Généralités sur les nanocristaux colloïdaux de semi-conducteur
Définition et propriétés générales
Lorsque un matériau semi-conducteur est réduit à l’échelle nanométrique suivant au moins une dimension de l’espace, ses propriétés électroniques et optiques sont modifiées et dépendent alors fortement de leur taille par des effets de confinement quantique. Lorsque le confinement a lieu dans les trois directions de l’espace, nous les appelons des “quantum dots”, mais de façon générale nous parlerons de nanocristaux de semi-conducteur (confinement de 1D à 3D). Au laboratoire, nous nous intéressons uniquement aux nanocristaux colloïdaux en solution, par opposition aux nanocristaux de semi-conducteur formés par des méthodes physiques (par épitaxie ou lithographie) ou dans des matrices solides. Ces particules inorganiques cristallines sont recouvertes à leur surface d’une couche de ligands organiques qui assure la stabilité de la particule en solution (voir figure I.1). Les nanocristaux colloïdaux de semi-conducteur ont subi un développement très rapide depuis les premières synthèses, réalisés parallèlement au début des années 1980, dans des matrices de verre par le groupe de A. Ekimov [2] et en solution par L. Brus [3] et A. Henglein [4]. Mais ce sont les premières synthèses organo-métalliques, développées dans le groupe de M. Bawendi, qui ont permis d’atteindre des tailles nanométriques avec un 15 Généralités sur les nanocristaux colloïdaux de semi-conducteurs. FIGURE I.1 – A gauche : schéma d’un nanocristal de semi-conducteur avec des ligands de surface. A droite : image en microscopie électronique à transmission d’un nanocristal de CdSe avec ses plans cristallins (images tirées de la réf. [1]). meilleur contrôle de leur dispersion (écart-type de 10 % en taille typiquement) [5]. Depuis de nombreux nanocristaux de semi-conducteur ont été synthétisés par voie chimique, les plus célèbres étant les nanocristaux de CdSe. La figure I.2 est une photographie de solutions de différentes tailles de nanocristaux colloïdaux illuminés sous ultraviolet, composés d’un cœur sphérique de CdSe. Le décalage vers le rouge de la fluorescence des nanocristaux de plus gros cœur montre l’effet du confinement quantique. Aujourd’hui il est possible d’atteindre des rendements quantiques de fluorescence de tels objets de plus de 80 % à température ambiante. FIGURE I.2 – Nanocristaux colloïdaux de CdSe/ZnS pour différentes tailles de cœurs .
Propriétés d’absorption et de fluorescence
Le développement des synthèses de nanocristaux de semi-conducteur est particulièrement motivé par leurs propriétés de fluorescence. Celles-ci sont très intéressantes comparées à celles de fluorophores organiques. La différence principale est que leur section efficace d’absorption peut être de un à deux ordres de grandeur plus grands pour les nanocristaux. Les rendements quantiques de fluorescence de ces objets peuvent atteindre plus de 80 % à température ambiante, ce qui les rend particulièrement brillants et donc intéressants comme source de photons. De plus, la dépendance en taille de leurs propriétés d’émission et d’excitation suscite toujours de nombreuses recherches fondamentales. Les nanocristaux de semi-conducteur sont souvent qualifiés “d’atomes artificiels” car même s’ils sont composés de milliers d’atomes arrangés périodiquement, ils présentent des niveaux d’énergie discrets. L’écartement énergétique entre ces niveaux dépend de la taille du nanocristal, par des effets de confinement quantique. Ceci aura pour conséquence principale que les transitions en absorption et en émission, liées soit à la création d’une paire électron-trou liée, soit à sa recombinaison, seront discrètes. Ces effets dus au confinement quantique seront détaillés au chapitre suivant.
Cristallinité des nanocristaux
La synthèse colloïdale que nous allons décrire brièvement dans la section suivante permet d’obtenir des nanocristaux avec très peu de défauts ponctuels dans le volume du cristal, sauf dans le cas de structures plus complexes comme les composés ternaires (voir chapitre IV). En effet, pour les semi-conducteurs II-VI, la formation de défauts n’est pas favorable énergétiquement et donnerait des structures cristallographiques peu stables. Les nanocristaux synthétisés durant cette thèse présentent une structure zinc-blende ou wurtzite (semi-conducteurs binaires II-VI) ou une structure issue de ces deux structures (semi-conducteurs I-III-VI). La structure zinc-blende (groupe d’espace F43m) est formée de deux sous-réseaux cubiques faces centrées, un pour les cations, un pour les anions, décalés entre eux de 1 4 .( −→a + −→b + −→c ). La symétrie de cette structure cristalline fait que les axes a, b et c sont équivalents. La structure wurtzite est une structure hexagonale compacte de groupe d’espace P63mc. Elle présente un axe c non équivalent aux deux autres (a et b), ce qui lui confère une asymétrie intrinsèque. Cette asymétrie est utilisée sous différents axes de zone. Les cations et anions sont représentés de deux couleurs différentes. par exemple pour synthétiser des nanocristaux allongés (nano-bâtonnets) ou aplatis (voir chapitre III). Ces deux structures cristallographiques sont proches structurellement : dans le volume du cristal chaque cation est lié à quatre anions et réciproquement. Elles diffèrent par l’empilement compact des plans d’atomes dont le motif est hexagonal. Alors que la structure wurtzite présente une alternance de l’empilement des plans du type A, B, A, B, etc. suivant la direction [001], dans la structure zinc-blende l’alternance des plans est de type A, B, C, A, B, C, etc. suivant la direction [111] (figure I.3). La stabilité relative de ces deux structures dépend de la température et de la pression du système, ainsi que des ligands utilisés [7, 8, 9, 10]. Il n’est pas rare que des défauts d’empilement apparaissent pendant la synthèse et dans ce cas, les deux structures pourront être présentes dans un même nanocristal (polytypisme). Les différences entre les structures zinc-blende et wurtzite pourront parfois entraîner des modifications des propriétés électroniques des nanocristaux et donc des propriétés optiques résultantes.