Effet du conditionnement sur la réactivité des semences de champignons comestibles et la valorisation du substrat de culture
Généralités sur les champignons comestibles
La biologie du champignon
Les Fungi Les champignons forment le règne des Fungi, Le nombre d’espèces de Fungi retrouvé sur la planète est estimé à plus de 1,5 millions, mais seulement 74000 à 120000 ont été décrits jusqu’à ce jour (Garibay et al. 2009). Ils forment un groupe qui se distingue nettement des végétaux. Les végétaux utilisent directement l’énergie solaire grâce à la chlorophylle. Le champignon n’a pas cette capacité, il dépend d’autres organismes pour son alimentation. Il absorbe les matières nutritives à partir de la matière organique dans laquelle il vit. L’organisme vivant du champignon n’est pas seulement la fructification qu’on aperçoit au-dessus du sol mais aussi le mycélium qu’on trouve en grande partie enfoui sous ou dans le sol, à l’intérieur des plantes ou à l’intérieur du substrat de culture des champignons (Wasser et al. 2002). Le règne des champignons présente les caractères suivants : • Hétérotrophes : vis-à-vis du carbone (matières organiques) car il y’a absence de pigments assimilateurs ; par manque de chlorophylle, ils sont incapables d’assurer la photosynthèse. • Absorbotrophes (par opposition aux animaux qui pratiquent l’ingestion, et aux végétaux qui pratiquent l’assimilation). Les champignons ont une sorte de digestion extracellulaire suivie de l’absorption des nutriments à travers la paroi externe. • Thallophytes : l’appareil végétatif est ramifié, diffus et tubulaire car constitué de filaments (thalle). • Spores non flagellées (ou exceptionnellement uniflagellées), en tous cas jamais biflagellées. • Paroi cellulaire chitineuse et non cellulosique.
Cycle de vie du champignon
Le cycle de vie d’un champignon est très variable selon le groupe de champignon étudié. Le cycle de reproduction du champignon commence lorsque le champignon adulte libère ses spores : c’est la sporulation. Les spores sont dispersées grâce au vent, aux animaux et aux insectes qui se nourrissent de champignons (Figure1). Ensuite les spores attendent les conditions idéales d’humidité et de température pour se développer : chaque spore va former un fin cordon appelé hyphe contenant la moitié du matériel génétique nécessaire à la formation du champignon adulte (Chang, 2008). 3 Figure 1: cycle de reproduction d’un champignon (fortas. 2009) La reproduction des champignons est complexe, reflétant ainsi l’hétérogénéité de leur mode de vie. Elle peut être sexuée ou asexuée, bien que certains champignons alternent entre les deux types de reproduction. a. Reproduction asexuée La reproduction asexuée commune à presque tous les champignons se fait sans fusion de gamètes. Elle peut se faire par bourgeonnement, fission binaire, fragmentation ou par formation de spores. · Le bourgeonnement et la fission binaire Le bourgeonnement et la fission binaire sont les formes de reproduction asexuée les plus simples. Le bourgeonnement est une division inégale du cytoplasme, résultant en une cellule parent et une cellule fille, celle-ci étant plus petite que la cellule mère. La fission binaire par contre aboutit à deux cellules identiques. Ces deux formes de reproduction suivent la mitose (Abbott et Pauli. 1997). La fragmentation et la sporulation constituent également d’autres formes de reproduction asexuée. · La fragmentation et la sporulation La fragmentation est une forme de reproduction asexuée où un nouvel organisme se développe à partir d’un fragment parent. La sporulation est la plus importante forme de reproduction 4 asexuée chez les champignons. Elle se fait à travers les spores asexuées, formées au cours de la phase asexuée du cycle de vie des champignons (phase anamorphe). Suite à une mitose, ces spores se transforment en cellules reproductives appelées mitospores qui, après dispersion, se développent en de nouveaux organismes. Après fragmentation du protoplasme en plusieurs parties, il se forme des parois autour des prospores puis la maturation s’arrête et les parois disparaissent. Le protoplasme devient moins dense et les prospores fusionnent pour donner une nouvelle cellule végétative puis le bourgeonnement commence (Stamet et al. 2000). b. Reproduction sexuée Pour qu’une reproduction sexuée se réalise, il est nécessaire d’avoir deux noyaux haploïdes capables de s’accoupler, ou un seul noyau diploïde. Les deux noyaux haploïdes doivent d’abord fusionner en un noyau diploïde qui subit par la suite une méiose. Cette méiose est à l’origine de la variation au sein de la progéniture fongique (Figure_2). Ces évènements sont suivis par la formation de spores (les ascospores, les basidiospores, zygospores), dont le processus varie en fonction des différentes classes de champignons (De kesel et al. 2002). Figure 2: Illustration de la reproduction chez les ascomycètes (Fao, 2006) En fonction des conditions du milieu, plusieurs champignons alternent entre la reproduction sexuée et asexuée. Par exemple la moisissure du genre Dictyostelium effectue une fission binaire lorsque les conditions sont favorables. Mais lorsque celles-ci deviennent Sexuée 5 défavorables (dessiccation, rayons UV, augmentation ou baisse de la température), le champignon procède à une reproduction sexuée qui aboutit à la formation de spores. Certains champignons échangent également leur matériel génétique par des processus parasexués. La fréquence et l’importance relative de ce mode de reproduction ne sont pas bien claires et peuvent être faibles comparées à celles de la reproduction sexuée. Toutefois, ce mode de reproduction est nécessaire dans l’hybridation qui est associée à l’évolution des espèces fongiques (Beyer et Dibaluka. 2005).
Importance des champignons
Le secteur des champignons comestibles, très prometteur du point de vue alimentaire mais aussi économique et agronomique est peu développé et mal connu en Afrique. L’exploitation irrationnelle de ce patrimoine risque de compromettre le potentiel naturel de la ressource et peut entraîner la disparition de certaines espèces rares. La connaissance du patrimoine, sa conservation et sa valorisation sont donc nécessaires (Hall et al. 2008).
Rôle agronomique des champignons
Dépourvus de chlorophylle, les champignons dégradent la matière organique pour obtenir de l’énergie. Ils sécrètent des cytokinines endogènes qui interviennent dans la régulation de croissance des plantes hôtes. La zéaline et la zéaline-riboside sont des phytohormones qui ont été extraites des carpophores des Pleurotus sajor-caju (Boukepessi et Tchaa. 2008). Le substrat de culture des champignons est beaucoup utilisé dans le compostage. Il est recyclé pour servir de nourriture aux animaux et pour la fertilisation des terres (Marx et al. 1993). Le mutualisme entre champignons et plantes cultivées entraine une amélioration du transport des nutriments et constitue une alternative à l’utilisation des engrais chimiques. L’action prophylactique de certains champignons est prouvée contre certains ravageurs comme les insectes et les nématodes du sol (Mosibono et al. 1991). Après compostage, les substrats peuvent également être utilisés comme engrais organique et améliorer ainsi les rendements des cultures et la durabilité des sols de culture. La culture des champignons constitue un modèle de référence du développement durable car elle permet la réduction de l’utilisation des engrais chimiques. Le substrat de culture des champignons n’a pas d’impacts négatifs ni sur la santé 6 des populations ni sur l’environnement. Les champignons présentent plusieurs intérêts au plan économique et social
Impact socio-économique des champignons
L’importance économique des champignons comestibles est souvent méconnue. En effet, il est difficile de chiffrer avec exactitude la quantité annuelle produite par les différents pays. Les intérêts des champignons comestibles sont multiples : le premier intérêt est la valeur gastronomique qui donne aux champignons l’image d’un produit de luxe, de grande valeur, tant sur les marchés locaux qu’à l’exportation. Le second est la possibilité de valoriser des matières premières locales de faible coût, parfois des résidus de l’agriculture ou de l’industrie agroalimentaire (paille de céréales, feuilles diverses, bagasse, papiers, etc.) (Hayes et al. 1993). En fonction de leurs qualités gastronomiques, les champignons comestibles peuvent être divisés en trois catégories : – La première regroupe les champignons dits de « luxe » dont le prix moyen varie entre 25 et 50 euro par kilogramme en fonction des saisons et les périodes de récolte. Seules deux espèces de truffes (Tuber magnatum et T. melanosporum) partagent cette catégorie. – La deuxième représente les champignons moyennement chers c’est à dire ceux qui coûtent entre 10 et 20 euro par kilogramme. Quelques espèces de truffes (Tuber brumale, T. moschatum, T. mesentericum, T. aestivum, T. uncinatum et T. albidum) et les oronges (Amanita caesarea) représentent l’élite de cette catégorie ; – Enfin la troisième catégorie qui regroupe tout le reste des champignons comestibles en particulier les morilles (Morchella vulgaris, M. rotunda et M. deliciosa), les cèpes (Boletus edulis et B. aereus), les chanterelles (Cantharellus cibarius), les mousserons (Lyo-phyllum georgî), etc. et dont le prix varie entre 5 et 10 euro par Kilogramme. En Afrique, il est difficile de chiffrer avec exactitude la quantité de champignons comestibles produite annuellement. Les informations disponibles ne sont pas complètes et régulières ce qui illustre l’inorganisation de la filière (Stanley et al. 2011). La culture des champignons est une culture de rente. Les fructifications récoltées peuvent être vendues sur les marchés locaux pour un revenu familial supplémentaire ou exportées pour une source importante de devises qui va certainement améliorer les conditions économiques de la population (Dibaluka. 1992 ; Chang. 2009). La production des champignons est considérée comme la seconde et la plus importante technologie microbienne commerciale devant celle des levures (Pauli G. 1996). Les champignons comestibles présentent plusieurs avantages nutritionnels.
Importance nutritionnelle des champignons
Les champignons comestibles renferment 20 à 40 % de protéines dont la composition en acides aminés essentiels se rapproche de celle des animaux. Ils sont riches en vitamines surtout les vitamines B1 et B2. En outre, ils contiennent des éléments minéraux comme K, P, Fe (Walleyn et al. 1994). Par ailleurs, le genre pleurotes produit de l’éritadénine reconnue pour ses propriétés hypocholestérolémiantes qui servent dans la lutte contre l’obésité (TSHINYANGU et al.1994). Le marché mondial des champignons ne cesse de croître, tant la grande diversité des produits comestibles à haute valeur ajoutée est appréciable. En effet la domestication des champignons comestibles peut garantir les bases de réussite des politiques d’autosuffisance alimentaire en Afrique. Le potentiel nutritionnel de ces champignons connu est valorisé dans plusieurs pays (Heim et R. 1964). Par exemple, en Zambie la consommation annuelle de champignon par villageois est estimée à 30 Kg (Parent et al. 1977). L’importance nutritionnelle de ces champignons augmente de façon significative pendant les périodes de soudure. Cet intérêt porté aux champignons a de nombreuses implications nutritionnelles qui ont été démontrées par plusieurs auteurs dont (Härkönen et al. 1995). Par ailleurs, les champignons comestibles, par leur valeur alimentaire, peuvent compléter ou rééquilibrer des menus trop riches en lipides ou pauvres en matières azotées et prendre une part importante dans l’alimentation protéique des populations rurales et urbaines (Hsu et al. 1994).
Les champignons comestibles sauvages
Les champignons comestibles sauvages sont des champignons qui n’ont pas pu faire l’objet d’une mise en culture mais plutôt d’une cueillette saisonnière. Les champignons étaient déjà cueillis dans les forêts depuis les périodes anciennes et ils sont hautement estimés, quoique plus appréciés des populations de rang élevé que par les paysans (Beelman et al. 2006). Aujourd’hui, dans certains pays les priorités de recherche s’orientent vers les espèces ayant la plus grande importance au plan économique et écologique (Gervais et al. 1994). 8 Dans les pays en développement, les champignons forestiers comestibles contribuent substantiellement au régime alimentaire et aux revenus des populations rurales. Ils jouent également un rôle fondamental dans la santé et l’équilibre des écosystèmes forestiers (Boa et Eyi. 2006). Les champignons forestiers comestibles sont d’une importance considérable, en effet plus de 3000 espèces sont consommées à travers le monde et plus d’une centaine présente des propriétés thérapeutiques prometteuses pour le traitement du cancer et d’autres maladies chroniques (Dewhurst et Mshigeni. 2002). Les champignons sauvages sont très recherchés par les populations rurales en Afrique tropicale. Cet attrait pour les champignons réside dans leurs nombreux usages dont le plus important est alimentaire. Les champignons comestibles sont de plus en plus considérés comme aliment de substitution à la viande et au poisson en milieu rural (Boa et al 2000). Les champignons saprophytes sauvages comestibles peuvent générer par leur vente locale d’importants revenus. Les champignons sauvages comestibles ont aussi un grand potentiel dans la gestion des forêts et la production durable de matière forestière (Boa et al. 2006). Beaucoup d’espèces de champignons comestibles sauvages vivent en symbiose avec les arbres et cette association mycorhizienne favorise la croissance des forêts naturelles et des plantations commerciales dans les zones tempérées et tropicales (Figure3) (Ducousso et al. 2003).
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