Gestion intégrée de l’eau et prévention du risque d’inondation
Le lien entre gestion intégrée de l’eau et prévention du risque d’inondation semble aller de soi, ne serait-ce que parce que les crues, aléa du risque d’inondation, ne sont « qu’une facette parmi d’autre de la vie des cours d’eau » (Ledoux, op.cit. p.202) La complexité du fonctionnement des hydrosystèmes ainsi que la multiplicité des usages de la ressource en eau sont des aspects qui ont été pris en compte depuis les années 1960 par les politiques publiques de gestion de l’eau. Ainsi comme le rappelle S. Ghiotti (Ghiotti, 2006), p.5 « la longue tradition d’aménagement et d’utilisation agressive des rivières provoque des modifications de fonctionnement du système fluvial dont les conséquences mettent en péril la pérennité même des usages. Avec les décennies 1970 et 1980, la reconnaissance de la dimension “eau milieu” à côté de celle relative à “l’eau ressource” s’impose dans les politiques de gestion de l’eau ». Ce fait a été provoqué par une triple dynamique : – la progression des connaissances scientifiques sur le fonctionnement des hydrosystèmes ; – les revendications sociales en matière environnementale ; – la reconnaissance de ces dynamiques par les pouvoirs publics. Cette reconnaissance s’est traduite par une institutionnalisation d’un mode de gestion dite « intégrée » ou « équilibrée » de la ressource en eau d’une part, et du bassin versant comme territoire d’intervention d’autre part. Ainsi, la gestion équilibrée et durable (que l’on peut qualifier également d ‘intégrée) de la ressource en eau et des milieux aquatiques, telle que codifiée en droit français intègre la prévention des inondations dans ses objectifs. De plus; si la prévention du risque d’inondation et la libre circulation des écoulements est un aspect à prendre dans tout projet de gestion de l’eau, l’inverse est peut-être encore plus vrai : tout projet de prévention du risque d’inondation, en particulier ceux mettant en œuvre des mesures structurelles doit intégrer les objectifs de la gestion intégrée de l’eau et des milieux aquatiques. Une série de grands textes législatifs ont entériné cette situation qu’ils soient nationaux ou européens, en affirmant ces principes et en instituant un certain nombre de dispositifs : – Instauration des Agences et des Comités de bassin avec la loi de 1964 qui entérine les grands bassins versants comme échelle d’intervention (territorialisation de la gestion de l’eau) ainsi qu’un mode de gestion concertée de la ressource entre les différents usagers et le principe « pollueur-payeur » avec la mise en place des redevances ; – Instauration des Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et des Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) par la loi sur l’eau de 1992 qui renforce la territorialisation de la gestion de l’eau (instauration d’une logique multiscalaire) tout en instituant véritablement la gestion équilibrée en reconnaissant l’eau comme un patrimoine commun ;
L’évolution du contexte et des outils réglementaires
Pour une chronologie détaillée de l’ensemble des textes réglementaires ayant trait à la gestion de la ressource en eau, on pourra se reporter utilement au dossier sur la politique de l’eau en France présent sur le site internet de la documentation française.
La loi du 16 décembre 1964 et l’instauration des Agences de l’eau et des comités de bassin
La loi de 1964 relative au « régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre la pollution » est un temps fort dans l’évolution de la réglementation de la gestion de l’eau en France. Elle cherche alors à concilier les différents usages de l’eau et commence à intégrer une dimension qualitative (et pas seulement quantitative) de la ressource en l’eau. L’objectif premier de cette loi est la lutte contre la pollution des eaux. Elle s’appuie pour ce faire sur différents principes : – l’unicité de la ressource hydrologique ; – l’interdépendance et la solidarité entre usagers qui se concrétise par la création des comités de bassin… – … et d’établissements publics administratifs, les Agences financières de Bassin, qui deviendront par la suite les Agences de l’Eau. La loi de 1964 est ainsi « la première loi française à reconnaître l’unité de la ressource en eau et l’interdépendance des usages, et à tenter de jeter les bases d’une gestion globale de l’eau au niveau du grand bassin hydrographique » (Allain, 2002), p.4. Les comités de bassin, « parlements locaux de l’eau » réunissant des représentants des usagers de cette ressource, ont comme objectif d’élaborer la politique de gestion de l’eau à l’échelle d’un bassin, conciliant les « besoins du bassin avec les orientations nationales » 173. C’est donc une instance de concertation entre les différents acteurs de l’eau, au cœur du système français depuis cette loi de 1964. Ils donnent leur accord sur la politique mise en place par les agences. Les agences financières de bassin sont donc le deuxième pilier politico-administratif de la gestion de l’eau en France. Établissements publics administratifs d’État créés par cette même loi, elles sont sous tutelle étatique174 (ce qui fait dire à certains acteurs du bassin de la Loire rencontrés durant cette recherche que ses membres sont à classer parmi les acteurs de l’État). Le rôle de mise en œuvre de la politique de l’eau par les Agences se traduit par la collecte des redevances auprès des utilisateurs de l’eau puis par sa redistribution financière auprès d’acteurs publics comme privés. Par ce biais, les agences financières (plus tard renommées agence de l’eau) participent à la réalisation des travaux ayant pour objectif d’améliorer la répartition de l’eau et de lutter contre les pollutions (MEDD, 2004): – des investissements destinés à protéger la ressource et à mettre en conformité les périmètres de sécurité des captages ; – des dépenses pour lutter contre les pollutions diffuses dues aux intrants agricoles ; – des dépenses d’investissement correspondant à des mesures de dépollution et d’assainissement – en particulier les stations d’épuration.