La fusion par confinement inertiel (FCI)
Le principe de la fusion par confinement inertiel consiste à comprimer, par laser, les éléments combustibles (une petite capsule de l’ordre d’un millimètre de diamètre pour obtenir des conditions de température et de densité suffisamment hautes afin d’amorcer les réactions nucléaires).
La fusion inertielle classique : La fusion inertielle classique suppose que la compression et le chauffage soient réalisés en même temps. Pour cela on chauffe la capsule externe du combustible (appelée ablateur) à l’aide des faisceaux laser de puissance (de durée ∼ns) ou du rayonnement X, qui est vaporisée et ionisée, en formant un plasma de plusieurs dizains de millions de degrés. Le plasma commence alors à se détendre, et, par réaction, le ballon combustible reçoit violemment un mouvement radial centripète qui produite une onde de choc dans la même direction. Cette onde comprime fortement le combustible, et converge vers le centre du ballon, où un point chaud se forme dû à la compression. Ce point chaud doit avoir des conditions suffisantes pour amorcer les réactions de fusion. Une fois le point chaud allumé, les réactions nucléaires doivent se produire en chaîne, fournissant aussi la température nécessaire pour le reste du combustible.
L’allumeur rapide : L’allumeur rapide est un concept relativement récent qui dissocie les phases de compression et de chauffage. Ce concept a l’avantage de relâcher les contraintes sur la symétrie de l’éclairement, baissant ainsi l’énergie laser nécessaire à la fusion. D’abord on réalise une compression modérée (adiabatique), avec des lasers de puissance en régime ns; cette compression n’a pas vocation à créer un point chaud, ce qui relâche sensiblement les conditions énergétiques sur le laser ns.
Dans une deuxième étape, après un temps suffisamment court (temps de stagnation pour que la cible soit toujours comprimée), un premier faisceau laser à ultra-haute intensité (UHI), de ∼100 ps de durée et d’une intensité de 1018 W/cm², interagit avec la couronne du plasma (de longueur millimétrique) entourant le cœur comprimé et creuse un canal dans le plasma. Le canal est formé par l’expulsion latérale et la pression du plasma. L’expulsion latérale est induite par le champ laser qui éjecte les électrons transversalement, ces derniers entraînant aussi les ions par le champ statique de charge d’espace du plasma. La poussée longitudinale est réalisée par la pression du laser, et peut être rallongée considérablement par transparence induite. Cette transparence induite est un effet relativiste, où la masse des électrons augmente et la fréquence plasma change, permettant au faisceau laser de pénétrer le plasma jusqu’à des densités 10 fois plus grandes que la densité critique classique. Ceci fait un gain de parcours de quelques dizaines de microns dans le plasma sur-critique.
Généralités sur le transport
La propagation d’un faisceau d’électrons relativistes est un phénomène qui met en jeu plusieurs processus simultanément:
La densité élevée du milieu de propagation impose de prendre en compte les collisions élastiques et inélastiques des électrons avec les atomes. Les collisions élastiques sont responsables de la divergence angulaire du faisceau ; les collisions inélastiques contribuent au ralentissement des électrons et au chauffage du milieu.
Les électrons n’étant pas injectés de l’extérieur mais arrachés aux premières couches du milieu de propagation, cela entraîne une forte séparation de charge et un champ électrostatique longitudinal de rappel, qui s’oppose à la propagation.
La densité de courant associé aux électrons donne lieu à la formation d’un champ magnétique azimutal, qui tend à collimater les électrons par l’intermédiaire de la force de Lorentz, et d’un champ électromoteur qui s’oppose lui aussi à la propagation des électrons. Une neutralisation en charge quasi-parfaite permet d’éviter l’explosion coulombienne du faisceau.
Le champ électromoteur que l’on vient d’évoquer induit la formation d’un courant de neutralisation (courant de retour) auquel participent les électrons libres du milieu. Ce courant neutralise localement de manière partielle le faisceau rapide et permet de réduire la densité de courant net en dessous du seuil d’Alfvén, qui correspond à l’autosuppression d’un faisceau de particules chargées sous l’effet de ses forces magnétiques internes.
L’énergie cinétique des électrons rapides est cédée au milieu par les collisions inélastiques et par l’effet ohmique associé au courant de retour. Ce chauffage est suffisant pour ioniser les atomes et changer la conductivité électrique du milieu, et qui, à son tour, influence les champs et la propagation.
La conductivité électrique à laquelle est directement lié le courant de retour est une donnée importante. Dans le cas de la matière dense et chaude (état intermédiaire entre un plasma dense et un solide froid) c’est un paramètre encore mal connu, à la fois du point de vue expérimental et théorique.
La présence simultanée du courant de retour, du courant rapide, du champ magnétique azimutal, ainsi que des non uniformités dans la conductivité peut conduire à la formation d’instabilités à l’échelle microscopique et macroscopique par rapport à la taille du faisceau), qui compliquent la description de la propagation.
Effets collectifs
Il existe, outre les processus collisionnels que l’on vient de décrire, d’autres phénomènes qui influencent la propagation dans la matière d’un faisceau intense d’électrons rapides. Il s’agit notamment d’un ensemble d’effets de caractère collectif, liés aux champs électriques et magnétiques induits par la propagation du faisceau lui-même. En effet, pour des éclairements de l’ordre de 1019 Wcm-², correspondant à nos conditions expérimentales, le faisceau est constitué par ∼ 1014 électrons d’énergie comprise entre 250 keV et 1 MeV , à des densités de l’ordre de 1019 cm-3. L’injection d’un tel faisceau à intérieur de la cible donne lieu à: une perturbation importante de la neutralité locale du milieu, une densité de courant très élevée (∼kA/µm²) associée au faisceau.
Ces deux processus sont à la base de la génération des champs qui, à leur tour, agissent sur la propagation du faisceau. Les champs sont donc responsables des effets collectifs, que nous pouvons distinguer en deux catégories : interactions internes au faisceau, qui influencent sa stabilité et conduisent, par exemple, à son pincement magnétique. Celui-ci peut compenser partiellement la divergence angulaire associée aux collisions et garantir une bonne collimation du faisceau.
effets liés à la réponse électrique de la matière à la perturbation en charge et en courant, induite par le faisceau d’électrons rapides. Cette réponse est dominée par la conductivité électrique du milieu et donne lieu à un courant de neutralisation (courant de retour), nécessaire au transport du faisceau. Le courant de retour est responsable, d’une part de la dissipation par effet Joule d’une fraction de l’énergie initiale du faisceau, d’autre part il est à l’origine d’instabilités plus ou moins défavorables à la propagation du faisceau lui-même.
Le diagnostic de réflectivité
L’idée de cette expérience était d’estimer le chauffage de la face arrière de la cible. On suppose que la surface arrière de la cible est chauffée très rapidement (en quelques ps) par un dépôt d’énergie. Ce dépôt d’énergie peut en principe être dû à plusieurs processus: le préchauffage associé à l’onde de choc due au piédestal ASE, l’effet du rayonnement X (provenant de la région d’interaction chauffée par l’impulsion courte) et le transport d’énergie par des électrons suprathermiques.
La mesure de la réflectivité permet de visualiser, dans des images 2D, le débouché en face arrière du front de chauffage (et ionisation) et de le suivre (à l’aide d’un faisceau sonde) en fonction du temps sur plusieurs dizaines de ps.
La température initiale atteinte varie en fonction de l’énergie du laser et l’épaisseur de la cible et dépend de l’efficacité du dépôt d’énergie. La conductivité électrique du milieu est modifiée par l’augmentation de la température, ce qui induit une modification de la réflectivité de la surface arrière de la cible. Puis, si la température est suffisamment élevée, la face arrière se transforme en plasma et commence à se détendre dans le vide: la description de la réflectivité associée à une surface solide n’est plus valable. La réflexion du faisceau sonde se fait alors dans le plasma en détente.
En utilisant un modèle théorique approprié, on peut remonter de la réflectivité mesurée à la conductivité électrique de la face arrière (ou du plasma) et potentiellement à la température.
Rayonnement de transition
Dans le cas d’un mouvement uniforme d’une particule chargée dans un milieu homogène, à vitesse plus petite que la vitesse de la lumière dans ce milieu, la particule ne rayonne pas. Si la vitesse de la particule est supérieure à cette vitesse, alors elle émet du rayonnement, appelé rayonnement Cerenkov, même si le mouvement est uniforme. Un autre type de rayonnement est le rayonnement de transition (TR = Transition Radiation), qui apparaît lors du passage d’une particule chargée à travers l’interface séparant deux milieux, dont les propriétés diélectriques sont différentes. Pendant la traversée du premier milieu le champ émis est caractérisé par le mouvement de la particule et les propriétés du premier milieu. Dans le deuxième milieu le champ émis est caractéristique du mouvement de la particule et du deuxième milieu. On suppose que les deux milieux sont homogènes. Lors du passage de l’interface, les deux champs, initial et final, sont différents, car les propriétés des milieux sont différentes. Par conséquent, même dans le cas d’un mouvement uniforme il y aura une émission non-nulle du rayonnement, résultant du réarrangement des champs à proximité de la discontinuité. Physiquement, le mécanisme de production du rayonnement de transition est lié aux propriétés de polarisation et dépolarisation des milieux traversés, induits par la particule chargée. Dans la région voisine de la trajectoire, les électrons du milieu (liés aux atomes) se déplacent par rapport à la position initiale, formant des dipôles atomiques . Après le passage de la particule, les électrons reviennent à leur position initiale, en émettant du rayonnement. Dans un milieu homogène les dipôles sont disposés symétriquement autour de la particule et le rayonnement total émis est nul. Si la symétrie est détruite, comme pour une interface entre deux milieux différents ou l’interface entre un milieu et le vide, il apparaît un moment dipôlaire résultant non-nul qui produit le rayonnement de transition, quelle que soit la vitesse de la particule.
Table des matières
Chapitre I – Introduction
I.A. Contexte général de la thèse
I.B. La fusion par confinement inertiel (FCI)
I.B.1. La fusion inertielle classique
a) L’attaque directe
b) L’attaque indirecte
I.B.2. L’allumeur rapide
I.C. L’objectif et le plan de cette thèse
Chapitre II – Interaction laser-plasma en régime femtoseconde Rappels théoriques sur la génération et le transport des électrons
II.A. Définition des grandeurs et des équations élémentaires
II.A.1. Transparence induite
II.A.2. Auto-guidage (focalisation) relativiste
II.A.3. Pré-plasma
a) Considérants théoriques
b) Pré-plasma sur la chaîne 100 TW de LULI – mesures expérimentales
II.B. Génération des électrons rapides
II.B.1. Absorption collissionelle (bremsstrahlung inverse)
II.B.2. Absorption par effet de peau anormal
II.B.3. Absorption résonante
II.B.4. Chauffage d’écrantage (Vacuum Heating)
II.B.5. Accélération J B r r × (pondéromotrice)
II.B.6. Absorption paramétrique
II.B.7. Discussion sur les divers mécanismes d’accélération
II.C. Transport dans un solide
II.C.1. Généralités sur le transport
II.C.2. Diffusion angulaire
II.C.3. Pouvoir d’arrêt collisionnel et radiatif
II.C.4. Effets collectifs
a) Introduction
b) Neutralisation du faisceau et courant de retour
Neutralisation en charge
Neutralisation en courant
c) Importance des champs
d) Chauffage résistif
e) Compétition entre chauffage collisionnel et résistif
II.C.5. Instabilités
II.D. Simulations PIC
II.D.1. Génération et transport des paquets électroniques
II.D.2. Déflexion magnétique des électrons
II.D.3. Transport des paquets électroniques et réflexion au bord de la cible
Conclusions du chapitre
Chapitre III – Rappel des expériences antérieures
III.A. Radiographie transversale du transport
III.B. Le diagnostic de réflectivité
III.C. L’émission X Kα et XUV
III.C.1. Imagerie XKα et XUV. Aspects géométriques
III.C.2. Estimation de la température à partir des images XUV
III.C.3. Spectroscopie X Kα
III.D. Emission visible
III.E. Spectre en énergie des électrons sortant de la cible
III.F. Conversion énergie laser / électrons
III.G. Température des électrons rapides
Chapitre IV – L’émission du rayonnement en face arrière des cibles
IV.A. Rayonnement de transition
IV.A.1. La longueur de formation
IV.A.2. Le cas de l’incidence normale
a) Dépendance spectrale en incidence normale
b) Distribution angulaire en incidence normale
IV.B. Rayonnement Cerenkov
IV.C. Rayonnement émis par des charges accélérées
IV.C.1. Rayonnement Bremsstrahlung
IV.C.2. Rayonnement synchrotron
IV.C.3. Estimations numériques dans le cadre de l’expérience
IV.D. Comparaison rayonnement de transition / rayonnement synchrotron
Chapitre V – Dispositif expérimental
V.A. La chaîne 100 TW du LULI
V.B. Les diagnostic: L’analyse des électrons par l’étude de l’émission en face arrière des cibles
V.B.1. analyse spectrale et temporelle
V.B.1. imagerie 2D
Chapitre VI – Résultats expérimentaux. L’émission du rayonnement Visible-UV en face arrière des cibles
VI.A. L’analyse spectrale
VI.B. Evolution temporelle de l’émission
VI.C. L’imagerie 2D face arrière / face avant
Chapitre VII – Modèle CTR (Coherent Transition Radiation)
VII.A. Modèle 1D des paquets électroniques périodiques
VII.A.1. Hypothèses
VII.A.2. Cas de plusieurs paquets identiques
VII.A.3. Signal d’un seul paquet
VII.A.4. Energie CTR cohérente totale
VII.A.5. Modèle théorique 1D avec deux types de paquets
VII.A.6. La dépendance en épaisseur
VII.A.7. Cas des cibles très minces (<1 µm)
VII.A.8. Analyse spectrale et intensités relatives des harmoniques
VII.A.9. Comparaison entre le spectre expérimental et le modèle CTR
VII.A.10. Signal incohérent
VII.A.11. Conclusions sur le modèle CTR
VII.B. Modèle de re-circulation électronique dans la cible
VII.B.1. Estimation de la durée d’émission
VII.B.2. Estimation du coefficient de réflexion R
VII.B.3. Estimation du nombre des allers-retours
VII.B.4. Discussion sur la conservation du contraste des paquets
VII.C. Discussion sur le plasma créé par les électrons
VII.D. Modèle qualitatif généralisé, confrontant les différentes types d’analyses
Chapitre VIII – Conclusions et perspectives
Annexe 1 – Rayonnement de transition
A1.I. Rayonnement de transition optique produit à la traversée d’une lame mince sous incidence quelconque
A1.II. Le rayonnement de transition produit lors de la traversée d’un milieu épais
A1.III. La permittivité électrique ε(ω) de l’aluminium
A1.IV. Dépendance angulaire et spectrale en incidence normale
A1.V. Comportement asymptotique
A1.VI. L’incidence oblique
Annexe 2 – Rayonnement émis par des charges accélérés
A2.I. Rayonnement Bremsstrahlung
A2.II. Rayonnement émis par une charge en mouvement aléatoire relativiste
A2.III. Spectre émis par une particule relativiste pendant un mouvement aléatoire (analogue au cas circulaire)
Annexe 3 – Calibration Andor + Triax
A3.I. Etalonnage en longueur d’onde
A3.II. L’élargissement spectral induit par le spectromètre
A3.III. Calibration en absolue de la caméra Andor
a) calibration avec un laser HeNe
b) calibration avec une lampe blanche
Annexe 4 – Calcul détaillé de l’énergie CTR cohérente émise par les électrons
A4.I. Calcul du courant ( ) ~jt
A4.II. Importance des électrons énergétiques
A4.III. Le recouvrement partiel des paquets
A4.IV. L’effet des 2 types des paquets
A4.V. Limite du CTR pour une cible extrêmement mince
Annexe 5 – Rayonnement du corps noir
Annexe 6 – Ré-circulation des électrons
A6.I. Discussion sur la déformation du courant j(t)
A6.II. Courant d’un paquet de largeur temporelle τ ∼ TL/10
A6.III. Courant correspondant à plusieurs paquets périodiques
Bibliographie