Gestion de la chaîne logistique
Description de la chaîne logistique
La chaîne logistique est un système intégrant un ensemble d’entreprises, de personnes, de machines, d’outils, de technologies, d’informations, etc., où le but est de satisfaire les demandes des clients finaux, à travers la transformation de matière, ayant pour point d’origine les fournisseurs de matières premières. Une chaîne logistique est composée principalement de fournisseurs, de fabricants, de distributeurs, de détaillants et de consommateurs. Ces participants sont liés par des flux de matières et d’informations, comme illustré dans la Figure 1.1. Le flux d’informations démarre chez les clients avec les spécifications de la demande, qui est transmise aux détaillants (des commerçants de produits à l’unité, par petit volume). Étant donné que les détaillants ne sont pas des producteurs, ils ont besoin d’approvisionner périodiquement leurs stocks avec les produits demandés par les clients. Ce sont les distributeurs qui assurent cet approvisionnement, en suivant la demande transmise par les détaillants. De la même manière, les distributeurs envoient de l’information aux fabricants avec la demande de produits nécessaires pour approvisionner les détaillants. Finalement, compte tenu de la demande de produit fini réalisée par les distributeurs, les fabricants transmettent une demande de matière première et/ou en composants aux fournisseurs, afin de pouvoir fabriquer les produits. Dans le sens inverse, le flux de matières démarre chez les fournisseurs. Ces matières sont transformées en produits finis par les fabricants et elles sont récupérées (souvent aussi stockées) par les distributeurs, qui les distribuent aux détaillants, pour être finalement achetées par les clients finaux. Le terme de logistique interne est souvent associé au management des flux entre les fournisseurs de matières premières ou composants et les fabricants ; tandis que la gestion des flux à partir des fabricants jusqu’aux clients finaux est souvent appelée logistique externe Chaque groupe de participants du même maillon peut aussi constituer une chaîne logistique, faisant partie de la chaîne logistique globale. Ainsi par exemple, il peut y avoir plusieurs fabricants intégrant la même chaîne, où chaque usine produit des composants pour les autres usines et en même temps des produits pour les clients finaux. De manière similaire, les centres de distribution peuvent constituer un réseau, permettant la circulation et l’entreposage de produits entre eux, afin de réduire les coûts de transport et de stockage, ainsi que les délais de livraison. En suivant le flux de matière, nous pouvons établir que chaque participant a des fournisseurs et des clients. Ainsi, les fournisseurs des distributeurs sont les fabricants, et ses clients sont les détaillants. En pratique, les entreprises ne suivent pas une stratégie de management globale de la chaîne d’approvisionnement, et considèrent seulement leurs fournisseurs et leurs clients directs pour gérer les opérations logistiques [57]. Ceci entraîne la perte d’information, circulant à partir des consommateurs finaux, et se traduit en une visibilité limitée du marché et des capacités de production, de stockage et de distribution des autres participants. Ceci peut faire varier les temps d’approvisionnement et peut engendrer des ruptures de stock (et potentiellement la perte de clients) ou un sur-stockage indésiré, incrémentant les coûts de gestion. Ce phénomène de perturbation des décisions en management de la chaîne logistique et connu sous le nom d’« Effet coup de fouet »[145]. Une stratégie de management global de la chaîne logistique implique la planification synchronisée des activités liant les flux d’information et de matière sur un horizon à long terme. Les activités de planification d’une chaîne logistique sont organisées en pratique en trois niveaux de décisions, à savoir : le niveau stratégique, le niveau tactique et le niveau opérationnel .
Niveaux de décisions en la planification de la chaîne logistique
Le niveau stratégique comprend les décisions qui ont un impact sur le long terme (plusieurs années). Ces décisions sont prises au plus haut niveau de l’entreprise et contraignent toutes les activités de planification aux niveaux tactique et opérationnel. Les décisions stratégiques incluent : la conception du réseau logistique, la conception du produit et les offres commerciales et la planification des ventes. La conception du réseau logistique consiste à : – Déterminer le nombre d’usines, leur localisation et leur taille. – Déterminer le nombre d’entrepôts, leur localisation et leur taille. – Déterminer le nature du système de production et le nombre et type de ressources nécessaires (opérateurs, machines, outils, etc.) – Identifier et sélectionner les fournisseurs, les distributeurs, les grossistes, les détaillants et les autres participants de la chaîne logistique Le niveau tactique et basé sur un horizon à moyen terme, de l’ordre de quelques mois, et consiste à planifier les activités d’approvisionnement, de production, de distribution et des ventes, de façon à atteindre les objectifs fixés dans le plan stratégique. Il s’agit de définir les dates d’approvisionnement, les quantités et périodes de production et moyens de distribution, pour assurer la satisfaction de la demande dans les délais, à un coût minimal. Les activités tactiques sont contraintes par la capacité des ressources. Le niveau opérationnel comprend les activités à court terme (de l’ordre de quelques jours ou semaines), i.e. les activités d’exécution. Ceci correspond à l’achat de matière première et des composants, à l’affectation de tâches de production (opérations) aux machines, à la détermination de tournées de transports et l’entreposage et à l’élaboration d’un plan détaillé de ventes. Une limite importante en management de la chaîne logistique est que les différents niveaux de décisions sont le plus souvent traités de manière séparée et hiérarchique, où les objectifs du niveau supérieur deviennent des contraintes pour le niveau immédiatement inférieur. Les contraintes du niveau inférieur sont habituellement mal considérées dans le niveau supérieur, ce qui fait que les solutions prises au niveau supérieur ne sont pas forcément réalisables. Nous en discutons plus en détail, en mettant l’accent sur l’étape de production, dans la Section 1.4. Il existe aujourd’hui des logiciels de planification qui offrent un bon degré de cohérence dans la synchronisation des flux logistiques. Ce sont les Systèmes de Planification Avancée (APS), dont nous discutons dans la Section 1.4.3. Bien que les niveaux de décisions continuent à être traités de manière hiérarchique, le partage d’information entre eux permet dans la plupart des cas l’obtention de solutions réalisables [51]. La qualité des décisions peut, néanmoins, être considérablement améliorée, en intégrant les niveaux de décisions.
Activités de la chaîne logistique
De manière transversale aux niveaux de décisions, les différentes activités de transformation des flux de matières et d’informations sont menées. Ces étapes font le lien entre les participants de la chaîne logistique et sont principalement : l’approvisionnement, la production, la distribution et les ventes [128]. L’approvisionnement est l’étape qui consiste à approvisionner de les matières premières nécessaires pour fabriquer les produits, selon les spécifications indiquées dans le plan de production. Il faut que l’approvisionnement permette de respecter les quantités et les périodes de production décidées. L’approvisionnement est donc l’étape faisant le lien entre les fournisseurs et les sites de production. Lorsque l’on définit le plan d’approvisionnement, on doit tenir compte de la capacité de production des fournisseurs et des délais d’obtention et de livraison. Dans une chaîne logistique comptant plusieurs fournisseurs, les facteurs différenciateurs au moment de choisir le fournisseur d’un produit i à un instant t sont le prix de vente et les délais de production et de livraison, sans oublier la qualité des matières premières (et/ou composants) qui peut varier d’un fournisseur à un autre. La production est l’étape qui consiste en la fabrication de produit fini, à travers la transformation de la matière première issue de l’approvisionnement. Cette transformation peut être faite en une ou plusieurs opérations, et chaque opération implique la création de valeur ajoutée. Les produits finis doivent satisfaire les besoins des clients, à savoir : fonctionnalité, qualité et délais d’obtention. Les décisions à prendre dans cette étape sont : combien, quand et comment produire. Ces décisions ont pour but de satisfaire pleinement la demande client au moindre coût. Nous discutons ces facteurs qui ont une incidence sur les politiques de production dans la Section 1.3. La distribution est l’activité permettant de mettre à disposition des consommateurs les produits élaborés par les fabricants. Elle est le lien entre les producteurs et les détaillants. Un distributeur doit récupérer, transporter, stocker et répartir, les produits fournis par les fabricants. À la fin, les produits doivent être à disposition des détaillants, en respectant les délais de livraison. L’objectif est de livrer tous les détaillants dans les délais, au moindre coût possible, en utilisant au mieux des ressources (véhicules) limitées. Le problème de distribution implique en particulier l’affectation des produits aux véhicules et la sélection des tournées, avec l’objectif de minimiser le nombre de véhicules et/ou de minimiser la distance parcourue. Finalement, les ventes représentent l’étape où les produits sont acquis par les clients finaux. Ceci correspond donc au flux de matière entre les détaillants et les consommateurs. L’objectif est de satisfaire la demande au moindre coût. À ce stade, les coûts sont associés au management des stocks. Il s’agit donc de minimiser la somme des coûts de stockage et de rupture de stock. Dans certains secteurs économiques, comme l’alimentaire, il faut tenir compte de la péremption des produits et gérer les stocks de façon à réduire le nombre de produits avec date de péremption dépassée. Pour plus de détails sur le management de la chaîne logistique, le lecteur peut consulter .
Systèmes de production
Un système de production est une organisation de personnes, machines, outils et d’autres composants, qui servent à transformer des matières premières en produits finis, destinés à la consommation de clients finaux. La transformation d’un produit peut nécessiter une ou plusieurs opérations à réaliser sur une ou plusieurs machines ou stations de travail. Si les produits finis sont fabriqués juste à partir de matières premières, mais ne requièrent pas l’assemblage ou l’intégration de composants, il s’agit d’un système mono-niveau. Si la fabrication des produits finis requiert l’inclusion d’autres produits (composants), le processus correspond à un système multi-niveaux. La différence entre ces deux types de systèmes est que dans le cas multi-niveaux, il existe une nomenclature ou liste BOM (Bill Of Materials) qui définit les besoins de production ou demandes internes, entre tous les produits (composants et produits finis) faisant partie du processus de fabrication ; tandis que dans les systèmes mono niveau, chaque produit a une demande externe, mais il n’y a pas de demandes internes entre les produits. Le nombre de niveaux fait référence au plus grand nombre de liens de dépendance entre un composant basique (produit sans composants) et un produit fini, en passant par tous les composants intermédiaires. Un exemple de nomenclature à plusieurs niveaux est présenté dans la Figure 1.2. Dans les systèmes mono-niveau, on parle souvent de nomenclature à un niveau. Dans la gestion d’un système de production, le but est de satisfaire la demande client au moindre coût possible. Pour ce faire, plusieurs politiques de production peuvent être implémentées, à savoir : la production à la demande, la production sur stock, l’assemblage à la demande et la conception à la demande [118] La production à la demande consiste à ne déclencher la fabrication d’un article que lorsque la demande client est confirmée, ce qui permet de réduire les inventaires de produits semi-finis et de produits finis. Cette politique permet donc de diminuer les coûts de stockage. Pour plus de détails sur ce mode de production, le lecteur peut consulter [138]. La production sur stock est basée sur les prévisions de la demande, et consiste à démarrer le processus de fabrication avant d’avoir une demande confirmée. Ceci permet des réduire les délais de livraison (intervalle de temps entre la commande client et la livraison du produit) et les coûts de production. L’assemblage à la demande consiste à construire un stock de produits semi-finis, en attendant l’arrivée de la demande. Une fois que la demande est confirmée, les produits sont assemblés et livrés aux consommateurs. C’est donc une stratégie qui combine les deux politiques précédentes : production sur stock pour obtenir des produits semi-finis et production à la demande pour réaliser l’assemblage final. Dans la conception à la demande, une fois que la demande arrive, l’entreprise et le client conçoivent ensemble le produit, ce qui fait que chaque article fabriqué est unique. Une fois le produit conçu, la matière première est commandée, et une fois l’approvisionnement réalisé, la production et la distribution sont successivement enchaînées. À travers cette politique, il n’y a pas d’inventaires, mais il est difficile d’estimer les temps de production et les besoins en ressources. Par conséquent, il est compliqué de maîtriser la capacité du système et de respecter les délais d’obtention. Le système adoptant cette stratégie doit être flexible. Dans un système de production, plusieurs politiques de production peuvent être implémentées. Cela dépend de la nature des produits, des contraintes du système de production, du comportement de la demande, des coûts de production et de stockage et des durées opératoires. Ainsi, dans un même atelier, certains produits peuvent suivre une politique de production sur stock, d’autres une production à la demande, et d’autres une combinaison de plusieurs politiques [118]. En gestion de stocks, il est commun d’utiliser les termes flux poussé et flux tiré, pour faire référence à la circulation de matières (en tant que matières premières, produits semi-finis et produits finis) dans les modes de production sur stock et de production à la demande, respectivement. Ainsi, dans un système à flux poussé, la matière est « poussée » tout au long du processus de fabrication étape par étape (une fois qu’une opération est terminée, l’opération suivante est déclenchée). D’autre part, dans un système à flux tiré, la demande client génère un besoin de produit fini, qui à la fois génère une demande de composants (chaque composant pouvant demander aussi d’autres composants), pour au final générer une demande de matière première. Une fois que la demande de matière première arrive chez le fournisseur, le flux de matières est déclenché.