un découpage de la société. Cette catégorisation encourage l’usage des statistiques, provoquant « un enthousiasme quasiment fétichiste chez certains inconditionnels de la quantification ». N’oublions pas la demande de William F. Ogburn de faire graver la devise suivante sur le fronton de l’Université de Chicago : « La connaissance qui ne se prête pas à la mesure est maigre et peu satisfaisante ». Ce type de position provoque une levée de boucliers de plusieurs sociologues, dénonçant une « instrumentalisation d’une compétence statistique au service de catégorisations de sens commun » . Mise en évidence par des travaux se distinguant des deux courants sociologiques précédents, une conclusion importante montre que la catégorisation sociologique et la quantification associée « engagent un bouleversement de la représentation de la parole ou du monde social » du fait que « l’investigation statistique et la diffusion de ses résultats amènent à penser le monde social en termes de catégories et relations explicitement définies » . Autrement dit, la manipulation des maillages en sciences sociales sont simultanément un mode d’observation de la société et un fait social lui-même parce qu’ils influencent les représentations des sociétés sur elles-mêmes. En effet, dans certaines situations, les catégories sociologiques ou géographiques représentent de véritables enjeux sociétaux, du fait qu’elles peuvent devenir « des cadres d’identification ou de stigmatisation des populations et des espaces concernés »

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 – Convergence, vieillissement et maillages territoriaux : perspectives en Méditerranée
I) Maillage territorial : outil méthodologique ambigu
II) Convergence spatiale et vieillissement : problématique et enjeux en Méditerranée
III) Hypothèses et pistes de recherche
Chapitre 2 – Harmonisation des maillages territoriaux en Méditerranée : les défis d’une recherche
I) La Méditerranée : une aire d’étude à déterminer
II) Homogénéité d’un maillage : mise en place d’une méthode
III) Biais et problèmes
IV) Etat des lieux des maillages territoriaux administratifs en Méditerranée
Conclusion
Bibliographie
Table des figures
Table des tableaux

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