GOUVERNANCE DE LA LUTTE CONTRE EBOLA EN RÉPUBLIQUE DE GUINÉE ET PRODUCTION DE CITOYENNETÉ
Ebola à l’épreuve des contextes ethnico-culturels et sociopolitiques de la Guinée-Forestière
Ebola en Guinée-Forestière : une confrontation entre le biomédical et le culturel Dans la documentation disponible sur l‘épidémie d‘Ebola en Guinée, différents auteurs ont essayé d‘analyser l‘effet des contextes culturels spécifiques des zones où se développe la nouvelle flambée. L‘Afrique de l‘Ouest enregistrait, à partir de la Guinée, sa première véritable épidémie d‘Ebola plus de trente ans après la première épidémie déclarée d‘Ebola en République Démocratique du Congo (RDC). L‘émergence d‘une telle maladie dans un espace qui n‘a jamais connu une telle maladie15 va conduire au développement d‘un ensemble de dynamiques sociofamiliales et politiques dans les pays concernés par l‘épidémie. Dans son article intitulé « Understanding social resistance to the Ebola response in the Forest region of the Republic of Guinea », James Fairhead s‘interroge sur les facteurs pouvant permettre de comprendre les résistances régulières des populations dans la région de la Guinée-Forestière face aux activités de la lutte contre l‘épidémie d‘Ebola. Son analyse s‘intéresse d‘abord aux facteurs culturels, mais également à la problématique de la violence structurelle qu‘elle soit locale, c‘est-à-dire produite par l‘action de l‘État ou en rapport avec les organismes humanitaires internationaux venus répondre à la situation d‘urgence sanitaire. La déclinaison de l‘importance du risque d‘infection et de diffusion de la maladie liée aux pratiques cultuelles de gestion des corps, des personnes décédées d‘Ebola et d‘organisation des cérémonies funéraires va conduire les acteurs à beaucoup plus s‘orienter vers la mise en place de protocoles de gestion sécurisée des enterrements. Vers le mois d‘octobre 2014, on constate que plus de 60 % des nouvelles contaminations sont relatives à la participation à des funérailles ou aux soins des malades (OMS, 2014 ; Fairhead, 2016). Pourtant, il est connu, et cela depuis les précédentes épidémies d‘Ebola que la gestion des espaces mortuaires et le contact avec les cas de malades ou la manipulation des personnes décédées d‘Ebola constituent les plus grands modes de contamination au virus Ebola (Hewlett & Hewlett 2008 ; Epelboin et al. 2008). Ce faisant, il devenait clair pour les acteurs que les efforts de lutte contre l‘épidémie devraient s‘orienter vers ces deux éléments s‘ils cherchent à mettre fin à la mortalité qu‘elle occasionne : il s‘agissait entre autres d‘organiser l‘isolement des personnes malades dans des unités spécialisées et de gérer les corps des personnes décédées en tenant compte d‘un certain nombre de conditions bio sécuritaires. Cependant, la mise en œuvre de ces mécanismes va être confrontée à la réaction des populations. L‘implémentation de ces mécanismes suppose une remise en cause des pratiques funéraires chez les populations de la Forêt qui font déjà l‘objet d‘une stigmatisation produite par l‘association de l‘émergence de l‘épidémie d‘Ebola et leurs pratiques alimentaires à travers les activités de communication. Il convient, de préciser que les Forestiers observent des pratiques funéraires différentes des autres groupes ethniques de la Guinée qui se retrouvent beaucoup plus dans les orientations de la religion musulmane ou celle chrétienne. Cette communauté, qui est encore marquée par un conservatisme des pratiques et rituels culturels, organise les cérémonies funéraires à partir d‘un ensemble de rites qui impliquent une manipulation et un contact avec le défunt et ses objets personnels (Paulme, 1950 ; 1954
La santé, un objet politique
Après plus d‘une année d‘épidémie en Guinée, il s‘observe une certaine forme de stagnation de la situation. Les attitudes de défiance et les réactions communautaires face aux mécanismes de gestion de l‘épidémie ne régressent pas malgré les différentes interventions de la Riposte. Les efforts de réajustement opérés par le dispositif dans sa manière de conduire la lutte semblent avoir peu d‘effet au regard de la recrudescence des réactions des populations. L‘itinéraire thérapeutique des populations inclut toujours le recours aux systèmes thérapeutiques parallèles malgré les injonctions vers un recours aux structures spécialisées dans la gestion de l‘épidémie. Les pratiques d‘enterrement clandestin sont toujours réalisées par les populations contrairement aux normes édictées par le dispositif, mais également des effets signifiés de ces pratiques sur le développement de l‘épidémie. Dans son article intitulé « Ebola en Guinée : violences historiques et régimes de doute », Mathieu Fribault tente de faire une relecture des attitudes et comportements dits « réticents » et les discours qualifiés de « rumeurs » en faisant une mise en perspective avec l‘histoire politique de cette partie de la sous-région de l‘Afrique de l‘Ouest, espace marqué par des violences caractéristiques de son histoire sociopolitique. En prenant l‘exemple de la Guinée, il essaie de décrire en quoi, les types de comportement et d‘attitudes observées traduisent un « ressenti de nouvelles formes de violence politique » (Fribault, 2015). La méthodologie consiste à faire un 36 parallélisme entre la notion de démystification introduite par ce nouvel État guinéen postindépendance qui en fait le moteur de la production d‘une identité nationale et une société qui construit la suppression du fétichisme comme une forme de violence postcoloniale. La fréquence et l‘étendue des réactions communautaires dans différentes localités du pays et sur différentes temporalités de l‘épidémie déclinent un constat général de remise en cause des mécanismes de gestion de l‘épidémie proposés par le dispositif. Elle s‘observe même dans le relationnel entretenu avec la maladie et les discours partagés au niveau communautaire structurant les rationnels associés à la crise sociale qu‘occasionne l‘épidémie d‘Ebola en Guinée. En d‘autres termes, si Ebola est investie comme un problème médical par les acteurs inscrits dans la Riposte, elle est appréhendée comme une problématique beaucoup plus complexe au niveau des populations. En témoigne la négation de la maladie, les discours qui décrivent l‘épidémie comme un complot dont l‘investigateur serait le Président de la République en raison du contexte pré-électoral ou encore les humanitaires dont l‘objectif serait de réduire la population. Fribault ne manque pas de notifier la dynamique collective qu‘impliquent les nouvelles formes de réactions communautaires face aux protocoles de gestion de l‘épidémie. Les pratiques de dissimulation des malades, de transport des personnes décédées, mais également d‘enterrement clandestin, c‘est-à-dire réalisées sans application des protocoles de biosécurité édictée en cette période d‘épidémie, déclinent selon ce dernier des logiques collectives en cours au niveau de certaines localités. Il précise à ce titre que ces pratiques « supposent une concertation associant des ―complices‖, parents et voisins, et des inconnus, qui tous consentent au moins à ne dire mot » (Fribault, 2015 : 3). « Si l‘épidémie d‘Ebola de 2014 est si difficile à endiguer, c‘est qu‘elle a émergé dans des pays marqués par les stigmates de la pauvreté et de la violence, et se reproduit dans un climat général de méfiance. Les populations qui ont encore en tête les injustices des périodes coloniales et postcoloniales ne font confiance ni à leurs propres pouvoirs publics ni aux Occidentaux venus aider. Elles désertent les hôpitaux, considérés comme des mouroirs, ce qui ne fait que renforcer la propagation d‘Ebola. » (Niang, 2014, p.97) 37 Voici les propos à travers lesquels Cheikh Ibrahima Niang introduit son article intitulé « Ebola : une épidémie postcoloniale ». À partir d‘activités de recherche développées en Sierra Leone où il est mobilisé par l‘OMS durant la période de l‘épidémie, Niang s‘interroge sur les problématiques sociales en relation avec la recrudescence de l‘épidémie. Cependant, les facteurs sur lesquels ils basent ses analyses sont plus au moins applicables aux trois (3) pays de la région Ouest de l‘Afrique, qui, même s‘ils sont séparés par des frontières, partagent un héritage socio-historique né de la période pré et postcoloniale. Au départ de son travail de recherche, Niang s‘intéresse à l‘une des interrogations les plus diffusent en rapport avec la nouvelle flambée : qu‘est-ce qui explique l‘ampleur de cette nouvelle flambée épidémique ? Il considère à ce titre que l‘épidémie d‘Ebola de 2014 se développe dans un contexte postcolonial, terme qu‘il emploie à la suite de Achille Mbembe pour désigner la trajectoire historique des sociétés sorties de l‘expérience coloniale (Mbembe, 2000). Ce contexte postcolonial se distingue dès lors par des dynamiques conflictuelles mues par l‘héritage de violence, des formes spécifiques d‘assujettissement et une volonté manifeste d‘émancipation des sociétés (Niang, 2014). Le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée se situent respectivement à la 185e, 188e et 191e place sur 196 pays inscrits dans le tableau des indicateurs de développement humain16. Ces positionnements décrivent le niveau de pauvreté et de retard en matière de développement de ces trois pays de l‘Afrique de l‘Ouest qui ont été concernés par la plus importante épidémie d‘Ebola. Les populations de ces trois pays sont également marquées par un contexte de violence structurelle qui se décline en un faible pouvoir d‘achat, un faible accès aux infrastructures sociales de base particulièrement en matière de santé et d‘éducation assujettie à une mauvaise gouvernance et une corruption dans l‘administration publique. En Sierra Léone, par exemple, la prolifération de ces pratiques avait conduit le Fonds Monétaire International (FMI) à suspendre le financement des politiques publiques alloué au pays à partir de 1987 (Niang, 2014). D‘ailleurs la dépendance de ces pays aux institutions financières comme la BM et le FMI reste très paradoxale au regard des potentiels en termes de ressources naturelles dont ils disposent. Que cela soit la Guinée considérée par certains comme un scandale géologique ou encore la Sierra Leone, qui selon Torild Skard serait « l‘espace où Dieu aurait concentré toutes les richesses du monde », la précarité des populations, est facilement imputable à la mauvaise gestion des ressources par les pouvoirs publics au sein de ces pays. Ces différents pays partagent également une histoire d‘émigration des peuples fuyants, les guerres entre les grands empires et les razzias transsahariennes qui se sont poursuivies même au lendemain des indépendances avec les mouvements rebelles qui ont conduit à d‘importants mouvements de populations dans ce cercle constitué par le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée et la Côte d‘Ivoire. Déjà vers 1787, la Sierra Leone sous occupation britannique va recevoir les vagues d‘esclaves affranchis d‘Amérique du Nord. Cette situation a donné naissance à un melting-pot avec la coexistence de communautés qui se distinguent de par leurs modes de vie et de pratiques culturelles. Cependant, la politique coloniale, consistant à encourager la division entre ces entités communautaires pour mieux les assimiler, a connu d‘une certaine manière un prolongement au sein des nouveaux États, situation qui est exacerbée par le caractère central de l‘appareil d‘État qui ne promeut pas la participation populaire aux décisions qui les concernent directement. Cette manière de gouverner, à travers l‘imposition du système de parti unique, l‘aggravation de la pauvreté et des inégalités sociales dans l‘accès au bien public qui est contrastée par une généralisation de la corruption de l‘appareil d‘État, a conduit à d‘importants mouvements de contestation et favorisé une instabilité politique dans ces pays. Par analogie, les communautés expérimentent dès lors l‘épidémie d‘Ebola et la centralité de l‘État et de ses partenaires dans la conduite des actions de réponse à Ebola comme une réarticulation de cette violence structurelle (Niang, 2014 ; Fribault, 2015). Rapportée au cas de la Guinée, cette analyse nous conduit à réinterroger les contextes sociopolitiques de ce pays qui, même s‘il partage des similitudes avec le Liberia et la Sierra Leone, s‘en distingue par une trajectoire historique spécifique. La question des conflits interethniques, du rapport de méfiance face à l‘État, mais également la crise de confiance des élites politiques constitue en ensemble des problématiques transversales dans l‘histoire sociopolitique de la Guinée. Il s‘observe, dans la dynamique de l‘épidémie avec le déplacement des foyers épidémiques de la Guinée-Forestière vers la Basse-Guinée à partir de l‘été 2014, une reproduction des mêmes formes d‘engagements citoyens à l‘égard des différentes catégories 39 d‘acteurs qui incarnent la Riposte. Dans les préfectures de Coyah, de Forécariah, de Dubréka, et même au niveau de la capitale Conakry, les attitudes de déni et d‘interprétations diverses de la maladie Ebola, mais également de défiance des équipes humanitaires sont reproduites au même titre que ce qui a été observé chez les populations de la Guinée-Forestière. Afin de clarifier notre perspective d‘analyse, nous avons choisis de mobiliser le concept d‘engagement citoyen pour analyser les réactions communautaires face à Ebola et aux technologies de sa gestion qui, du point de vue anthropologique, renvoi à des formes plurielles d‘expression de la citoyenneté en Guinée17 . Sous ce rapport, il importe de se poser la question de savoir : comment les engagements citoyens à l’égard d’Ebola et du dispositif de lutte qui a été proposé peuvent être comprises à la lumière des spécificités des contextes historiques, sociopolitiques, mais aussi ethnico-culturels de la Guinée-Forestière et de la Basse-Guinée ?
Les pratiques de gouvernance de l’épidémie d’Ebola en République de Guinée
La Riposte : un dispositif porté par des acteurs multiples et des modèles voyageurs
La gouvernance de l‘épidémie d‘Ebola en Guinée s‘organise autour d‘un dispositif regroupant différentes catégories d‘acteurs nationaux et internationaux interagissant dans la conduite de la lutte contre l‘épidémie. Cependant, les acteurs se distinguent par leur centre d‘intérêt, leur expertise dans la réponse à des urgences de santé publique en particulier sur la maladie à virus Ebola, mais également leurs ontologies et agendas. Au-delà des acteurs, la Riposte connaît 17 Nous nous proposons de revenir en détail sur les développements conceptuels sur l‘engagement communautaires dans la partie de la définition et de l‘opérationnalisation des concepts de recherche. 18 Dans le cadre de cette thèse, je mobilise le concept de gouvernance pour rendre compte des différentes pratiques de gestion de l‘épidémie d‘Ebola en Guinée. Ainsi je la définis comme l‘ensemble des processus technico-politiques et sociaux à partir desquels les différents acteurs organisent et co-produisent des actions de lutte contre Ebola en Guinée. Dans la partie sur la définition conceptuelle, je discuterais plus largement ce concept qui est un indispensable de l‘analyse des politiques publiques. 40 également la mobilisation d‘un ensemble de technologies à partir desquelles il met en œuvre un ensemble de protocoles de gestion de l‘épidémie. Dans son article intitulé Réponse à l‘épidémie d‘Ebola en Guinée : Enjeux organisationnels de santé publique et pistes de solution, Thierno Baldé va mobiliser la théorie de l‘action sociale de Talcott Parsons (1937) pour faire une analyse des différentes catégories d‘acteurs inscrites dans l‘arène de la gouvernance de l‘épidémie d‘Ebola en Guinée. De manière concrète, Baldé (2014) va à partir d‘une observation minutieuse des différentes catégories d‘acteurs, distinguer quatre (4) systèmes d‘action sociale (SAS) qui caractérisent les différentes organisations impliquées dans la lutte contre l‘épidémie. Le premier SAS identifié est celui qui caractérise les organisations à forte légitimité technique avec des capacités opérationnelles et d‘interventions limitées. Pour étayer ce premier SAS, Baldé prend l‘exemple sur l‘OMS, qui est le leader mondial sur les questions de santé et qui, dans le cadre de la lutte contre Ebola, se retrouve au centre de la coordination à l‘échelle internationale des différentes actions et interventions de lutte contre l‘épidémie. Cette position dans le dispositif de la lutte contre l‘épidémie est consécutive d‘une certaine manière à la légitimité que lui confère son statut d‘organe du système des Nations-Unies chargé des questions de santé, mais également à l‘expertise de l‘institution dans la gestion des crises et catastrophes naturelles à l‘échelle internationale depuis sa création en 1948. Cependant, comme le décline une certaine littérature (Buse & Gwin, 1998 ; Godlee, 1994 ; 1995 a ; 1995b, Baldé, 2014), l‘OMS connaît des difficultés opérationnelles en matière d‘intervention de santé publique d‘envergure. En témoignent les manquements connus par l‘organisation dans la coordination de la lutte contre l‘épidémie d‘Ebola en 2014. Le caractère bureaucratique qui définit l‘OMS avec des échelles locales, sous régionales ou encore un niveau siège limite ses capacités opérationnelles et réduites l‘efficacité de ses interventions en raison de l‘absence d‘autonomie du niveau opérationnelle. « … au tout début de l‘épidémie, la réponse était essentiellement coordonnée par la représentation nationale de l‘OMS en Guinée. Cette dernière abritait et gérait le comité national de crise sanitaire mis en place par l‘État guinéen qui incluait le Ministère de la Santé de la Guinée ainsi que d‘autres organisations internationales. Mais au fil des semaines, d‘autres entités se sont rajoutées, voire substituées à la première structure de coordination de l‘OMS. Au mois de juin 2014, un coordinateur national fut nommé par la direction régionale Afrique de l‘OMS pour assurer la gestion de la réponse à l‘épidémie. 41 Quelques semaines plus tard, une unité spéciale gérée par un envoyé spécial du directeur régional de l‘OMS Afrique et de la directrice générale de l‘OMS, sans lien clair avec la première structure de coordination, fut également mise en place pour assurer la gestion de l‘épidémie. Quelques semaines plus tard, suite à la première réunion spéciale des Ministres de la Santé de l‘Afrique de l‘Ouest sur Ebola, une autre structure en charge de la gestion sous – régionale de l‘épidémie fut également mise en place. La nomination et la succession de toutes ces structures travaillant au même endroit, utilisant les mêmes ressources, et avec des mandats, des rôles et responsabilités non clairement définis ont finalement alourdi et affecté les mécanismes de prise de décision de l‘OMS ainsi que l‘efficacité de ses interventions sur le terrain. » (Baldé, 2014, p.4) La seconde catégorie de SAS qu‘identifie Baldé est celui qu‘il qualifie de système d‘action sociale à la culture organisationnelle « revendicatrice » et ayant une productivité de soins et de services importante. Pour illustrer son analyse, Baldé prend exemple sur l‘organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières qui est un acteur principal de la lutte contre l‘épidémie d‘Ebola en Guinée. Il importe même de préciser que MSF a été un des premiers acteurs à s‘impliquer auprès des autorités sanitaires de la Guinée, mais également du Libéria et de la Sierra Leone dans la cadre du développement d‘activités de gestion et de lutte contre l‘épidémie d‘Ebola. Dès lors, MSF va, en raison de son expertise dans la gestion d‘épisodes de flambée d‘Ebola, se distinguer dans le cadre des activités de prise en charge des personnes infectées par le virus notamment avec l‘érection et la gestion de centres de traitement des patients. Cependant la culture organisationnelle et les ontologies qui structurent l‘intervention de cette institution lui valent la caractéristique « revendicatrice » ou « militante » (Baldé, 2014, p.4). MSF est née d‘une culture militante exprimée par un groupe de médecins français en date du 21 décembre 1971 suite aux atrocités vécues par les différents membres fondateurs qui étaient impliqués à l‘époque dans la réponse à la guerre de Sécession du Biafra au Nigéria. La dénomination même de l‘ONG rentre dans cette idéologie qui consiste à mettre le patient au centre de leur intervention et les conduit même à chercher à braver les différentes limites qui pourraient s‘interposer entre eux et la personne en besoin d‘une assistance médicale. Cette culture s‘est réaffirmée à l‘occasion de l‘implication de MSF dans la gestion de la lutte contre Ebola avec ses pratiques de dénonciation de ce qu‘elle considère comme de la négligence de la 42 part de l‘État de la Guinée, mais également de la communauté internationale conduisant même ses responsables à parler d‘une « coalition de l‘inaction » à la tribune de l‘ONU. Cependant, cette posture conduit MSF à entretenir des crises relationnelles avec l‘État, mais également les autres partenaires. Dans le cadre de la lutte contre l‘épidémie d‘Ebola en Guinée par exemple, il a été observé des moments de tensions entre l‘ONG et le gouvernement notamment sur la manière de décrire l‘ampleur de l‘épidémie avec d‘un côté un État qui tient compte des effets de la communication sur l‘image du pays ainsi que les incidences au plan économique et géopolitique et de l‘autre MSF qui considère qu‘il est primordial de traduire la réalité des faits afin que la communauté internationale se mobilise et réponde aux besoins des populations en détresse. « Au cours de la réponse à cette épidémie en Guinée, de nombreuses crises relationnelles et institutionnelles se sont produites entre MSF et les autorités sanitaires de la Guinée. Ces crises étaient liées à la façon de procéder au décompte du nombre total de personnes touchées par la maladie. MSF et la plupart des autres organisations internationales estimaient que ce décompte devait inclure autant les cas probables que les cas suspects et les cas confirmés d‘Ebola. Alors que les autorités guinéennes, probablement dans le but de réduire le nombre total de cas, ne voulaient pas inclure les cas probables dans le décompte total, estimant que le lien entre les cas probables et les cas confirmés n‘avaient pas été établis de façon satisfaisante. » (Baldé, 2014, p.4).
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