Génération d’une onde polarisée orthogonalement dans des cristaux non linéaires
Dans le cadre de l’étude de phénomènes non linéaires d’ordre trois modifiant la polarisation d’une onde pour l’application au filtrage d’impulsions ultra-brèves, le chapitre 3 a montré les limites de la rotation de polarisation elliptique par biréfringence induite dans l’air. Nous nous intéressons donc désormais à la génération d’une onde polarisée orthogonalement (XPW pour cross-polarized wave) à partir d’une onde de polarisation linéaire se propageant dans un cristal. La première mise en évidence expérimentale de cette conversion a été réalisée dans un cristal de β-borate de baryum (BBO) [4.1]. Dans ce cas, la génération de polarisation croisée résulte d’une cascade d’effets non linéaires du deuxième ordre, équivalente à un effet du troisième ordre. Le rendement de transmission est alors très faible pour des impulsions à spectre large, en raison de l’accord de phase nécessaire. Nous allons nous consacrer au phénomène de génération de polarisation croisée gouverné directement par la partie réelle de la susceptibilité non linéaire du troisième ordre de matériaux cristallins, tels que le vanadate d’yttrium (YVO4) [4.2] ou encore le fluorure de baryum (BaF2). Les résultats présentés dans ce chapitre et les suivants font l’objet d’une collaboration active avec Nikolaï Minkovski, Stoïan Kourtev et Solomon Saltiel de l’Université de Sofia, en Bulgarie. Ce chapitre s’organise de la manière suivante : j’expose d’abord les fondements théoriques du processus, ainsi que quelques résultats expérimentaux préliminaires. Ensuite, en vue de l’application au filtrage temporel, je développerai deux points particulièrement importants : l’efficacité de conversion du processus et l’amélioration du contraste attendue.
Introduction au processus de génération de polarisation croisée
Dans ce paragraphe, nous proposons un modèle plus simple, qui permet de comprendre les comportements observés numériquement et expérimentalement. Ce modèle a été amplement développé par Minkovski et al. [4.3]. La polarisation incidente sur le cristal est linéaire et se propage le long de l’axe z du cristal, axe de symétrie d’ordre 4. Le cristal est caractérisé par ses axes (xyz), qui définissent le repère de calcul. Soit β l’angle entre l’axe x et la direction de polarisation incidente (fig. 4.1). Soient A et B les amplitudes respectives du champ fondamental et du champ généré avec une polarisation croisée (XPW) pendant l’interaction. Le calcul est effectué pour des ondes planes, dans le cadre de l’approximation de l’enveloppe lentement variable. En prenant en compte uniquement l’automodulation de phase sur la polarisation d’entrée et le transfert d’énergie de A vers B, sans déplétion du champ fondamental (B<A), le système d’équations décrivant l’évolution des champs A et B s’écrit :
Les effets d’automodulation de la phase du faisceau initial et de génération de polarisation croisée dépendent tous deux de σ et de l’angle β, mais dans des proportions différentes. Pour une meilleure lisibilité des équations, nous posons : L’orientation du cristal est modifiée en tournant celui-ci dans le plan perpendiculaire à la direction de propagation. La figure 4.2 représente l’évolution théorique du rendement XPW en fonction de β, à basse intensité incidente (a) et haute intensité (b). Notons que pour les longueurs de matériau considérées (L vaut quelques millimètres), le régime significatif d’intensité crête incidente sur le cristal pour la génération de polarisation croisée est de La raison de cette évolution périodique, toujours en considérant des ondes planes, est l’accumulation de différence de phase non linéaire entre les deux ondes qui empêche l’amplification cohérente du signal XPW tout au long du cristal. Avant de détailler les critères qui régissent le choix du cristal, précisons que les valeurs d’anisotropie de la susceptibilité non linéaire d’ordre trois de matériaux sont relativement peu répandues dans la littérature. La liste des cristaux cités par la suite est donc non exhaustive. Notons qu’une manière expérimentale d’accéder à cette valeur est le protocole expérimental « Z-scan », utilisé généralement pour déterminer la valeur de l’indice non linéaire [4.4, 4.5].