GENERALITES SUR LES TRYPANOSOMOSES
Les trypanosomoses sont des affections parasitaires provoquées par des protozoaires appartenant à la famille des Trypanosomatidae et au genre Trypanosoma, qui se multiplient dans le plasma sanguin, la lymphe et divers tissus, dont le muscle cardiaque et le liquide céphalo-rachidien des mammifères. Ce sont des maladies infectieuses, inoculables, non contagieuses, transmissibles par les insectes hématophages à l’exception de la dourine (trypanosomose du cheval qui se transmet exclusivement par coït). Ces parasites se rencontrent dans de nombreuses espèces animales mais ils semblent n’être pathogènes que pour les mammifères y compris l’homme (Finelle, 1983). La glossine constitue le principal vecteur biologique de la trypanosomose animale et humaine (maladie de sommeil).
Importance
Importance économique
Les trypanosomoses provoquent la mort d’environ 3 millions de bovins et, chaque année, les éleveurs africains administrent 35 millions de doses de trypanocides pour prévenir ou guérir ces maladies. Les estimations situent les pertes économiques annuelles dues aux trypanosomoses entre 3 et 5 milliards US$ (Minjauw & McLeod, 2001). Les trypanosomoses sont particulièrement graves dans les pays les plus pauvres; sur les 36 pays infestés par les tsé-tsé, 32 ont un revenu par habitant inférieur à 1 US$ par jour. Le coût du traitement chez l’homme est estimé à environ 38,5 millions de dollars U.S. (Pangui, 2001). Dans le domaine de l’élevage, les glossines constituent un des principaux facteurs limitants en Afrique sub-saharienne, en gênant ou en empêchant les productions animales sur près de 7 à 8 millions de km² qui offrent pourtant les plus fortes potentialités fourragères et agricoles. En effet, dans toute cette zone, et en particulier celle des Niayes infestée par les glossines, les pertes directes (amaigrissement, avortement, retard de croissance, chute de la production de lait, etc.) et indirectes (travail, capital, développement, revenus, etc.) enregistrées à l’échelle du troupeau sont importantes, bien que variables selon l’état de trypanotolérance des animaux. La production de viande peut être diminuée de 30%, celle de lait de 40% et la puissance de travail réduite au tiers (Swallow, 1998).
Importance médicale
Les trypanosomoses provoquent la mort des animaux si elles ne sont pas soignées. On évalue à 500000 le nombre de cas de maladie du sommeil et 100000 décès par an. Les trypanosomoses provoquent la mort d’environ 3 millions de bovins et, chaque année, les éleveurs africains administrent 35 millions de doses de trypanocides pour prévenir ou guérir ces maladies (Minjauw & McLeod, 2001).
Importance hygiénique
Les trypanosomoses demeurent un problème préoccupant de santé publique et de développement socio-économique en Afrique sub-saharienne, où elles affectent la santé humaine et animale, réduisent l’utilisation des terres et engendrent de plus en plus de pauvreté. L’OMS estime qu’il y a en Afrique 60 millions de personnes soumises au risque de maladie du sommeil. Depuis 1995, la recrudescence est telle que les estimations sont de l’ordre de 300000 cas avec 40000 nouveaux cas chaque année. La situation est dramatique en particulier dans les pays déstabilisés, où les systèmes médicaux sont désorganisés. Le seul Angola compterait entre 80000 et 120000 cas (de La Rocque & Cuisance, 2005).
Epidémiologie et répartition géographique
La trypanosomose sévit dans la plupart des régions tropicales, dont le Sénégal où elle constitue un obstacle majeur dans le développement de l’élevage (Finelle, 1983) surtout dans la zone des Niayes. Au Sénégal, dans l’aire occupée par les glossines, le bétail héberge une ou plusieurs espèces de trypanosomes : Trypanosoma congolense, Trypanosoma vivax, et Trypanosoma brucei (Touré, 1972). Dans la zone des Niayes, la prévalence de Trypanosoma vivax et Trypanosoma brucei brucei est plus élevée à Kayar et à Pout qu’à Tassette, et moins importante à Kayar qu’à Pout où l’incidence annuelle a atteint 86%. A ces études s’ajoutent des analyses sanguines montrant des séroprévalences trypanosomiennes chez le bétail de l’ordre de 28,68% (T. vivax) et 4,36% (T. congolense) avec une prévalence chez les jeunes bovins (< 3ans) trois fois supérieure pour les deux espèces dans les zones infestées par les glossines (Seck et al., 2010). Par ailleurs, cette distribution trypanosomienne est en parfaite corrélation avec la répartition des glossines dans les Niayes (Seck et al., 2010). Cela prouve que la présence des glossines est synonyme de celle de la trypanosomose. Ainsi, selon Desquesnes (2003), les trypanosomoses typiquement africaines sont enzootiques à l’intérieur de l’aire de distribution des glossines. La prévalence des infections est particulièrement élevée chez les bovins (supérieure à 70%), les adultes sont régulièrement infectés, tandis que les jeunes s’infectent entre 6 mois et 2 ans. Par ailleurs, la prévalence et l’incidence sont toujours plus élevées chez les bovins de races trypanosensibles (zébus : Bos indicus) que chez les animaux trypanotolérants (taurins : Bos taurus) exposés à la même «pression glossinienne» (Clausen et al., 1993). Chez les animaux exotiques provenant des pays du nord, le taux de prévalence parasitaire peut atteindre 100% si aucun traitement trypanocide n’est administré (Bengaly, 2003). Il faut aussi noter, que dans les régions où les trois trypanosomes pathogènes des bovins sont présents, T. congolense prédomine chez les adultes, mais sa prévalence est faible chez les jeunes animaux (Desquesnes et al., 1999).
Espèces affectées
La trypanosomose est une maladie qui frappe le bétail, mais aussi la faune de mammifères sauvages qui constitue un immense réservoir des trois principaux trypanosomes (T. congolense, T. vivax et T. brucei) (Kouato Souley, 2005). Les ruminants domestiques et sauvages sont sensibles à T. vivax, T. congolense, T. brucei, T. evensi. Les porcins sont peu sensibles à T. brucei, T. vivax, et T. congolense surtout T. simiae (Afrique tropicale) et T. suis. Les carnivores (chiens) sont sensibles à T. brucei et T. congolense. Les primates et l’homme sont réfractaires à T. congolense, T. brucei, T. vivax, T. evansi mais sont sensibles aux T. brucei gambiense et T. brucei rhodesiense. 2.5. Agents responsables On distingue classiquement : – les affections dues aux trypanosomes typiquement africains (T. vivax ; T. uniforme ; T. congolense ; T. simiae ; T. brucei ; T. suis), qui sont tous transmis cycliquement par des glossines ; ce groupe de maladies est rassemblé sous le terme général de Nagana ; – le Surras, trypanosomose des camélidés, des équidés et parfois des bovidés due à T. evansi qui est transmis par des insectes piqueurs (transmission mécanique) autres que les glossines (tabanidés ; stomoxes etc…) ; – la Dourine, trypanosomose contagieuse des équidés due à T. equiperdum transmise sexuellement (Kouato Souley, 2005). Ces espèces sont transmises par divers insectes hématophages (Muscidés, Tabanidés, Hippoboscidés, Reduviidés). Les plus importants de ces insectes sont, en Afrique, les glossines ou mouches tsé-tsé, qui constituent les vecteurs biologiques essentiels de ces parasites.
Les symptômes
La durée d’incubation varie d’une à quelques semaines et les principales manifestations cliniques sont : Des poussées fébriles caractérisées par une hyperthermie généralement concomitante à des accès parasitaires et la présence d’un très grand nombre de trypanosomes dans le sang détermine une élévation de température supérieure à 40°C. Des altérations sanguines avec anémie, c’est l’une des plus importantes manifestations pathologiques des trypanosomoses. D’origine multifactorielle, elle est essentiellement la conséquence d’une érytrophagocytose par des macrophages dont le nombre augmente au cours de l’infestation, et d’une hémolyse due à des substances élaborées par les trypanosomes. Des œdèmes, de la splénomégalie et des polyadénites ; la splénomégalie est presque toujours constante, mais plus ou moins prononcée suivant les espèces. Très forte chez le chien, elle est peu marquée chez les bovins et les caprins. Des troubles nerveux avec parésie des membres postérieurs, du pica et des troubles oculaires. De l’amaigrissement aboutissant à la cachexie et à la mort par épuisement. L’amaigrissement est un symptôme presque constant à une période avancée de la maladie. On note parfois de la diarrhée qui peut vider l’animal (C.I.P.S.A.T., 2000). Selon Murray (1983), au fur et à mesure que l’anémie devient plus sévère, la condition physique de l’animal se détériore graduellement. Les plus sévèrement atteints trainent à l’arrière du troupeau. Ils apparaissent affaiblis, léthargiques, la robe est terne, le poil piqué, et l’aspect général est ramassé. Le bétail meurt de défaillance cardiaque congestive, conséquence probable d’une combinaison d’anémie et de myocardite. Parmi les survivants, beaucoup restent improductifs et la croissance des jeunes est souvent arrêtée. La fertilité des adultes peut être diminuée. Les vaches pleines avortent parfois, même si les veaux arrivent à terme, ils sont souvent petits et faibles. Selon Itard (2000), dans les formes suraiguës, le premier accès (4 à 6 jours), est mortel. Dans les formes aigues, on observe plusieurs accès de 3 à 6 jours séparés par des rémissions de 6 à 8 jours. Dans les formes chroniques, les accès sont légers, séparés par de longues périodes d’apyrexie, mais en l’absence de traitement, la mort survient en quelques mois dans la cachexie. Des avortements et tarissements de la sécrétion lactée sont souvent constatés chez la femelle dans la forme chronique.
Les lésions
Selon (Kouato Souley, 2005), on distingue : – des lésions générales qui sont celles de l’anémie et de la cachexie surtout observées dans les formes chroniques. Dans les formes aiguës, on a des phénomènes congestifs et hémorragiques sous forme de pétéchies et d’ecchymoses diffuses. – des lésions locales qui intéressent presque tous les organes. On note une hypertrophie ganglionnaire se présentant sous la forme d’une hyperplasie réticulaire avec des nodules hémorragiques. Au niveau du foie et de la rate, on a une hépato-splénomégalie. Des lésions de myocardite avec des foyers de nécrose sont également décrites. Les poumons, le foie, les reins, le cœur sont infiltrés par des macrophages, des neutrophiles ou des lymphocytes. Les lésions de la moelle osseuse se caractérisent par une hypertrophie du tissu érythropoïétique et une prolifération des globules rouges. Les lésions oculaires sous formes de kératite, d’uvéite et parfois de conjonctivite purulente sont également fréquentes. Il n’existe donc pas de lésions caractéristiques de la trypanosomose et ces lésions sont en général de type inflammatoire, souvent accompagnées de phénomènes de dégénérescence et de nécrose. Dans les cas de trypanosomoses, il n’existe pas de lésions pathognomoniques. Les lésions constatées à l’autopsie, chez des animaux morts de trypanosomoses, n’ont, de même que les symptômes constatés chez l’animal vivant, rien de bien spécifique. Elles seront plus ou moins accusées suivant la durée d’évolution de la maladie et de l’espèce animale affectée (C.I.P.S.A.T., 2000).