Généralités sur les néoplasies myéloprolifératives
Définition des néoplasies myéloprolifératives
Tout d’abord nous devons distinguer la leucémie myéloïde chronique avec chromosome de Philadelphie des autres néoplasies sans chromosome Philadelphie. Parmi les NMP Phi – nous identifions par ordre de fréquence la TE, la PV, la MFP et d’autres entités plus rares comprenant la leucémie à polynucléaires neutrophiles, la leucémie chronique à éosinophiles et les NMP inclassables. Le terme de NMP regroupe un ensemble de pathologies caractérisées par une prolifération excessive de précurseurs hématopoïétiques dans la moelle osseuse et par une production excessive de cellules sanguines matures.
En 2005, l’identification de la mutation JAK2 a fourni une base moléculaire commune à ces différentes maladies. Elles sont toutes caractérisées par l’acquisition d’une mutation au sein d’une cellule souche multipotente hématopoïétique ce qui aboutit à une prolifération clonale anormalement élevée de cellules myéloïdes. Les mutations acquises confèrent alors aux cellules mutées une indépendance et une hypersensibilité des progéniteurs vis à vis des cytokines. Trois mutations principales sont impliquées dans la physiopathologie de ces NMP : il s’agit des mutations du gène de la Janus kinase 2 (JAK2), du gène de la calréticuline (CALR), et du gène de la « myeloproliferative leukemia » (MPL). La principale mutation retrouvée en terme de fréquence est la mutation JAK2 V617F. La mutation au niveau de l’exon 12 JAK2 est retrouvée dans 2% des PV. 10 à 15% des TE et 5 à 10% des MFP ne présentent aucune de ces anomalies moléculaires et sont dits triples négatifs.niveau de la voie JAK/STAT. La protéine JAK2 est une protéine à activité tyrosine kinase de la famille JAK (Janus activated kinase) indispensable à la signalisation cellulaire des cytokines et aux facteurs de croissance comme l’EPO, responsable de la survie et de la prolifération cellulaire. Elle est constituée d’un domaine JH1 (JAK Homology domain 1) et d’un domaine JH2 (JAK Homology domain 2), JH2 étant le régulateur négatif de l’activité kinase de JH1. Le rôle de la protéine JAK2 est de permettre la stabilisation et l’ancrage à la surface cellulaire de trois récepteurs : EPO-R, MPL et G-CSF-R. La fixation des trois cytokines (EPO, TPO et G-CSF) à leurs récepteurs va entraîner l’activation de JAK2 par autophosphorylation et le recrutement de molécules de signalisation impliquées dans les voies STAT, MAPK et PI3K (1). Les voies STAT et MAPK sont impliquées dans la prolifération, la différenciation et la survie cellulaire. La voie PI3K, quant à elle, joue un rôle dans la survie et le contrôle du stress cellulaire. La régulation négative du signal s’effectue par auto-inhibition de JAK2 par le domaine appelé pseudo kinase, conduisant à la terminaison du signal et l’internalisation du récepteur. Ainsi toutes ces voies de signalisation sont susceptibles d’être impliquées dans la physiopathologie des NMP.
La mutation JAK2 V617F
Cette mutation acquise au niveau d’une cellule souche hématopoïétique résulte d’un changement d’une guanine en thymidine, entraînant la substitution d’une valine par une phénylalanine en position 617 dans le domaine pseudokinase JH2 de la protéine JAK2. Il en résulte une activation constitutive de la protéine JAK2, indépendamment de la liaison du facteur de croissance au récepteur (2). La mutation JAK2 V617F induit en l’absence de cytokine une activation des voies de signalisation en aval STAT5/3/1, MAPK et PI3K L’expression de JAK2 V617F dans les modèles murins a permis de prouver que la mutation JAK2 est suffisante pour induire un syndrome myéloprolifératif chez la souris et qu’elle a un caractère oncogénique. Certains auteurs ont démontré chez la souris que lorsque JAK2 V617F est exprimé à l’état homozygote, il existe un phénotype de type PV et à l’état hétérozygote un phénotype de type TE (5). personnes par an. Une récente étude (6) fournit les estimations d’incidences suivantes : PV de 0,4 à 2,8, TE de 0,38 à 1,7 et MFP de 0,1 à 1,0 pour 100 000 personnes par an. L’âge médian au diagnostic de la PV est de 65 ans, de 68 ans pour la TE et de 70 ans pour la MFP. Chez les patients non traités, la morbidité et la mortalité de la PV et de la TE sont principalement liées aux complications thrombotiques. Chez les patients traités, l’augmentation du risque de décès est liée au risque évolutif : transformation en myélofibrose secondaire, transformation en syndrome myélodysplasique (SMD) et leucémie aiguë myéloïde (LAM). Dans la PV, le risque de progression en MF secondaire a été reporté dans 9 à 21% des patients et la progression en LAM chez 3 à 10% des patients (7) (8). Les facteurs de risque de transformation inclus l’âge avancé et la leucocytose (9) (10). L’effet de la charge allélique JAK2 V617F sur l’évolution de la maladie n’est pas clairement établi (11). Dans la TE, la transformation en MF secondaire est plus faible de l’ordre de 3 à 4% des patients .