Biomarqueurs prédictifs de l’activité du bevacizumab chez des patients porteurs de gliomes de haut grade à la récidive
Les gliomes sont les tumeurs cérébrales primitives les plus fréquentes de l’adulte. Elles se développent à partir de cellules gliales : les astrocytes et/ou les oligodendrocytes (Figure 1). Elles peuvent se composer d’un seul ou des deux types cellulaires (tumeurs mixtes, oligo-astrocytaires). Les tumeurs gliales ne métastasent qu’exceptionnellement en dehors du système nerveux central. La classification actuelle des tumeurs gliales repose sur celle de l’Organisation Mondiale de la Santé révisée en 2007 (Louis et al., 2007), basée sur le sous-type cytologique prédominant (Tableau 1). Les tumeurs gliales sont ensuite divisées en grades, selon l’aspect et la différenciation cellulaire, la présence d’anomalies nucléaires, le nombre de mitose(s) observée(s) et l’existence de néo-angiogenèse et/ou de nécrose. Cette classification est sur le point d’être révisée afin d’inclure certaines anomalies moléculaires, comme les mutations de l’Isocitrate Déshydrogénase 1 et 2 (IDH1/2) ou la co-délétion 1p19q, qui définissent des sous- groupes moléculaires de pronostics et de profils évolutifs distincts.
Le grade I correspond à l’astrocytome pilocytique. Il s’agit de la seule tumeur gliale circonscrite et curable chirurgicalement. Elle touche préférentiellement les enfants et reste extrêmement rare chez l’adulte. A partir du grade II, les gliomes sont dits infiltrants avec la présence systématique de cellules tumorales à distance de la masse visible à l’imagerie. Ces tumeurs sont incurables à l’heure actuelle. Les gliomes de grade II, appelés gliomes de bas grade, touchent préférentiellement l’adulte de 30 à 40 ans. Classiquement, ces tumeurs progressent lentement. Néanmoins, leur histoire naturelle les conduit à une transformation progressive en gliome de haut grade. Les gliomes de haut grade correspondent aux gliomes de grade III, dits anaplasiques, et de grade IV, appelés glioblastomes. Sur le plan histologique, les gliomes de haut grade sont définis par la présence de cellules indifférenciées, avec d’importantes atypies nucléaires et un nombre élevé de mitoses. En revanche, seuls les glioblastomes présentent des zones nécrotiques et une prolifération endothélio-capillaire (angiogenèse) (Figure 2). Les glioblastomes sont majoritairement constitués de cellules astrocytaires. Ils présentent rarement un contingent cellulaire mixte, définissant les glioblastomes à composante oligodendrogliale. Les glioblastomes représentent environ 50% des nouveaux cas de gliomes de l’adulte.
Gliomagenèse et anomalies moléculaires
Les glioblastomes peuvent survenir de novo (primaire, 90% des cas), ou peuvent être issus de la transformation d’un gliome de bas grade en grade III puis IV (glioblastome secondaire). Les anomalies moléculaires sont alors variables (Figure 3) (Figarella-Branger et al., 2013). Récemment, les mutations d’IDH1/2 ont été rapportées comme étant des anomalies précoces de la gliomagenèse, principalement associées aux gliomes de grade II et III (Parsons et al., 2008; Yan et al., 2009). Ainsi, leur présence serait fortement évocatrice d’un glioblastome secondaire mais à ce jour elles ont également été rapportées dans environ 5 % des glioblastomes de novo (Sanson et al., 2009). La classification de ces dernières entités reste débattue et la nouvelle classification de l’OMS devrait permettre une meilleure définition de ses formes frontières.
Les anomalies moléculaires impliquées dans la gliomagenèse sont nombreuses (Parsons et al., 2008) et affectent notamment les voies du cycle cellulaire, de la survie cellulaire et de l’apoptose telles que les voies REGF/PI3K/AKT/PTEN, p14ARF-MDM2-p53, p16INK4α-CDK4- RB1… Il existe également d’autres anomalies chromosomiques comme la perte d’hétérozygotie du chromosome 10q. Les analyses génomiques et transcriptomiques, rapportées notamment dans le cadre du Cancer Genome Atlas (TCGA), ont permis l’élaboration de classifications moléculaires. La première (Phillips et al., 2006), classe les glioblastomes en trois sous-catégories moléculaires : proneurale, proliférante et mésenchymateuse. La classification plus récente de Verhaak et al, (Verhaak et al., 2010) propose une répartition des glioblastomes en quatre sous-groupes moléculaires : proneural, neural, mésenchymateux et classique. Ces différentes classes étaient initialement associées à des évolutions cliniques différentes avec un pronostic plus favorable pour le groupe proneural.
Néanmoins, récemment, ces valeurs pronostiques ont été remises en cause par le démembrement moléculaire de ces sous-groupes (Brennan et al., 2013; Noushmehr et al., 2010; Turcan et al., 2012). En effet, le groupe proneural incluant les patients mutés IDH1/2, leur profil favorable était principalement associé à la présence de ces anomalies. Ces dernières formes étant exclues, le pronostic de ce groupe rejoint celui des autres sous-groupes. Ainsi, à l’heure actuelle, ces classifications moléculaires apparaissent reproductibles et robustes. Néanmoins, leur utilisation en pratique courante reste encore limitée par l’accessibilité aux techniques de détermination et par l’absence d’impact décisionnel actuel de ces groupes.
D’un point de vue épigénétique, un profil hyper-méthylé a été rapporté dans environ 10% des glioblastomes (Noushmehr et al., 2010). Ces profils apparaissent enrichis en sous-type moléculaire de type proneural et sont fortement associés à la présence d’une mutation IDH1 (Turcan et al., 2012). En effet, celle-ci semble déterminante dans l’établissement d’un phénotype hyper-méthylé, entraînant un remodelage du méthylome, indépendamment du grade tumoral. Par ailleurs, la méthylation du promoteur de l’enzyme MGMT est l’une des anomalies moléculaires les plus fréquemment identifiées dans les glioblastomes (Hegi et al., 2005). Ce gène code pour un enzyme de réparation des lésions de l’ADN causées par les agents alkylants (tel que le témozolomide) et pourrait donc prédire leur activité. A l’heure actuelle, son utilisation en pratique courante se heurte aux difficultés techniques concernant la détermination du statut méthylé/non méthylé. Dans ce contexte, une évaluation prospective et comparative est en cours de réalisation par le groupe français de neuropathologie (Quillien et al., 2012). De plus, l’absence de réelle alternative chez les sujets de moins de 60 ans en limite l’utilisation. En revanche, il semble beaucoup plus intéressant, voire décisionnelle, dans la population des sujets âgés, plus fragiles, où l’utilisation des alkylants peut être une alternative à la radiothérapie (Wick et al., 2012).