Généralités sur les matériaux composites
Le marché actuel des composites
Selon une étude de marché de la firme Lucintel, le marché global des composites devrait atteindre 113.2 milliards de dollars US à l’horizon 2022 [1]. Ce marché concernera divers secteurs allant de la production de larges composants pour l’industrie aérospatiale aux petits biens de consommation. Ce regain est dû aux nombreux avantages qu’offrent les matériaux composites en termes de propriétés mécaniques telles que la résistance mécanique ou la rigidité, la diminution de masse et la réduction des besoins énergétiques pour la production des pièces. On peut aussi citer les nombreuses innovations réalisées dans les procédés de fabrication, d’usinage et de recyclabilité des pièces en matériaux composites ces dernières années [2]. Dans le domaine des composites à fibres synthétiques, le marché est principalement dominé par la fibre de carbone et la fibre de verre. Ces composites, en raison de leur « faible coût » et de leur haute performance, sont utilisés dans divers secteurs tels que : l’aérospatial, l’automobile, l’énergie, la construction des infrastructures, la marine, l’architecture, les équipements sportifs [1]. Cependant, ces fibres synthétiques (carbone, aramide, verre, …) sont parfois victimes des fluctuations ou des hausses de prix ou encore de pénuries de matières premières nécessaires à leur fabrication du fait de la hausse de la demande. Un autre souci est celui de la recyclabilité et de l’impact environnemental des composites à fibres synthétiques. En effet, les pouvoirs publics et les citoyens sont de plus en plus sensibles aux questions environnementales. Ceci conduit à une hausse de la demande en matériaux à faible impact environnemental, recyclables et capables de concurrencer les matériaux synthétiques couramment utilisés. Pour répondre à cette demande, les scientifiques et les industriels ont développé de nouveaux matériaux composites à base de fibres naturelles (en abrégé CFN ou NFC pour “Natural Fibre Composite” en anglais) ou de bois. Ces derniers présentent les avantages suivants: faible densité, moins abrasif (moins d’usure lors de l’usinage), bonnes propriétés spécifiques (module et résistance spécifiques), facilement recyclables, bonnes propriétés d’isolation sonore et thermique, grande variété et disponibilité des fibres (en longueur et diamètre), faible consommation d’énergie pour la production, générateur d’emplois ruraux dans l’agroalimentaire ou l’agriculture [3, 4].
En raison de ces nombreux avantages, les CFN sont de plus en plus utilisés pour la fabrication de pièces automobiles (passage de roues, tableau de bord, coque arrière de siège, etc.) [5-9]. Les autres secteurs industriels d’application des CFN sont: le sport et les loisirs, l’énergie éolienne, l’emballage, les équipements personnels, le ferroviaire, les aménagements résidentiels, la mobilité et le transport en général. L’un des grands objectifs visés par le développement des CFN est celui de remplacer les fibres de verre par les fibres naturelles dans certaines applications utilisant des composites. En 2010, les biocomposites (à fibres de bois et CFN) représentaient 13% des parts du marché des composites dans l’union européenne (UE). Cette proportion devrait doubler voire quadrupler en 2020 selon l’ampleur des incitatifs législatifs en matière de protection de l’environnement [10].
Qu’est-ce qu’un matériau composite
Un matériau composite est formé de plusieurs composants élémentaires non miscibles dont l’association confère des propriétés et des performances qu’aucun des composants pris séparément ne possède. Généralement, l’un des constituants, le renfort, se présente sous forme de granules ou de fibres (courtes ou longues). Le renfort assure la tenue mécanique (résistance, rigidité). Un autre constituant, la matrice, sert de lien ou de liant au renfort et répartit ou transfère les efforts (résistance en compression ou en flexion par exemple) et assure la protection des renforts au milieu extérieur. Dans certains cas et suivant les applications il peut être nécessaire de rajouter des constituants complémentaires, appelés charges ou additifs, afin d’apporter une propriété spécifique (mécanique, électrique, thermique, couleur, résistance au feu, diminution du retrait, faciliter de démoulage, résistance au vieillissement, amélioration de l’interface fibre/matrice) au matériau composite [11]. On peut distinguer trois grandes familles de matériaux composites en fonction de la nature de la matrice [12]. Premièrement, les composites à matrice organique (CMO); ils représentent la proportion la plus importante à l’échelle industrielle. Deuxièmement, les composites à matrice céramique (CMC); ils sont principalement utilisés dans des applications de très haute technicité et travaillant à températures extrêmes (spatial, nucléaire, militaire, l’aérofreinage). Troisièmement, les composites à matrice métallique (CMM).
En fonction du taux volumique ou massique de renfort, on distingue les composites de grande diffusion (à peu près 95 % des composites utilisés) qui ont des propriétés mécaniques plutôt faibles (taux de renfort d’environ 30% et coût similaire pour la matrice et le renfort) mais un coût compatible avec une production en grande série. Il existe aussi les composites à hautes performances; ceux-ci présentent un taux de fibres élevé (50 % et plus), des propriétés spécifiques élevées et un coût unitaire important (coût du renfort plus élevé que celui de la matrice) [12]. Dans le cas des CMO, les matrices thermodurcissables et thermoplastiques sont les plus couramment utilisées. Les matrices thermodurcissables sont initialement liquides, la structure des polymères est transformée sous forme de réseau tridimensionnel (par réticulation) sous l’effet d’un traitement thermique (chaleur, rayonnement thermique) ou physico-chimique (catalyse, durcisseur). Cette transformation est irréversible. Dans le cas des matrices thermoplastiques, elles peuvent être alternativement ramollies par chauffage et durcies par refroidissement dans un intervalle de température donné. Cette réversibilité favorise la recyclabilité des matériaux composites thermoplastiques; ce qui en retour améliore le cycle de vie des composites et réduit la production de déchets issus des composites [13, 14]. Ici, les chaînes polymériques sont linéaires et la mobilité des molécules n’est pas limitée comme dans le cas des thermodurcissables.
Les matériaux composites à fibres synthétiques
Les composites à fibres synthétiques sont les plus couramment utilisés, notamment ceux à fibres de verre, de carbone et d’aramide (Kevlar). En 2015, les composites à fibres de verre dominaient le marché avec un revenu de près de 41,88 milliards $USD tandis que le marché des fibres de carbone représentait 33,9 % du volume global [17]. Ces fibres sont parmi les plus utilisées dans l’industrie.
Les fibres de verre sont prisées dans certaines industries (aéronautique et défense, énergie éolienne, transport ou automobile) en raison de leur résistance spécifique, leur résistance à l’eau, leurs propriétés spécifiques et leur diversités (type E, A, R, C, D, ECR) permettant leur utilisation dans différentes applications et secteurs industriels. Le diamètre des fibres de verre varie entre 3,25 et 14 µm [15]. Les fibres de carbone sont utilisées dans divers secteurs industriels tels que l’aéronautique (dans les avions Airbus A350 et Boeing 787, les composites à fibres de carbone représentent environ 50 % du poids), l’automobile de haut de gamme et le sport. On enregistre une demande croissante de ces fibres dans ces secteurs. On estime à 130 milliards de dollars américain le montant des ventes en fibres de carbone à l’horizon 2020 [7]. Le diamètre de ces fibres varie entre 5 et 14 µm [18].
Les matériaux composites à fibres végétales
Les composites à fibres naturelles (CFN) en général, et ceux utilisant les fibres végétales en particulier, connaissent ces dernières décennies un regain d’attention afin d‘exploiter leur potentiel pour limiter l’impact environnemental des composites à fibres synthétiques et ainsi remplacer dans les applications non structurales les composites à fibres de verre. à la fois sur les plans économiques, techniques et de l’impact environnemental. Dans le domaine de l’automobile ou des transports, les CFN sont surtout utilisés pour les pièces intérieures (panneau intérieur des portières, dossier arrière de véhicules) [8, 19, 20]. Cependant, des compagnies commencent à les utiliser dans la fabrication des carrosseries de voiture ; c’est le cas avec la voiture Kestrel® qui est un véhicule électrique développé par la compagnie canadienne Motive Industries et dont la carrosserie est faite d’un composite à fibres végétales de chanvre. Des travaux sont également réalisés afin d’utiliser les CFN dans d’autres applications structurales telles que les pales de turbine [21, 22]. Les fibres végétales peuvent être utilisées avec les résines thermoplastiques ou thermodurcissables. Cependant, une des difficultés rencontrées avec ces fibres se situe au niveau de leur compatibilité avec certaines résines. En effet, la plupart des résines ont un caractère hydrophobe tandis que les fibres végétales sont hydrophiles. Ceci crée un problème d’interface fibre/matrice dont une des conséquences est la réduction des propriétés mécaniques. Nombres de solutions ont été mises en œuvre pour améliorer cette interface dans les CFN, notamment en soumettant les fibres à des traitements chimiques tels que l’alkylation et l’acétylation [24-27]. D’autres travaux ont été réalisés pour développer de nouvelles résines biosourcées en remplacement des résines synthétiques [29-31]. De même différentes architectures de fibres (unidirectionnelles, les tissus non sertis ou « non crimp fabric ») sont développées afin d’obtenir de meilleures performances dans les composites [16, 32-34].
INTRODUCTION |