Géologie du bassin ouest canadien
Introduction
Le Bassin Ouest Canadien (BOC) se situe dans les provinces de la Colombie britannique, de l’Alberta et du Saskatchewan. Du Nord au Sud, ce bassin s’étend depuis la province des territoires du Nord-Ouest (N.T.) jusqu’aux États-Unis (Figure II – 1). Plus précisément le BOC peut être divisé en deux grandes régions : le bassin de l‘Alberta, partagé entre les provinces de la Colombie britannique, de l’Alberta et du Saskatchewan (B.C., Ab. et Sa. sur la Figure II – 1) et le bassin de Williston à cheval sur la frontière entre les États-Unis et le Canada. Le BOC est limité à l’Ouest par le prisme d‘avant-pays de la cordillère canadienne et à l’Est par les roches métamorphiques du bouclier canadien. Le BOC contient des formations sédimentaires paléozoïques à quaternaires et enregistre un évènement majeur au cours du Jurassique moyen : l’orogène de la cordillère canadienne. Le BOC passe alors d’un régime de « marge passive » à un régime d’avant-pays (Price, 1994).Ce chapitre d’introduction présente les grands domaines structuraux, le remplissage sédimentaire de l’ouest canadien ainsi que le contexte géodynamique du continent nord-américain. Par la suite, il se recentrera sur le bassin de l‘Alberta et sur le sous-bassin de Peace River où sont préservées les formations du Trias inférieur et moyen : Montney, Doig et Halfway (Figure II – 1).
L’ouest canadien
Structures et domaines géologiques
La partie au Sud-Ouest du Canada, le long de la frontière américaine peut se décomposer en deux grands ensembles : la cordillère canadienne à l’Ouest et le BOC, son bassin d’avant-pays, à l’Est (Figure II – 1). La cordillère canadienne est limitée à l’Ouest par la jonction entre les plaques tectoniques nord-américaine et pacifique. A l’Est, la limite entre le BOC et la cordillère canadienne se place au niveau du front de chevauchement de la cordillère canadienne sur ce dernier (Price, 1994). Le BOC est quant à lui, limité à l’Est par le bouclier canadien composé de roches cristallines et métamorphiques précambriennes (Burwash et al., 1994 ; Reed et al., 2005).
La cordillère canadienne
La cordillère canadienne est le résultat de l’accrétion de différents terranes à une marge active qui se trouvait le long la façade ouest de la Pangée (Davis et Coney, 1979 ; Monger et Price, 2002). Les travaux des années 1980 (Monger et Price, 1979 ; Coney et al., 1980 ; Price, 1981) décrivent la cordillère canadienne et la découpent en cinq domaines (Figure II – 1). D’Ouest en Est : la ceinture insulaire, la ceinture côtière, la ceinture de l‘Intermontane, la ceinture d‘Omineca et la ceinture d‘avant-pays. Les quatre premiers domaines peuvent être considérés comme entièrement cristallins et métamorphiques (White, 1959 ; Monger et al., 1982 ; Reed et al., 2005) alors que la ceinture d‘avantpays est majoritairement composée de formations sédimentaires déformées et restructurées au cours de l’orogène de la cordillère canadienne (Hardebol, 2007 ; Price, 1994). En 1982, Monger et al. proposent pour la première fois une évolution géodynamique conduisant à la formation de la cordillère canadienne, cependant leur étude n’intègre pas de potentiels mouvements décrochants des terranes. Puis dans les années 90 et le début des années 2000 des études portants sur la géodynamique de la marge ouest du continent nord-américain (Wilson et al., 1991 ; Monger, 1993 ; Monger et Price, 2002) se sont accordés pour dire que le début de l’accrétion des ensembles au sein de la cordillère canadienne c‘est accentué au Jurassique moyen. La mise en place de la ceinture d‘avant-pays, plus tardive, est datée de l’Éocène par ces même auteurs. Aujourd’hui la sismicité de l’Est du Canada conduit à penser que l’accrétion continue au niveau de la façade pacifique et de la limite entre les deux plaques, mais que du côté du bassin d’avant-pays, la cordillère canadienne est inactive.
Le bassin d’avant-pays
Le deuxième grand domaine de l’ouest canadien est le bassin d’avant-pays de la cordillère (BOC). La Figure II – 1 qui présente la profondeur du socle, permet d‘identifier deux bassins : celui de l‘Alberta le long de la cordillère et le bassin de Williston dans le Saskatchewan et le Manitoba . Deux éléments structuraux importants sont à noter sur la Figure II – 1: l‘arche de Sweetgrass, qui sépare le bassin de l‘Alberta et le bassin de Williston et l‘arche de Peace River dans le bassin de l‘Alberta. La Figure II – 1et la Figure II – 2 mettent en avant une structure simple : un épaississement de la pile sédimentaire en direction de la cordillère, jusqu’à un maximum compris entre 4000m et 5000m. Ces deux figures ne mettent pas en avant d’accidents structuraux majeurs au sein du BOC qui semble avoir la forme d’un prisme. Figure II – 2 : Coupe structurale du bassin d’avant-pays de la cordillère canadienne (d’après Ducros et al., soumis). Les plus anciennes formations sédimentaires préservées dans le bassin sont datés du Précambrien et les plus jeunes du Quaternaire (Wright et al., 1994). L’histoire du bassin est en étroite relation avec la géodynamique de l’Ouest Canadien et est découpée en trois périodes (Monger et Price, 2002 ; Eaton et al., 1999) : – Avant le Dévonien supérieur (355Ma) : le BOC est considéré comme étant localisé sur la marge passive de la bordure Ouest de la Pangée, face à l’océan Panthalassique. – Dévonien supérieur – Jurassique inférieur (355Ma – 185Ma) : à partir du Dévonien terminal, le mouvement de grands domaines le long de l’Ouest de la Pangée amène le BOC à être dans une configuration de bassin d’arrière-arc. – Jurassique moyen – Actuel (175Ma – 0Ma) : le Jurassique moyen est considéré comme le début de l’orogène de la cordillère canadienne, le BOC passe alors dans une configuration de bassin d’avant-pays. Le passage du deuxième au troisième stade est marqué par une discordance angulaire entre les formations du Jurassique et celles du Crétacé inférieur à moyen (Figure II – 2). c. Cadre stratigraphique Établir une charte stratigraphique pour la globalité du BOC est un travail complexe du fait de sa grande extension géographique. La charte stratigraphique de référence pour le bassin correspond aux travaux de Ziegler (1969) et Price et al. (1972) Il ressort de ces travaux deux grands ensembles stratigraphiques : – Avant le Jurassique : au cours des stades de marge passive et de bassin d‘arrière-arc, les formations sont majoritairement carbonatées. Elles correspondent à des environnements de plateforme peu profonde à sédimentation mixte (clastique et carbonatée, Miall et Blakey, 2008). – Après le Jurassique : au cours du remplissage du bassin d‘avant-pays, des formations majoritairement clastiques issues de l‘érosion de la chaine de montagne avoisinante. 2. Évolution géodynamique de l’ouest canadien au cours du Phanérozoïque L’évolution paléogéographique du continent nord-américain au cours du Phanérozoïque est décrite par Golonka et al., (1994). Deux autres travaux (Ziegler et al., 1983 ; Engebretson et al., 1985) précisent son évolution au cours du Mésozoïque et du Cénozoïque. Tous présentent la même évolution géographique du continent : proche de l’équateur au Paléozoïque et remontant vers sa latitude actuelle au cours du Mésozoïque et du Cénozoïque. L’histoire géodynamique du continent nord-américain peut être divisée en trois grandes étapes (Miall et Blakey, 2008) : – Formation de la Pangée (Précambrien – Trias. 400Ma – 245Ma sur la Figure II – 4) : la marge ouest du continent nord-américain est considérée comme une marge passive ou une zone arrière-arc (Phase 1 et 2 de Monger et Price, 2002). – Formation des Ancestral Rockies (Pennsylvanien – Permien. AR, 290Ma – 245Ma sur la Figure II – 4) : la marge au Sud-Ouest du continent nord-américain est affectée par de grands décrochements et on observe la formation des Ancestral Rockies dans ce qui est aujourd’hui le Colorado et le Nouveau Mexique. – Séparation de la Pangée (depuis le Trias. 245Ma – 60Ma sur la Figure II – 4) : le continent nord-américain dérive vers l’Ouest suite à l’ouverture de l’océan Atlantique (AT sur la Figure II – 4). La subduction de la plaque Pacifique (PA sur la Figure II – 4) commence et conduit à l’orogénèse de la cordillère américaine et canadienne (Phase 3 de Monger et Price, 2002). L‘orogène de la cordillère nord-américaine est l‘évènement majeur du Phanérozoïque dans l‘Ouest du continent américain. Les travaux de Miall et Blakey (2008) présentent une synthèse sur l’évolution géodynamique du continent nord-américain. Les auteurs présentent un diachronisme entre l’âge de l’orogène des rocheuses américaines et l’âge de l’orogène de la cordillère canadienne. Au niveau de la côte ouest des États-Unis l’orogène commence au cours du Trias, alors qu’au Canada l’orogène ne commence qu’au cours du Jurassique moyen ce qui implique un changement dans le type de bassin le long de l‘Ouest du continent (Monger et Price, 2002). Il est important de noté que les reconstructions locales de la paléogéographie de l‘Ouest canadien au cours du Trias inférieur et moyen peuvent être très différentes selon les auteurs ?