GENERALITES SUR LES TRYPANOSOMES ET LEURS VECTEURS
Les trypanosomes sont des protozoaires flagellés, qui prolifèrent dans le sang, dans d’autres liquides et tissus de l’organisme de l’hôte. Ils sont principalement transmis par des insectes piqueurs, vecteurs à transmission cyclique (glossines) ou mécanique (tabanidés, stomoxes etc.). Les trypanosomes appartiennent à la famille des Trypanosomatidae qui comporte plusieurs genres de parasites (Kouato Souley, 2005). Ce sont des parasites obligatoires ayant le plus souvent deux hôtes : – un hôte vertébré, chez qui ils se multiplient dans les liquides physiologiques, le sang en particulier ; – un hôte invertébré, généralement un insecte piqueur, où ils vivent dans le tractus digestif.
Systématique
Les trypanosomes sont des protozoaires flagellés, dont la position taxonomique proposée par Hoareoare (1992) est la suivante : – Embranchement des Sarcomastigophora HONIGBERG et BALMUTH,1963 – Classe des Zoomastigophora CAKINS, 1909 – Ordre des Kinetoplastida HONIGBËRG, 1963 – Famille des Trypanosomatidae KENT, 1880 – Genre Trypanosoma GRUBY,1843 Le genre Trypanosoma regroupe en son sein deux groupes à savoir Stercoraria et Salivaria. C’est au niveau de ce dernier, qui renferme quatre sous-genres que l’on rencontre les espèces vivax, uniforme, congolense, brucei (Desquesnes, 2003). Figure 1: Exemples de différentes espèces de Trypanosoma avec de gauche à droite : T. brucei, T. congolense (souche EATRO 1125, sang de souris, CIRAD-ORSTOM) et T. vivax (prélevé d’un taurin au Lac Tchad par D. Cuisance) Les trypanosomes sont des parasites unicellulaires, microscopiques, de forme allongée, dont la locomotion est assurée par un seul flagelle dirigé vers l’avant, près de la base duquel se trouve une structure particulière, le kinétoplaste.
Reproduction
Les Trypanosomatidae se reproduisent par division asexuée. Cette division débute par la formation d’un nouveau flagelle à proximité de l’ancien. Le Kinétoplaste se divise ensuite par bipartition, en s’allongeant, puis en se déprimant dans sa partie médiane et en se séparant enfin en deux parties distinctes. La bipartition du Kinétoplaste est suivie par la division du noyau tandis que le nouveau flagelle continue de croître. Les modalités suivant lesquelles s’effectue la division du noyau sont encore mal connues. La division du cytoplasme ne se produit pas toujours de façon complète (Itard, 2000). Les trypanosomes pathogènes d’Afrique se reproduisent indéfiniment par bipartition, sous forme trypomastigote. La multiplication est favorisée par des polyamines (putrescine, cadavérine, spermidine…) fixées sur les ribosomes et le kinétoplaste des parasites (Taigue, 1994).
Modalité d’évolution et de transmission
Les glossines sont des insectes piqueurs et hématophages. Mâles et femelles s’infestent en absorbant le sang d’hommes ou d’animaux sauvages malades. Les parasites alors ingérés se multiplient dans l’intestin de l’insecte et subissent une évolution cyclique (quelques-uns seulement arrivent péniblement à remonter le tube digestif à contre-courant jusqu’aux glandes salivaires où ils terminent leur évolution. A ce moment, la mouche est devenue infestante et le reste tout au long de sa brève existence (quatre à six mois). Un nouveau repas sanguin, nécessaire tous les deux jours et pendant lequel la mouche absorbe une à deux fois son poids de sang, est alors l’occasion de contaminer l’homme ou l’animal. Les autres modes de transmission de la maladie sont exceptionnels. Selon Desquesnes & Bouyer (2005), les glossines ne sont pas seules à pouvoir transmettre les trypanosomes. En Afrique ou sur d’autres continents, d’autres insectes piqueurs peuvent, lorsque leur repas sanguin est interrompu par les mouvements de défense de leur hôte, transmettre une petite quantité de sang contaminé à un deuxième hôte, lorsqu’ils reprennent leur repas sur ce dernier. Ainsi, les tabanides (taons) et les stomoxes sont des vecteurs mécaniques de Trypanosoma vivax en Amérique Latine et de T. evansi en Amérique latine et en Asie. Ils sont vecteurs d’autres maladies.
LES VECTEURS BIOLOGIQUES/ LES GLOSSINES
Les glossines constituent les principaux vecteurs des trypanosomoses animale et humaine (maladie du sommeil). Ce sont des diptères brachycères hématophages. Leur présence est presque synonyme de la trypanosomose (Bance, 2003). Selon Itard (2000), les trypanosomes se multiplient intensément chez ces vecteurs en y accomplissant un cycle évolutif complet. Les glossines infestées sont ainsi capables de transmettre, pendant toute la durée de leur vie, de grandes quantités de trypanosomes. A l’exception de T. equiperdum, tous les trypanosomes des mammifères sont des parasites dixènes, dont la transmission à l’hôte définitif est réalisée par un insecte hématophage. A côté des glossines qui sont les vecteurs biologiques, les vecteurs mécaniques les plus fréquemment incriminés sont des tabanidés et des stomoxyinés, plus rarement des hippoboscidés.
Historique
En Afrique, la présence de la maladie du sommeil est attestée depuis le XIV e siècle. Ce n’est pourtant qu’au début du XXe siècle, en 1902 et 1903, que Sir David Bruce découvre l’agent parasitaire de cette affection, auquel il laisse son nom : le trypanosome de Bruce (Trypanosoma brucei), et en 1910 qu’il identifie avec précision son insecte vecteur, la mouche Glossina palpalis. Le mot « tsé-tsé », utilisé par les africains des populations Matabélé, du fait de leur bruit en vol, fut adopté par le célèbre chasseur A. Gordon Cumming (1850) pour désigner une glossine de savane (Glossina morsitans morsitans Westwood) qui décimait en Afrique australe les chevaux et les bœufs de son expédition. Le mot fut ensuite popularisé pour nommer l’ensemble des 31 espèces et sousespèces de glossines qui occupent presque un tiers de l’Afrique. La première description des mouches tsé-tsé a été publiée en 1830, mais celles-ci sont connues depuis l’antiquité. La relation mouche tsé-tsé et trypanosomose a été soupçonnée dès 1879. Bruce & Zoulouland (1895) découvrent l’agent causal du nagana et établissent le rôle vecteur de G. morsitans. Dutton & Forde (1902) découvrent des trypanosomes dans le sang et Castellani (1902) dans le liquide céphalo-rachidien. Bruce & Nabarro (1903) démontrent que les trypanosomes de l’homme sont transmis par les glossines et de 1905 à 1907, Gray, Tulloh, Koch, Stulman montrent qu’ils se multiplient dans leur intestin. Roubaud (1906) trouve des trypanosomes dans les glandes salivaires de ces insectes. Il y a eu trois épidémies graves en Afrique au cours du dernier siècle. La première, entre 1896 et 1906, atteint surtout l’Ouganda et le bassin du Congo. Une deuxième sévit à partir de 1920 dans plusieurs pays africains. Elle est arrêtée par des équipes mobiles qui examinent systématiquement des millions de personnes en danger. La maladie ayant presque disparu entre 1960 et 1965, le dépistage et la surveillance se relâchent après le départ des autorités coloniales ; et en 1970, éclate la troisième grande épidémie. Depuis, la maladie n’a cessé de progresser sous forme endémique dans plusieurs foyers. Pendant les années suivantes, paraissent de nombreuses études sur la biologie des glossines, leur écologie, leur rôle dans la transmission des trypanosomes, les méthodes de lutte, etc. (Itard, 1981).
Répartition géographique
Les glossines sont exclusivement des mouches africaines et continentales. Les 31 espèces et sous-espèces se répartissent dans les différents écotypes depuis le sud du Sahara jusqu’au nord de l’Afrique du Sud (de La Rocque & Cuisance, 2005). La mouche tsé-tsé se rencontre dans les zones humides où elle rend l’élevage très difficile malgré l’abondance des ressources fourragères et hydriques. Les glossines sont en revanche, les vrais vecteurs des trypanosomes typiquement africains car elles sont strictement limitées au continent africain, au sud du Sahara et jusqu’à 20° latitude Sud et à l’exception de Madagascar (Rodhain & Perez, 1985). Les tsé-tsé infestent près de dix millions de km² en Afrique au sud du Sahara, depuis le Sénégal jusqu’en Ethiopie au nord et de l’Angola à l’Afrique du sud au sud. Dans la répartition générale des glossines en Afrique occidentale, le Sénégal occupe une position extrême, en ce sens qu’il correspond au pays le plus septentrional qui héberge des tsé-tsé (Touré, 1979). La distribution des glossines y est connue. Seule une partie du Sénégal, celle située au sud, est occupée par les glossines sur les étendues assez grandes et sans discontinuités. Plus au nord et jusqu’au 15ème parallèle, les colonies de glossine sont résiduelles, d’extension limitée, plus ou moins isolées. Sur une superficie de 196000 km² que compte le Sénégal, les glossines en occupent environ 70000 km² soit 36% du territoire.