Il est reconnu que le développement local n’est pas une méthode ou une recette et qui, avant d’être un résultat tangible, peut être considéré comme « un processus durable de construction et de gestion d’un territoire, à travers lequel la population de celui-ci définit, au moyen d’un pacte sociopolitique et de la mise en place d’un cadre institutionnel adapté au contexte, son rapport à la nature et son mode de vie, consolide les liens sociaux, améliore son bien-être et construit une identité culturelle qui a sa base matérielle dans la construction de ce territoire ».
Actuellement, avec le phénomène de la « globalisation » et les économies toujours de plus en plus interdépendantes, tous les territoires, dans le monde, prennent conscience des interactions croissantes entre développement local et développement global ainsi que des relations à tisser avec des territoires proches ou lointains.
Il émerge en effet une conscience commune selon laquelle les défis du développement local sont partagés par tous, certes avec des intensités variables suivant les ressources humaines, techniques et financières de chacun. Assurer le droit au travail, par le développement d’un tissu économique local, permettre une mobilité effective de tous les habitants sans accroître l’impact climatique des modes de transport, garantir l’accès de chaque habitant aux services de base, lutter contre les exclusions et les discriminations de toutes sortes, permettre la participation active des citoyens à la vie de la cité et leur ouverture à l’international, ou encore mettre en valeur les richesses sociales, économiques, culturelles et naturelles au service de l’attractivité… bref, autant d’enjeux que les territoires du monde ont en partage et pour lesquels les alliances dans la recherche de solutions sont désormais nécessaires.
GENERALITES SUR LA COOPERATION DECENTRALISEE
Le concept de « coopération décentralisée »
Comme nous l’avions dit dans le cadre de notre introduction, le concept de coopération décentralisée est encore largement méconnu par un grand nombre, voire même parfois par ceux qui la pratiquent. Pour bien cerner le concept, il s’avère alors nécessaire de parler de son émergence, puis essayer de le définir et aussi voir son évolution.
Emergence de la coopération décentralisée
L’émergence de la coopération décentralisée est liée à deux grandes dynamiques contextuelles :
– Une dynamique mondiale : la montée en puissance des collectivités territoriales
– Une dynamique à laquelle n’échappe pas le champ des relations internationales : le développement de l’action internationale des collectivités territoriales .
▶ La montée en puissance des collectivités territoriales
Encore dans les années 80, les collectivités territoriales, que ce soit en Europe ou dans le reste du monde, pesaient peu au sein des Etats et encore moins sur le plan international. Ceci était d’autant plus vrai dans des Etats fortement centralisés comme l’étaient la France ainsi que la plupart des pays d’Afrique francophone dont l’organisation territoriale s’était inspirée du système centralisé français.
En France, l’émergence des collectivités territoriales comme acteurs essentiels de la vie nationale date des lois de 1982 puis de 1992 . Dans la plupart des pays d’Afrique francophone, la décentralisation est un processus qui s’est développé à partir du début des années 90, sous la triple influence de l’échec des plans d’ajustement structurel (qui se sont traduits par une destruction de l’appareil administratif et des services publics locaux), du besoin d’administration que cet échec a entrainé, et des conférences nationales qui ont constitué des chambres d’échos à la fois des revendications locales. Cette évolution institutionnelle a consacré la montée en puissance du territoire comme brique de base de la démocratie, le niveau local devenant un niveau incontournable de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi des politiques publiques.
Depuis, les collectivités territoriales ont acquis une réelle place dans toutes les sphères de la vie des nations, même si celle-ci diffère fortement d’un pays à l’autre. Par exemple, si la part du budget national mis en œuvre par les collectivités territoriales n’est que de 8 % en moyenne en Afrique, elle atteint 30 % au Pérou et 60 % en Bolivie .
C’est ainsi qu’aujourd’hui presque aucune compétence, à part la défense, n’échappe à la décentralisation : police, aménagement du territoire, développement économique, santé, éducation… Toutes les compétences, se redistribuent et/ou se partagent entre l’Etat et les collectivités territoriales, avec même parfois des retours en arrière comme en Espagne ou la situation difficile des régions amène l’Etat à envisager de se réapproprier certaines des compétences antérieurement transférées.
▶ Le développement de l’action internationale des collectivités territoriales
Le développement de l’action internationale des collectivités territoriales correspond à une période durant laquelle le concept de « mondialisation » s’est imposé, englobant diverses évolutions : nouvelle distribution de la puissance, internationalisation des marchés, interrogations sur la fonction politique… Ce contexte global est commun aux collectivités territoriales du Nord et du Sud.
Les relations internationales, autrefois domaine régalien réservé à l’Etat central, sont bien entendu directement concernées par cette évolution. Alors qu’au sommet de la terre de Rio en 1992, les collectivités territoriales étaient absentes, elles sont aujourd’hui totalement impliquées dans toutes les négociations et initiatives en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique et font partie des acteurs qui négocient au côté des Etats, des organisations internationales et des ONG dans les sommets internationaux.
Cette irruption de fait des collectivités territoriales dans le champ des relations internationales précède les textes de loi, et prend des formes différentes, d’où l’émergence du terme « action extérieure des collectivités territoriales » qui regroupe un ensemble de modalités d’implication des collectivités territoriales dans le champ international.
Définition de la coopération décentralisée
D’emblée, il n’est pas aisé de définir cette notion étant donné que le terme de «coopération décentralisée » ne revêt pas véritablement le même sens partout. Cette diversité est due en grande partie au fait que la coopération décentralisée a été développée par des personnes et réseaux divers plus que par des processus institutionnels, et qu’elle n’a pas encore été l’objet de véritables processus d’harmonisation ou de normalisation.
Progressivement pourtant, le concept se clarifie pour être aujourd’hui majoritairement défini comme « la mise en place d’une relation conventionnelle entre deux ou plusieurs collectivités territoriales de pays différents dans le but de mener ensemble des actions qui peuvent concerner les différents champs de la vie de ces collectivités » .
Ainsi définie, la coopération décentralisée se caractérise alors comme :
– Une relation, pas un projet
La coopération décentralisée s’inscrit dans le temps et est à ce titre d’abord une relation entre collectivités territoriales de pays différents. C’est dans cette relation que peuvent s’inscrire des projets appuyés ou non par des Partenaires Techniques et Financiers ;
– Une relation conventionnelle
La coopération décentralisée désigne l’établissement de relation entre collectivités territoriales de deux pays formalisée par des conventions. (Pacte de jumelage, convention de partenariat, accord de coopération décentralisée..). En absence d’une convention de coopération signée entre les deux partenaires, l’intervention d’une collectivité territoriale à l’étranger relève alors tout simplement du domaine de l’Action Extérieure des Collectivités Territoriales (AECT).
– Une relation entre pairs
Dans le cadre de la coopération décentralisée, les relations s’établissent prioritairement entre élus et techniciens des collectivités territoriales. Ce sont les élus locaux qui sont généralement à l’initiative et qui engagent leur collectivité dans la relation coopération. Il s’agit donc avant tout d’une relation politique portée par les autorités locales ;
– Une relation pouvant associer des acteurs du territoire
La coopération décentralisée, au-delà des relations entre élus et techniciens des collectivités territoriales, peut aussi impliquer dans le cadre sa pratique les acteurs du territoire (associations, ONG, jeunes, diasporas, établissements scolaires, universités, entreprises, hôpitaux, missions locales, etc.).
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