Statut du français
Les langues officielles et les langues nationales ont un statut garanti par l’État. Le statut de la langue est toujours un choix politique, par conséquent, la représentation des locuteurs ne correspond toujours pas au statut administratif. La définition du statut donne le droit à la langue d’être utilisée dans certains contextes. En Afrique, le statut de la langue française varie énormément d’un pays à l’autre (annexe no 1), souvent en fonction de la politique linguistique adoptée par les pays colonisés après la décolonisation. Alors que, dans certains pays, le français est la seule langue officielle (Congo, Sénégal, Guinée), dans d’autres, il est une langue co-officielles (Cameroun, Rwanda, Tchad) et dans d’autres encore, il n’a même aucun statut même s’il bénéficie de dispositions privilégiées dans la sphère de l’enseignement, de l’administration et d’autres (Algérie, Maroc, Tunisie). Il en est de même pour la langue d’enseignement. Certains pays ont un système d’éducation où le français est la seule langue d’enseignement, d’autres offrent une éducation en français à partir d’un certain niveau scolaire et enfin, dans d’autres pays, le français est uniquement enseigné comme langue étrangère. Nous pouvons décrire deux politiques linguistiques contraires adoptées après la décolonisation : en Sénégal et en Algérie. La politique linguistique sénégalaise conserve le français comme l’unique langue officielle et ce n’est qu’en 1971 que la loi de la transcription de six langues nationales est votée en poussant le président Léopold Sédar Senghor à abandonner son idée d’unilinguisme au Sénégal. Aujourd’hui, le français reste la seule langue qu’on peut voir dans les rues, mais le wolof est de plus en plus utilisé au lieu du français pendant les campagnes électorales en vue de gagner plus d’électeurs. Au contraire, l’Algérie, à la décolonisation, a entamé une politique d’arabisation systématique du pays en déterminant l’arabe classique comme langue officielle. Ce n’est qu’en 2002 que le berbère est reconnu langue nationale. En ce qui concerne le français, il reste sans statut jusqu’à aujourd’hui, même s’il représente une des langues d’enseignement et de médias.
À la décolonisation, ce sont aussi le Maroc, la Tunisie ou la Mauritanie qui s’arabisent peu à peu même si l’administration, la justice et l’enseignement restent longtemps bilingues. Dans ces pays, la langue française n’a obtenu aucun statut, pourtant, elle demeure un marqueur social important aujourd’hui puisqu’elle représente la langue essentielle pour l’éducation supérieure, le plus souvent concernant les domaines scientifiques, techniques, juridiques, économiques et la médecine. Lorsqu’elle reste largement pratiquée dans les milieux d’affaires et le monde culturel, on peut même considérer qu’elle s’est embourgeoisée.
La langue : élément d’identité
Les Africains s’identifient davantage à leurs groupes ethniques qu’à l’état-nation, c’est-à-dire au pays. À cela une explication : les groupes ont existé bien plus longtemps avant les états-nations. Les frontières des pays africains sont en grande partie issues de la colonisation, mais leur nombre ne cesse d’augmenter même aujourd’hui. Le dernier État indépendant, la République du Soudan du Sud, « est devenue officiellement le 193e État de la communauté internationale et le 54e pays du continent africain » , le 9 juillet 2011, en se séparant de la République du Soudan. L’identification de soi-même est liée à la langue parlée qui se différencie de la langue officielle du pays. L’interprète entend souvent les déclarations de type : Je viens d’Algérie, mais je suis de nationalité berbère, je suis Kabyle, en Kabylie nous parlons berbère, non arabe. Lors de l’entretien, en demandant la nationalité /národnost/ du demandeur, il vaut donc mieux de demander l’ethnicité /etnická příslušnost/.
Interprétation en tant que communication indirecte
L’agent et le demandeur communiquent, c’est-à-dire ils établissent une relation, d’une manière indirecte, c’est-à-dire par l’intermédiaire de l’interprète. Dans ce cas, le schéma de la communication devient plus compliqué. La communication est interrompue par « la perception, l’analyse et l’appréhension » du discours par l’interprète. Dans le cadre du travail avec les demandeurs d’asile, la transmission des messages ne consiste pas en un simple changement du code, mais elle exige « de maintenir certains faits linguistiques pertinents [du discours] dans la reformulation, de plus, […] [de respecter] les faits extralinguistiques qui entrent en jeu lors de l’appréhension du contenu communiqué ou qui surgissent de la situation » .
Code oral et code écrit
Quant au code, désignant ici « un système de signes vocaux ou graphiques, conventionnels et abstraits, soumis à un ensemble de règles combinatoires et utilisés comme instrument de communication, de réflexion et de création » , lors de l’entretien, la communication se réalise en majorité à l’oral. Le demandeur peut avoir recours au code écrit lorsque le code oral se montre insuffisant pour l’appréhension, par exemple lors de l’indication des noms propres, ou impossible, par exemple si le demandeur, dont les souvenirs remontent à la mémoire, se met à pleurer et il préfère décrire une situation sur une feuille de papier.
Schéma de la communication indirecte
Nous avons inventé un schéma (schéma II) en vue d’illustrer avec clarté le processus de la communication indirecte réalisée par l’intermédiaire de l’interprète.
Les communicateurs représentent les acteurs actifs dans la communication. L’élément important de la communication est le code qui permet aux communicateurs de constituer et d’appréhender des messages. Étant donné que, dans ce cas, le communicateur A et le communicateur B se servent de codes différents, il faut le communicateur C qui connaît le code du communicateur A aussi bien que celui du communicateur B.Les communicateurs émettent, reçoivent et/ou transmettent des messages. Ces activités définissent leur(s) rôle(s) dans la communication. L’émetteur émet et encode un message, le transmetteur, tout d’abord, reçoit le message et le décode, ensuite, le recode et, enfin, le transmet au destinataire qui le reçoit et décode. Comme il s’agit d’une communication réciproque, le communicateur A et le communicateur B jouent deux rôles, celui de l’émetteur et celui du destinataire, tandis que le rôle de l’interprète ne change pas, en règle générale.