Délai moyen de RT
Dans notre étude le délai moyen de RT est de 1,68 (+/-1,70) année. La variance de ce résultat met en évidence une forte disparité entre chaque patient. Une revue de la littérature conforte cette observation puisque parmi les survivants ayant repris le travail, 40% l’ont repris dans les 6 mois, 62% dans les 12 mois, 73% dans les 18 mois et 89% dans les 24 mois .
Par ailleurs, étant donné que le processus de RT est étroitement lié au système de prise en charge des congés maladie, l’extrapolation des résultats de cette étude à d’autres pays est à modérer selon le modèle social et le propre système de santé de chaque pays. En France, comme aux Pays-Bas et en Suède, le système médico-social permet d’allonger le délai de RT comparativement à d’autres pays tels que les Etats-Unis et l’Espagne où la prise en charge du congé maladie est moins avantageuse.
Pour exemple, en France et au Pays-Bas le système finance respectivement 36 mois et 24 mois d’indemnités de salaire contre 1 mois en Espagne et aucun aux Etats-Unis. Ainsi, en France et aux Pays-Bas respectivement 54% et 43% des survivants ont repris le travail dans les 12 mois qui suit le diagnostic contre 93% aux Etats-Unis .
Cette disparité se rapproche de celle qui s’observe avec les travailleurs indépendants qui peuvent se révéler plus vulnérables financièrement , avec une grande difficulté d’accès aux arrêts-maladie. Il en résulte, chez eux, un taux de maintien dans l’emploi supérieur à celui des salariés (81% contre 71%) .
Genre des salariés affectés par le cancer et délai de RT
Dans notre étude le délai moyen de RT ne diffère pas selon le genre. Marino et al. montrent que la prévalence de RT à 6 mois est inférieure chez les femmes (25%) comparé aux hommes (36%) (p=0,006) mais qu’au bout de 12 mois les taux de RT convergent entre les deux genres . Le retour plus rapide au travail de certains hommes est rapporté à la fois au caractère moins invalidant des traitements des principaux cancers masculins et à la plus forte pression sociale sur les hommes. L’écart salarial défavorable aux femmes (indice moyen d’écart de salaire allant de 18 à 28 % selon les secteurs d’activité) pourrait réduire leur incitation à retourner plus rapidement au travail, l’utilité du RT pouvant être estimée inférieure à celle de rester en congé de maladie .
En 2016, une revue de la littérature conclut à une absence de convergence des résultats sur l’association entre le genre et le RT des survivants du cancer et que des recherches supplémentaires doivent être réalisées pour confirmer ou infirmer l’existence de cette association .
Age des salariés affectés par le cancer et délai de RT
Dans notre étude, le délai de RT est significativement plus court pour les salariés âgés de plus de 45 ans. Si ce phénomène pourrait être expliqué par le fait que les sujets âgés de plus de 45 ans ont moins eu recours à la chimiothérapie que ceux âgés de moins de 45 ans, le résultat des analyses multivariées montre que la différence significative demeure après ajustement sur le type de traitement, le sexe et la catégorie socioprofessionnelle. Ce résultat converge avec celui d’une autre étude française qui montre que les femmes de moins de 50 ans affectées par un cancer du sein sont moins nombreuses à être retournées au travail que les patientes de plus de 50 ans . Une étude Coréenne montre que les hommes âgés de plus de 50 ans ont un délai de RT plus court que les sujets de moins de 30 ans (OR=0,47) . Ces résultats ne concordent pas avec ceux d’une revue de la littérature qui montrent dans 12 études un risque accru de retard de RT chez les personnes âgées de plus de 50 ans pour les femmes et ou 55 ans pour les hommes . Néanmoins, parmi ces études, les investigations qui présentent un faible risque de biais se sont focalisées sur les survivants de cancer du sein, de la prostate et du côlon dont la sévérité progresse avec l’âge. Enfin, dans notre étude un certain nombre de salariés plus âgés n’ont probablement pas été inclus car il est rapporté que lorsque ces derniers sont affectés par de plus graves cancers ils sont davantage enclins à s’orienter vers la retraire.
Catégorie socio-professionnelle des salariés affectés par le cancer et délai de RT
Dans notre étude, aucune association entre le délai de RT et les différentes catégories professionnelles n’a été mise en évidence . Une revue de la littérature a relevé que parmi 15 études qui se sont intéressées au niveau d’éducation et au revenu des survivants d’un cancer, six études n’ont pas mis en évidence d’association entre ces variables et le délai de RT . Néanmoins, neuf enquêtes ont montré qu’un haut niveau d’études et un revenu élevé sont plus susceptibles d’accélérer le RT des survivants . Dans une étude française la probabilité de retravailler après une période d’arrêt semble également liée aux caractéristiques socio-économiques des survivants . Les personnes avec un niveau d’études au moins égal au baccalauréat auraient une probabilité de RT 33% plus importante que celle des personnes avec un niveau inférieur au bac. Ce phénomène pourrait être expliqué par le fait que les emplois les moins qualifiés seraient plus exigeants physiquement .
Localisation du cancer et délai de RT
Dans notre étude, le délai de RT ne diffère pas significativement selon le site anatomique du cancer primitif. Néanmoins, les salariés affectés par un cancer hématologique tendent à présenter un délai de RT plus long que celui des personnes affectées par un autre cancer.
Cette observation converge avec le classement des résultats des délais moyens de RT mesurés dans une enquête nationale en France, conduite en 2012 , qui montre que parmi les survivants d’un cancer, ceux affectés par un cancer de l’utérus (0,00%), de la vessie (0,00%) ou de la prostate (12,4%) semblent moins nombreux à être en arrêt maladie deux ans après le diagnostic alors que ceux affectés par un lymphome (19,0%), un cancer des voies aérodigestives supérieures (20,2%) ou du poumon (31,6%) semblent beaucoup plus nombreux en arrêt. Les femmes affectées par un cancer du sein présentent un taux médian (13,3%). Les personnes affectées par un cancer colorectal sont nombreuses (19,1%) à être en arrêt maladie alors que le délai de RT tend à être inférieur au délai moyen de RT dans notre étude.
Une étude allemande a évalué le délai de RT à partir de la fin du traitement . Les résultats ne sont ainsi pas comparables à ceux des études qui, comme la nôtre, ont mesuré le délai de RT à partir de la date de diagnostic. Néanmoins, nous observons que les personnes affectées par un cancer du poumon ou du colon/rectum mettent deux fois plus de temps (en moyenne 12 semaines) à retourner au travail par rapport à celles affectés par un cancer du sein ou un cancer gynécologique (5,2 semaines).
Traitement et délai de RT
De nombreuses publications indiquent que la chimiothérapie réduit la probabilité d’un RT précoce parmi les personnes affectées par un cancer . Par exemple, Lauzier et al. ont mis en évidence que les patientes affectées par un cancer du sein bénéficiant d’une chimiothérapie mettent 40 semaines à retourner au travail contre 21 semaines pour celles qui n’en bénéficient pas . Deux études montrent que la probabilité de RT à 1 an est inférieure parmi les patients traités par chimiothérapie (OR= 0,24 ; OR=0,10) . Spelten et al. montrent également que la radiothérapie réduit la probabilité de RT à un an par rapport à la chirurgie (OR=0,57) . Les patients dont le traitement intègre de la chimiothérapie présentent un délai de RT plus long que ceux qui ne bénéficient que d’une radiothérapie ou d’une chirurgie.
Dans notre étude, les sujets dont le traitement s’est composé à la fois de séances de radiothérapie et de chimiothérapie sont ceux dont le délai de RT a été le plus long.
Ceci peut être expliqué par le fait que la chimiothérapie est le traitement qui génère la majeure partie de la fatigue et des troubles cognitifs des patients . Par ailleurs, dans notre étude, lorsqu’un traitement ou une association de traitements a intégré une chirurgie, le délai de RT a été plus faible qu’en l’absence de chirurgie.
Table des matières
Introduction
Méthode
Type d’étude et population
Conception et collecte de l’auto-questionnaire
Procédure d’analyse des données
Résultats
Discussion
Délai moyen de RT
Genre des salariés affectés par le cancer et délai de RT
Age des salariés affectés par le cancer et délai de RT
Catégorie socio-professionnelle des salariés affectés par le cancer et délai de RT
Localisation du cancer et délai de RT
Probabilité de survie à 10 ans et délai de RT
Traitement et délai de RT
Forces et limites
Conclusion
Bibliographie
Tableaux
Tableau 1
Tableau 2
Tableau 3