Groupe symétrique infini et processus ponctuels déterminantaux
Ce chapitre est consacré à deux thèmes qui ne joueront pas un rôle crucial dans l’exposé des résultats que nous avons obtenus, mais qui permettront une compréhension plus subtile des dits résultats : la théorie des représentations du groupe symétrique infini (§4.1), et la théorie des mesures de Schur (§4.2). Si n < N sont deux entiers, on peut plonger le groupe symétrique Squi déplacent un nombre fini d’entiers. Les caractères irréductibles de ce groupe infini ont été déterminés dans les années 60 (cf. [Tho64]), et cette théorie a été précisée par les travaux de Kerov, Olshanski et Vershik ([KV81, Ols90, KOV04]) et par la thèse d’Okounkov ([Oko97a]). La première partie du chapitre est consacrée à un exposé succinct de cette théorie. L’analyse harmonique sur le groupe Sconduit à l’étude des z-mesures, qui sont un particulier de mesures de Schur (§4.2). Ces mesures de probabilité portent sur l’ensemble des diagrammes de Young, et on peut leur associer des processus ponctuels à corrélations déterminantales ([Oko03a, Oko03b, OR03, Bor10]). De plus, la plupart des mesures issues de la théorie des représentations des groupes symétriques ou de leurs algèbres d’Hecke sont des mesures de Schur. Ainsi, les résultats de la section 4.2 s’appliqueront aux mesures de Plancherel des groupes symétriques (chapitre 5), aux mesures de Plancherel des groupes linéaires finis (chapitre 6), aux mesures des algèbres d’Iwahori-Hecke (chapitre 7) et aux mesures de Schur-Weyl (chapitre 10).
Représentations du groupe symétrique infini
Le groupe G est dit modéré s’il n’admet que des représentations facteurs de type I ; dans le cas contraire, on parle de groupe sauvage. Un résultat majeur de la théorie d’Harish-Chandra est le caractère modéré des groupes de Lie semi-simples, cf. [Var89] — ce résultat est également valable pour les groupes semi-simples p-adiques (Bernstein) et les groupes algébriques réels (Dixmier). Au contraire, la plupart des groupes infinis discrets sont sauvages. Ainsi, un groupe infini discret est modéré si et seulement s’il est virtuellement abélien, et si toutes ses classes de conjugaison sauf {edont l’algèbre de von Neumann est un facteur qui admet une trace fidèle finie, i.e., telle que τ(1) < ∞. À renormalisation près, on peut supposer τ(1) = 1, et le facteur fini est alors entièrement déterminé par l’application τ ◦ U : SOn parle de caractère virtuel si l’on ôte la condition de positivité ; d’autre part, un caractère est dit irréductible s’il n’est pas barycentre non trivial de caractères. Si (U, L (H), τ) est un facteur fini de SCe problème a été résolu par E. Thoma (voir [Tho64]), qui a montré qu’on pouvait paramé-trer l’ensemble des caractères irréductibles par un simplexe de dimension infinie. S. Kerov et A. Vershik ont ensuite retrouvé la théorie de Thoma en étudiant l’asymptotique des caractères(Y ) s’écrit comme barycentre intégral des points extrémaux du convexe ; nous noterons Ω leur ensemble. Cet ensemble peut être vu comme la frontière de Martin du graphe de Young : ainsi, il existe une compactification X = Y t ∂Y ,
(Représentations modérées du groupe symétrique infini, [Oko97a]). Toute res’écrit de manière unique comme somme directe (hilbertienne) de représen- tations modérées irréductibles. Ces représentations irréductibles sont indexées par tous les diagrammes de Young de Y =des groupes topologiques compacts, puisqu’on dispose d’une décomposition en sommes d’irréductibles pour toute représentation modérée. Partant, il est naturel d’étudier les représentations de paires de Gelfand (G, K) avec S(U) soit modérée. Ces représentations admissibles s’écrivent de manière unique comme intégrales directes de représentations admissibles irré- ductibles, et pour K = SProposition 4.4 (Représentations admissibles du groupe symétrique infini, [Oko97a]). On iden- tifie un point ω = (α, β) du simplexe de Thoma à une partie I (ω) = α ∪ −β ∪ {0} de l’intervalleLes représentations sphériques de (G, K) sont précisément les représentations admissibles irréductibles de niveau 0, c’est-à-dire que Λ = Π = ∅ ; elles sont donc en bijection avec les points du simplexe de Thoma, et étant donnée une représentation sphérique, la donnée d’un vecteur sphérique fournit effectivement un caractère irréductible de SPour conclure ce paragraphe, évoquons les systèmes cohérents de z-mesures, qui sont parmi les premiers à avoir été décrits par des systèmes de particules à corrélations détermi- nantales, cf. [BO98, BO00]. Un résultat classique d’analyse harmonique non commutative .