GÉNÉRALITÉS SUR LES PHANÉROGAMES (herbiers)
Biologie des phanérogames
Les herbiers de phanérogames sont parmi les écosystèmes les plus productifs du milieu marin(McRoy & Helfferich, 1977 ; Van Tussenbroek, 1998 ; Mc Agostini et al., 2003 ; Hily, 2003 ;Martinez-Daranas et al., 2005 ; Duffy, 2006). Il s’agit d’un groupe fonctionnel comprenant une soixantaine d’espèces de plantes à fleurs vivant en mer. D’après Kuo & Den Hartog (2000), elles constituent un groupe écologique formé par un petit nombre de familles et d’espèces Les phanérogames marines sont des angiospermes monocotylédones continentales, retournées à la fin du secondaire (il y a environ 120 millions d’années) au milieu marin (Kuo & Den Hartog,2000). Comme les « plantes herbacées » terrestres dont elles sont voisines, elles possèdent un système foliaire dressé, porté par des tiges prostrées ou rhizomes. Par opposition aux autres végétaux immergés, elles fleurissent, donnent des fruits et produisent des graines. Elles disposent également d’un véritable système racinaire et d’un système interne de vaisseaux pour le transport des gaz et des nutriments. Ces phanérogames sont les seules adaptées à la vie en immersion permanente. Elles se distinguent des algues par leur système racinaire bien développé. Elles possèdent des rhizomes et des racines pour s’ancrer au sédiment et permettre l’accomplissement de toutes les phases de leur cycle de reproduction ainsi que leur développement et leur aptitude à la pollinisation sous l’eau. Elles sont regroupées en 05 familles principales dont trois sont répertoriés sur les côtes africaines : les Asteraceae, les Cymodoceaceae et les hydrocharitaceae(den Hartog and Kuo, 2006).Les herbiers font partie des écosystèmes côtiers infralittoraux constituant un habitat ou un abri et fournissant la nourriture à divers organismes marins. Leur croissance est étroitement contrôlée par les facteurs abiotiques tels que la lumière, la température et les nutriments. La température optimale de croissance des espèces tempérées est entre 11.5°C et 26°C tandis que celle des espèces tropicales et subtropicales varie entre 23°C et 32°C.
– Cymodocea nodosa est l’une des espèces de Magnoliophytes les plus communes et les plus abondantes en méditerranée et le long des parties nord de la côte atlantique de l’Afrique.Les herbiers à Cymodocea nodosa et Zostera Noltii ont un rôle de stabilisateur des sédiments; ils pourraient même être fixateurs d’azote, du fait de l’existence dans la rhizosphère de bactéries anaérobies. (Cissé 2014)- L’herbier intertidal à Zostera Noltii peut fixer le CO2 atmosphérique pendant la marée basse mais la dessiccation des feuilles peut significativement réduire ce phénomène. Les Épiphytes associés aux Magnoliophytes sont considérés comme une composante intégrale de l’écosystème de ces herbiers.Z. Noltii apparaît souvent associée dans certaines zones à C. nodosa.- Posidonia oceanica Posidonia cretacea semble être l’espèce la plus ancienne. C’est à partir du tertiaire (il y a environ 60 millions d’années), que les posidonies semblent avoir envahi les mers et y jouent un rôle considérable. Les posidonies appartiennent à la famille des Posidoniaceae, famille exclusivement marine et qui ne contient que le genre Posidonia (Kuo & Den Hartog, 2000). On Connaît actuellement 9 espèces de posidonies: P. angustifolia, P. australis, P. sinuosa, P.coriacea, P. den hartog ii, P. kirkman ii, P. ostenfeldii, P. robertson et P. oceanica. Seule cette dernière espèce est présente en Méditerranée (Figure 3).Une terminologie commune est généralement utilisée pour décrire les parties et les assemblages qu’elles forment: plusieurs feuilles sont regroupées pour former un plant. À sa base, le plan présente un rhizome horizontal (reliant les plants entre eux) et un système racinaire ; l’ensemble(rhizome) formant la rhizosphère. Un ensemble de plantes définit une canopée. La hauteur de la canopée est un paramètre important pour l’évaluation de l’impact de la végétation sur l’écoulement (Koch et al., 2006b). Un herbier correspond à une zone colonisée par la végétation.La répartition spatiale d’un herbier peut être continue ou former des glossaires.Toutes les phanérogames marines ont en commun un ensemble de caractéristiques (Kuo & Den Hartog, 2000), telles que : – être capable de vivre totalement émergées (e.g. absence de stomates au sein des tissus foliaires), – disposer d’un système de fixation au sédiment efficace, – être adapté à la vie en milieu salé, – disposer d’un système de pollinisation hydrophile (pollen transporté par l’eau), – être capable de concurrencer avec succès, d’autres végétaux marins (tels que les algues).Contrairement aux macros algues, dont les morphologies sont très variables, les phanérogames sont toutes bâties selon le même modèle : racines – tiges – feuilles (cf. figure n°4) :des racines qui puisent dans le sol l’eau et les nutriments dissous (sels minéraux),des tiges horizontales et/ou verticales (rhizomes), enfouies ou à la surface du sédiment,des feuilles qui assurent la fonction photosynthétique.Les phanérogames marines exercent de nombreuses fonctions biologiques. On sait qu’elles jouent un rôle dans la gestion des stocks de poissons en milieu côtier et constituent un lieu de nurseries, d’abris et de nourriture pour de très nombreuses espèces animales (Boudouresque & Meinesz, 1982). En régulant l’hydrodynamisme, les herbiers contribuent au maintien des équilibres littoraux (Clarke & Kirkman, 1989).
Les menaces sur les phanérogames marines
Les phanérogames marines sont sensibles à de nombreux facteurs environnementaux contrôlant leur développement et leur répartition. Il s’agit de la dégradation écologique des habitats due à l’augmentation de la population sur les côtes et du changement climatique. Les multiples pressions anthropiques subies par ces herbiers entraînent la perturbation de l’évolution de ces écosystèmes dans le temps et dans l’espace. En rapport à ces perturbations, un déclin à l’échelle globale est signalé dans de nombreuses études (Short and Wyllie-Echeverria, 1996 ; Green and Short, 2003 ; Orth et al., 2006 ; Walker et al., 2006 ; Waycott et al., 2009). Ce déclin, en accélération ces 20 dernières années (Waycott et al., 2009), concerne une surface de 33 000 km 2 qui correspond à 18 % de la surface totale occupée par les phanérogames en mer (Green and Short, 2003). Selon Short and Wyllie-Echeverria (1996), ces chiffres sont basés sur une extrapolation des pertes de surfaces décrites dans la littérature et restent à être confirmés.Les facteurs environnementaux (dragage, migration de dunes, eutrophisation, hausse du niveau marin, hausse des températures), biologiques (maladie, broutage, bioturbation, marée noire), et les évènements climatiques extrêmes (vagues de chaleur, pulses de turbidité) ont été identifiés comme les principales causes du déclin des herbiers dans les régions tempérées et tropicales(Giessen et al., 1990 ; Figueiredo da Silva et al., 2004 ; Bernard et al., 2005 ; Orth et al., 2006 ;Ralph et al., 2006 ; Bernard et al., 2007 ; Waycott et al., 2009).Aujourd’hui le littoral est considéré comme un « éco-socio système » c’est-à -dire un système complexe où s’imbriquent environnement naturel et activités humaines, ceci s’expliquera dans la description de la zone d’étude. Zone de contact entre ciel, terre et mer, mosaïque d’écosystèmes terrestres et aquatiques, le littoral apparaît comme une zone d’autant plus fragile et convoitée,que la frange côtière est étroite et reste le site privilégié de nombreuses activités économiques(ex: urbanisation, pêche, aquaculture, plaisance, activités touristiques). La coexistence de ces différentes activités, souvent peu compatibles entre elles, est source de multiples nuisances et conflits d’intérêts. Elles perturbent le fonctionnement et la stabilité des écosystèmes littoraux et notamment, des herbiers de phanérogames marines, et hypothèquent fortement leur futur maintien. Or, les herbiers apparaissent comme des formations végétales clés, en termes de biodiversité, à l’échelle de la planète.Avec le développement des activités humaines le long du littoral ces dernières décennies, les écosystèmes côtiers sont soumis à des pressions anthropiques, qui s’ajoutent aux pressions naturelles existantes. (Laborel-Deguen & Laborel, 2000 ; Pergent-Martini et al., 2005).
Causes de destruction des herbiers de phanérogames marines
La disparition des espèces, par mortalité des individus, peut être due à une multitude de causes(directes ou indirectes) et d’importance variable. De par leurs localisations à faible profondeur et en bordure des côtes, les herbiers de Phanérogames marines sont parmi les écosystèmes les plus menacés par l’action de l’homme. Aux perturbations naturelles s’ajoutent celles d’origine anthropique.
Les causes directes
Les causes directes sont généralement faciles à mettre en évidence et n’affectent, le plus souvent,que des secteurs localisés du littoral. Largement décrites dans la littérature, elles sont succinctement rappelées. Les Causes directes consistent en l’arrachage des plantes par des engins de pêche ou des mouillages de bateaux ou la destruction des faisceaux par utilisation d’explosifs (ex: pêche à la grenade).L’utilisation de chaluts de fond ou d’arts traînants constitue la principale menace directe sur les herbiers. En effet, bien que la législation dans certains pays interdise l’utilisation de ces engins sur les fonds de moins de 50 m ou à proximité des côtes, ils n’en restent pas moins utilisés(Relini, 1992 in Boudouresque, 1996).Le mouillage des bateaux peut aussi engendrer des nuisances sur les herbiers. Les mouillages sont de plusieurs types (ex: ancres, corps morts isolés et chaînes mères, corps morts et pontons flottants). L’immersion de corps morts s’accompagne de l’arrachage de faisceaux, et peut provoquer l’abrasion des mattes, des phénomènes d’affouillement au niveau des structures immergées et un remaniement du substrat (Porcher, 1984). Les ancres des bateaux génèrent des phénomènes similaires, bien que plus réduits. Néanmoins, Francour et al. (1999) montrent que chaque ancrage provoque l’arrachage de 20 faisceaux en moyenne, ce qui n’est pas sans conséquences dans les secteurs où l’on assiste à une sur-fréquentation touristique en période estivale. Enfin les destructions, liées à l’utilisation d’engins explosifs dans le cadre des activités de pêche, semblent aujourd’hui anecdotiques. En effet, ces pratiques sont interdites par toutes les législations nationales en raison de leurs conséquences sur les stocks et l’environnement(Boudouresque, 1996) et, lorsqu’elles continuent d’être pratiquées, elles n’affectent que de petites surfaces (généralement moins d’un hectare ; Pasqualini et al., 1999).
Les causes indirectes
Toute introduction de substance, de matière solide ou liquide, de polluants solides ou liquides dans le milieu marin peut constituer une cause indirecte de mortalité des herbiers, dans la mesure où elle modifie les paramètres chimiques, physiques ou biologiques du milieu. Ainsi (i) la modification du régime courantologique ou rhéologique des masses d’eau lors d’aménagements littoraux, (ii) le déversement de substances diverses (ex: nutriments, détergents, pesticides,hydrocarbures, métaux-traces) par les fleuves, le lessivage des sols, ou les rejets côtiers, (iii)l’apport de particules sédimentaires lors de constructions sur le domaine maritime, engraissement des plages, ou par action de l’érosion, et (iv) l’introduction d’espèces nouvelles (ex:microorganismes, virus, bactéries, espèces invasives) peuvent constituer une menace réelle pour les phanérogames marines. Néanmoins, la relation de cause à effet reste souvent difficile à démontrer, et ce, d’autant que la zone géographique affectée peut être étendue, et que chacun des facteurs, pris isolément, n’engendre pas de mortalité, mais seulement une diminution de la vitalité des individus. Ce n’est souvent que la conjonction de plusieurs de ces facteurs qui, en augmentant la vulnérabilité des individus, finit par provoquer des mortalités importantes. En Tenant compte de l’ensemble des observations menées, à l’échelon du bassin méditerranéen, il semble possible d’énoncer quelques principes :
Concernant la température
Le rejet d’eau réchauffée peut entraîner une modification de la température de l’eau de mer, qui peut constituer une menace pour les organismes. Cependant, aucune preuve probante n’a été apportée, à ce jour, quant à la nuisance réelle d’une forte différence de température ; au contraire,des variations de 20°C ont été enregistrées pour P. oceanica (Augier et al., 1980) sans que cela semble altérer la vitalité de la plante.
Concernant la salinité
Un rejet d’eau douce (ex: fleuves, émissaires urbains) dans le milieu marin modifie, tout au moins à proximité du point de rejet, la salinité du milieu.
Concernant la turbidité
L’augmentation de la turbidité des eaux apparaît souvent comme un facteur aggravant qui vient s’ajouter à une autre perturbation, telle qu’un apport en nutriments, en sédiment ou en substances toxiques. C’est sans doute l’un des paramètres majeurs de la régression des herbiers, tout au moins au niveau de leur limite inférieure. En effet toute augmentation de la teneur en particules dissoutes provoque une modification quantitative et qualitative de la lumière (phénomènes d’absorption et de réflexion), qui affectent la photosynthèse et peut provoquer une remontée dela position de la limite inférieure (voir synthèse in Pérès & Picard, 1975; Peres, 1984).
Concernant les apports en nutriments
Les apports de sels nutritifs sont un phénomène normal et nécessaire. Cependant l’augmentation générale de ces apports depuis quelques décennies (Bethoux et al., 1990 in Boudouresque,1996), dans un milieu généralement considéré comme oligotrophe, n’est pas sans conséquence.En effet, cet enrichissement profite, en premier lieu aux organismes planctoniques, qui par leur développement massif peuvent réduire la transparence des eaux (ex: bloom phytoplanctonique).L’impact de cet enrichissement est ensuite différent d’une espèce de phanérogames à l’autre. Il semble que les espèces pionnières, comme C. nodosa, soient à même d’utiliser très rapidement ces sels nutritifs, qui sont souvent des facteurs limitant (ex: Phosphore), pour leur propre croissance (Perez et al., 1991). A L’inverse, chez les espèces climaciques, comme P. oceanica, on note un développement massif des épiphytes, qui entrent en compétition, vis-à-vis de la lumière avec la plante-hôte. Cette compétition peut se traduire par une diminution de la croissance foliaire, voire lorsque les apports nutritifs sont maintenus pendant plusieurs semaines, une mortalité des faisceaux. Plusieurs auteurs évoquent d’ailleurs ces développements massifs d’épiphytes pour expliquer la régression des herbiers dans les secteurs anthropisés (voir synthèse Shepherd et al., 1989)
Concernant les apports en polluants
(en hydrocarbures et en polluants toxiques)Les apports polluants résultent de l’existence des grands complexes industrialo-portuaires,pétrochimiques et des chantiers navals. Ils se traduisent soit par le rejet direct de déchets non traités, soit par l’introduction accidentelle de produits polluants ou de substances non toxiques mais dont la combinaison donne lieu à des éléments toxiques. Les expérimentations menées dans ce domaine concernent majoritairement P. oceanica et ont souvent conclu à une diminution de la vitalité de la plante que ce soit par des métaux-traces (voir synthèse in Pergent-Martini C Pergent, 2000), des déchets industriels (ex: phosphogypses; Darmoul et al.,1980) ou des détergents (Monnier-Besombes, 1983). Toutefois, il faut rappeler que nombres de mesures ont été réalisées en aquarium avec des concentrations supérieures à celles enregistrées dans le milieu naturel, et que la sensibilité aux polluants pris isolément, aux concentrations effectivement présentes dans la nature n’a pas été clairement démontrée, tout au moins en ce qui concerne P.oceanica (PNUE et al., 1990).
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