Gestion d’un ensemble de parcs éoliens raccordés au réseau de transport
ASPECT REGLEMENTAIRE POUR LE RACCORDEMENT AU RESEAU DE TRANSPORT
Le paragraphe II.2 du chapitre II montre les contraintes imposées par le principal gestionnaire de Réseau de Distribution Français (ERDF) pour l’échange de puissance réactive au niveau du réseau de distribution. Comme nous l’avons déjà mentionné, ce diagramme PQ est très contraignant et ne permet que très difficilement la participation des parcs éoliens aux services système pour le réseau de distribution. Par contre, dans le cadre de la connexion au réseau de transport, les parcs éoliens seront amenés, de plus en plus, à participer aux services système par le gestionnaire de réseau transport [ERL_07], [ERL_05]. Le fait de représenter la puissance réactive en fonction de la tension dans le polygone UQ d’un « Grid Code » donné vient du couplage électrique entre ces deux variables. En effet, la production de puissance réactive induit une tension plus élevée, ce qui n’est a priori pas désirable si la tension initiale a déjà un niveau suffisant. Afin d’analyser les différentes contraintes imposées sur l’échange de puissance réactive au niveau du réseau de transport, les polygones UQ ou PQ (puissance active versus puissance réactive) de trois « Grid Codes » sont présentés dans les sections suivantes. Ils ont été choisis parmi plusieurs réglementations étudiées en tenant compte de différentes contraintes comme : le niveau d’intégration des éoliennes dans le réseau de transport de chaque pays, ainsi que la structure et la topologie du réseau électrique sur lequel les éoliennes sont raccordées. Le polygone UQ allemand a été choisi car il existe un grand marché de la production éolienne dans ce pays et les contraintes sur la production/absorption de la puissance réactive sont bien détaillées dans ce ‘’Grid Code’’ [EON_06], [CER_06]. Le polygone PQ irlandais a été choisi également car le réseau électrique dans ce pays ressemble à un réseau insulaire par rapport aux autres pays dont nous avons analysé les réglementations techniques de raccordement [ESB_06]. Enfin, le polygone UQ de RTE, le gestionnaire du réseau de transport français, est pris en considération (cf. [AHM_10], [EDF_06], [ARR_08]) car les parcs éoliens de Maia Eolis seront raccordés sur ce réseau. Cela nous impose de bien connaitre les contraintes imposées par RTE pour l’échange de puissance réactive de ces parcs avec le réseau.
Polygone UQ imposé par EON, le GRT allemand
On s’intéresse aux prescriptions techniques du gestionnaire de réseau transport allemand E-On Netz [EON_06]. Le GRT allemand exige, pour les parcs « offshore » avec une puissance nominale supérieure à 100 MW, de respecter les marges admissibles montrées dans la Figure 4-1 pour produire /absorber de la puissance réactive en fonction de la valeur de la tension au point de raccordement. Cela est présenté sous la forme d’un facteur de puissance de l’installation électrique au point de raccordement. En résumé, les fermes éoliennes doivent pouvoir fonctionner avec un facteur de puissance égal à 0,95 en comportement inductif, et égal à 0,925 en comportement capacitif. 0.95 1 0.95 0.925 0.87 1 (110kV) 1.12 1.15 pu Facteur de puissance Tension Type A Absorption Fourniture 0.88 1 (220kV) 1.11 1.16 0.92 1 (380 kV) 1.1 1.16 Figure 4-1 : Polygone UQ imposé par ENO, le GRT allemand (f = 50±0.5) Il est précisé dans ce « Grid Code » que l’ensemble des parcs connectés au réseau de transport doivent être capables de répondre à toutes les demandes du GRT qui sont dans les marges admissibles du polygone UQ. En cas de manque de réserve de puissance réactive, il faut prévoir d’installer des dispositifs de compensation de puissance réactive supplémentaires (par Chapitre 4 : Gestion d’un ensemble de parcs éoliens raccordés au réseau de transport 108 exemple des bancs de capacités ou des dispositifs à base d’électronique de puissance comme le STATCOM : STATic COMpensator en anglais). Assez logiquement, on constate que le Grid Code demande une capacité de fournir de la puissance réactive quand la tension diminue (U = 0.87, cos = 0.925 AV) et réciproquement, une capacité d’absorber de la puissance réactive quand la tension augmente (U = 1.16, cos = 0.95 AR). On peut se poser la question de l’utilité de fournir de la puissance réactive même quand la tension est élevée (U = 1.1, cos = 0.925 AV). On peut conclure que ce Grid Code est très contraignant. II.2. Polygone PQ imposé par ESBNG, le GRT irlandais Le réseau irlandais est intéressant au point de vue de sa topologie et de son fonctionnement car il représente un réseau de type insulaire. La réglementation présentée ici est issue du « Grid Code » du gestionnaire de réseaux de transport ESBNG (ESB National Grid) [ESB_06]. Le GRT irlandais impose aux parcs connectés au réseau de transport de respecter les marges admissibles montrées dans la Figure 4-2 ci-dessous pour produire /absorber de la puissance réactive en fonction de la valeur de la production de puissance active au point de connexion. P(pu) Absorption Fourniture -0.4 -0.3 -0.2 -0.1 0.1 0.2 0.3 0.4 Q(pu) cos=0.835 cos=0.95 cos=0.95 cos=0.835 1 Figure 4-2 : Polygone PQ imposé par ESBNG, le GRT Irlandais Ce polygone doit être aussi valable pour toute la plage de variation de tension indiquée dans le Tableau 4-1. La mesure de la puissance réactive sera faite sur le côté basse tension du transformateur par lequel le parc est connecté au réseau de transport. Chapitre 4 : Gestion d’un ensemble de parcs éoliens raccordés au réseau de transport 109 Niveau de tension Plages de variation de tension 400 kV de 350 à 420 kV 220 kV de 200 à 245 kV 110 kV de 99 à 123 kV Tableau 4-1 : Plages normales de variation de tension d’après le GRT irlandais Pour un fonctionnement en dessous de 10% de la puissance nominale du parc éolien, celui-ci doit fonctionner dans le triangle bleu illustré dans la Figure 4-2. Cela est nécessaire pour compenser la circulation de la puissance réactive dans les câbles et les transformateurs à l’intérieur du parc. Si cela ne peut être atteint, il faut voir si cette circulation de puissance réactive peut engendrer ou non un problème de tension pour le réseau au point de raccordement. Dans le cas d’une réponse positive, il faut modifier le triangle concerné.
Polygone UQ imposé par RTE, le GRT français
Actuellement, il n’y a pas de polygone UQ défini par RTE pour le cas spécifique de connexion des parcs éoliens au réseau de transport. Néanmoins, on estime que ce polygone sera proche du polygone déjà défini pour les productions conventionnelles [EDF_06]. La Figure 4-3 montre les contraintes imposées par RTE sur la capacité constructive des producteurs afin qu’ils puissent contribuer au réglage de la tension en fournissant et en absorbant de la puissance réactive. Absorption Fourniture 1.10 pu 0.90 pu C C’ A B – 0.35 0.30 0.32 Q/Pmax Upu Udim Un 0.45 – 0.45 0.95 pu 1.05 pu 1.00 pu Figure 4-3 : Polygone UQ imposé par RTE, le GRT français Dans ce diagramme : Pmax est la valeur contractuelle définissant la puissance active maximale que fournira l’installation de production au point de livraison en fonctionnement normal et sans limitation de durée, les réserves de réglages primaire et secondaire fréquence/puissance étant utilisées à leurs limites constructives ; Chapitre 4 : Gestion d’un ensemble de parcs éoliens raccordés au réseau de transport 110 Udim est la tension de dimensionnement qui est une tension théorique définie par le gestionnaire du réseau public de transport, après concertation avec le producteur, et destinée à optimiser, lors de la conception, l’utilisation de la capacité de l’installation à participer au réglage de tension local. Elle est normalement située à l’intérieur de la plage normale de tension ; Un est la tension nominale. Les groupes de production et leurs transformateurs de puissance doivent être conçus pour pouvoir respecter, à minima, les règles suivantes au point de livraison sur le réseau public de transport : À Pmax, l’installation doit être capable de : Fournir une puissance réactive, QA = 0,32 Pmax à UA = Udim (point A) ; Fournir- le cas échéant, théoriquement – une puissance réactive QB = 0,3 Pmax à UB = Udim – 0,1Un = 1,05 – 0,1×1 = 0,95 p.u. (point B). Absorber une puissance réactive QC = – 0,35 Pmax à UC = Udim (point C) ; Couvrir un domaine de fonctionnement constitué par un trapèze UQ dans lequel il est possible d’inscrire, a minima, les points A, B et C précédents ; Fonctionner sans limitation de durée en tout point situé dans son domaine normal de fonctionnement, délimité par le polygone UQ. Quelle que soit la puissance, l’installation doit être capable, a minima, de : Absorber à UC’ = Udim une puissance réactive QC’ = – 0,28 Pmax (point C’). Lorsque les besoins du réseau ou ses évolutions prévues l’exigent, le gestionnaire du réseau est fondé à demander au producteur une capacité constructive de fourniture et/ou d’absorption de puissance réactive donnant une plage de même amplitude que celle définie aux paragraphes précédents, mais translatée au maximum jusqu’à QA = 0,45 Pmax. Lorsque l’installation comporte plusieurs groupes de production et qu’ils ne sont pas tous démarrés, les valeurs de QA , QB , QC et QC’ sont réduites dans le rapport entre la puissance maximale des groupes démarrés et la puissance Pmax. Pour satisfaire les évolutions des besoins du réseau, le gestionnaire du réseau peut demander, au maximum, que le transformateur de groupe au point de connexion comporte trois prises de réglage à vide si l’installation est raccordée en HTB2 (225 ou 150 kV) ou HTB3 (400 kV) et cinq prises si elle est raccordée en HTB1 (90 ou 63 kV). Si l’installation comporte un transformateur de groupe avec régleur en charge, l’étendue de la plage de réglage ainsi que les critères de son entrée en action doivent être convenus avec le gestionnaire du réseau.L’installation doit pouvoir fonctionner sans limitation de durée dans son domaine normal de fonctionnement délimité par le polygone UQ. Ce domaine ne doit pas être tronqué par des limitations liées au fonctionnement des auxiliaires. Dans ce qui précède, nous voyons bien que les conditions techniques de raccordement ne sont pas harmonisées au niveau européen. De plus, chaque gestionnaire de réseau définit ses propres conditions en accord avec sa réglementation nationale. Ceci explique la diversité des contraintes qui existent et le problème auquel sont confrontés les constructeurs et équipementiers pour pouvoir satisfaire l’ensemble de ces contraintes. Dans notre cas d’étude, nous nous intéresserons uniquement aux contraintes sur l’échange de puissance réactive imposées par le gestionnaire du réseau de transport français car les parcs éoliens de Maia Eolis seront raccordés sur ce réseau en premier lieu.