GENERALITES SUR LA TRANSFORMATION MARTENSITIQUE
L’origine des propriétés des alliages à mémoire de forme (AMF) est due à une transformation de phase à l’état solide bien connue qui est la transformation martensitique. Aussi, il est intéressant de donner un aperçu sur cette transformation afin de bien cerner et comprendre le comportement des AMF. Selon Buerger [1], les transformations de phases à l’état solide peuvent se diviser en deux grandes catégories: les transitions reconstructives et les transitions displacives. ** Les transitions reconstructives: dans cette classe, il y a rupture des liaisons de la phase mère et reconstruction de la nouvelle phase par diffusion des atomes. Le déplacement des atomes se fait sur une grande distance par rapport à la distance inter atomique et se distribuent d’une manière aléatoire dans le solide. ** Les transitions displacives: dans ce cas, le déplacement des atomes se fait d’une façon coordonnée sur une courte distance inférieure à la distance inter-atomique. Il se produit d’une manière coopérative et corrélée pour un très grand nombre d’ions. Ce réarrangement d’atomes se fait sans diffusion. La transition displacive peut donc exister à toute température et se fait très rapidement sans modification ni de la composition chimique ni du degré d’ordre.
DEFINITION
La transformation martensitique est une transition de phase à l’état solide qui appartient à cette dernière catégorie, c’est à dire la classe des transitions displacives. La transformation martensitique est connue depuis longtemps notamment dans le cas des aciers au carbone qui, trempés depuis la phase haute température, évoluent de l’état cubique à face centrée (C.F.C.) vers une structure quadratique ou cubique centré (C.C.). Le terme martensite, du nom du métallurgiste allemand Adolf Martens, désignait à l’origine ce type de transformation dans les aciers. A présent, ce terme est généralisé à toutes les transitions que l’on obtient à partir d’une phase haute température (dite austénite) par des mécanismes similaires. Certains alliages métalliques et même certains matériaux non métalliques peuvent présenter une transformation martensitique. La définition de la transformation martensitique couramment utilisée est la suivante [2]: «c’est une transformation sans diffusion, du premier ordre, avec déformation homogène du réseau, constituée principalement par un cisaillement». Cette définition a été par la suite légèrement modifiée par Christian et al [3] pour donner: «c’est une transformation de phase sans diffusion atomique, engendrée par nucléation et croissance, caractérisée par une déformation homogène du réseau constituée principalement par un cisaillement». En 1995, Clapp [4] donne une autre définition de la transformation martensitique, plus simple et plus facile à vérifier expérimentalement. Il propose alors la définition suivante: «une transformation martensitique entraîne un mouvement coopératif d’atomes à travers une interface en produisant un changement de forme et un son». Autrement dit, la transformation martensitique peut être détectée par une émission acoustique due au mouvement coopératif des atomes. – Transformation displacive: le déplacement des atomes pendant la transformation s’effectue de manière corrélée pour un très grand nombre d’atomes sur une très courte distance, inférieure à la distance interatomique. La phase martensitique hérite de l’ensemble des caractères de la phase mère qui dépendent du phénomène de diffusion. – La transformation martensitique est du 1er ordre, d’où une discontinuité des grandeurs physiques reliées aux dérivées premières du potentiel thermodynamique. On a ainsi une discontinuité de la chaleur spécifique ou du module élastique. Elle implique la coexistence de deux phases séparés par une interface nette. – La déformation homogène du réseau signifie que le champ de déformation est le même en chaque point du cristal. Cela se traduit en particulier par la transformation d’une droite en une droite et d’un plan en un plan. La déformation homogène du réseau est principalement due à un cisaillement. Ce dernier peut s’accompagner d’un déplacement relatif des atomes à l’intérieur de la maille. Ces déplacements sont appelés shuffles [5] (figure I-1). Les transformations ne présentant que des shuffles existent, mais bien qu’elles ont un caractère displacif, elles ne sont pas à classer parmi les transformations martensitiques au vu des définitions proposées. c) déformation homogène + shuffles b) shuffles a) déformation homogène état final état initial Figure I-1: Description schématique d’un shuffle Le tableau I-1 ci-dessous donne quelques exemples de matériaux qui présentent une transformation martensitique: Matériaux Concentration Transformation au refroidissement Fe-Ni 27 – 34% Ni poids C.F.C → C.C Au-Cd 47,5 % atomique C.C → H.C Cu-Zn-Al 21% Zn et 6% Al C.C → C.F.C In-Tl 25–27% atomique C.F.C → Q.F.C Fe-Mn-Si – CFC → HC Zr-O2 – Tétragonal → monoclinique Tableau I-1: Exemple de quelques matériaux et alliages présentant une transformation martensitique [6, 7, 8].
CARACTERISTIQUES MACROSCOPIQUES
Lors de la transformation martensitique, l’interface entre les deux phases (austénite– martensite) est un plan invariant nommé plan d’habitat ou plan d’accolement. A l’échelle du microscope optique, la transformation peut s’opérer par un cisaillement homogène parallèle au plan d’accolement (figure I-2). En fait, il existe un faible changement de volume ∆V, d’où la direction de cisaillement n’est pas exactement parallèle au plan d’habitat. La déformation macroscopique pendant la transformation peut alors se décomposer en deux termes: un cisaillement parallèle au plan d’habitat et une déformation perpendiculaire à ce même plan (figure I-3). La déformation homogène se décompose alors en un cisaillement Cs parallèle au plan d’habitat et une déformation εn normale au plan d’habitat. Lors de la transformation, les droites sont changées en droites et les plans en plans; la transformation est affine et peut être représentée par une matrice P1 telle que: Y = P1 X (1) X: vecteur colonne de la phase mère Y: vecteur correspondant après la transformation de la martensite. P1: représente la déformation affine (linéaire) au plan invariant Où: Variante de martensite Phase mère Figure I-2: Représentation schématique de la formation d’une plaquette de martensite Déplacement Plan d’habitat 5 →Cs’ →Cs Plan d’habitat εn Figure I-3: Représentation de la déformation macroscopique pendant la transformation [9]. Pour un cristal donné, il existe plusieurs possibilités d’orientation des variantes de martensite (plan d’habitat et déformation). En général, un monocristal d’austénite, donne plusieurs variantes de martensite dites auto–accommodantes qui engendrent une transformation sans déformation macroscopique significative [10, 11, 12]. A titre d’exemple, dans un monocristal cubique, il existe 24 variantes de martensite possibles (figure I-4). Equiprobables, les variantes se forment de façon à accommoder leurs déformations respectives. (a) (b) Figure I-4: Variantes auto–accommodantes [11]. (a): à deux dimensions. (b): à trois dimensions.