Généralités sur Bactrocera dorsalis 

Etude de la dispersion de Bactrocera dorsalis Hendel (1912),(Diptera: Tephritidae)

Invasion biologique dans le monde 

Une littérature abondante et de grands programmes nationaux et internationaux sont consacrés aux problèmes des invasions biologiques qui représentent une préoccupation récurrente des sciences de l’environnement (Joly, 2000). Une « invasion » est caractérisée par l’accroissement durable de l’aire de répartition d’un taxon, qu’il s’agisse d’une ou de plusieurs populations, et que cette invasion soit naturelle ou d’origine anthropique (Williamson, 1999). Les espèces invasives peuvent être définies comme des espèces exotiques qui s’étendent à partir d’un point d’introduction situé en dehors de leur aire de répartition et deviennent abondantes (Kolar et Lodge, 2001). Ainsi, l’agriculture favorise l’établissement d’espèces exotiques directement par le transport des marchandises et indirectement par la création de sites propices à la colonisation (Duyck, 2010). Dans les milieux aquatiques (Whitfield et al., 2002) et terrestre, les invasions biologiques impliquent presque toujours un bon nombre de pays (Perrings et al., 2002). De par leur impact sur la biodiversité, les invasions biologiques sont de plus en plus considérées comme l’une des composantes du changement climatique global (Vitousek et al., 1996 ;Olson et Roy, 2002). Maintenant reconnu comme un grand problème mondial, les invasions biologiques imposent des dégâts économiques et écologiques considérables (Olson et Roy, 2002).

Généralités sur Bactrocera dorsalis 

Taxonomie et description

 Considérée auparavant comme deux espèces différentes, B. invadens est mis en synonymie avec B. dorsalis suite à des analyses morphométriques, moléculaires, cytogénétiques, comportementales et chimio-écologiques (Schutze et al., 2015). Classification taxonomique : Classe: Insectes, ordre: Diptères, Sous-ordre: Brachycères, Infraordre: Muscomorpha (Cyclorrhapha), Section (division): Schizophora, Super-famille: Tephritoidae, Famille : Tephritidae, Genre: Bactrocera, Espèce: Bactrocera dorsalis. Bactrocera dorsalis est une espèce de grande taille (environ 1 cm) présentant deux bandes jaunes longitudinales aux extrémités du scutum et un abdomen de couleur jaune-orangé avec 4 une tache noire en forme de T. Les femelles se distinguent morphologiquement des males par leur ovipositeur qui leur permet de piquer les fruits pour y déposer les œufs. Figure 1 : Adultes de B.dorsalis, femelle (droite) et male (gauche) 

Origine et répartition géographique de Bactrocera dorsalis en Afrique Originaire de Sri Lanka, 

dorsalis a été recensée pour la première fois en Afrique plus précisément au Kenya en 2003 (Khamis et al., 2012). En quelques mois, l’espèce a été retrouvée en Tanzanie (Mwatawala et al., 2004) et par la suite dans tout le continent africain (Malavasi et al., 2013). Figure 2 : Distribution de Bactrocera dorsalis en Afrique (les cercles jaune désignent la présence de l’espèce) (De Meyer et al., 2014)

 Plantes hôtes de B. dorsalis

 Il y a plus de 4000 espèces de mouches des fruits (Diptera : Tephritidae), dont environ 100 espèces qui sont d’importance économique sur les cultures fruitières commercialisables (White et al., 2006). Les plantes-hôtes des mouches des fruits sont celles dont les fruits servent de support de ponte et de développement aux larves (Gomina, 2015). La mouche orientale des fruits, B. dorsalis possède une large gamme de plantes hôtes. En Afrique, l’espèce est capable d’infester 79 plantes-hôtes appartenant à 28 familles en Afrique (De Meyer et al., 2014). Les plantes préférentielles de cette espèce sont l’Anacardiaceae : Mangifera indica (mangue), la Myrtaceae : Psidium guajava (goyave) et le Sapotaceae : Vitellaria paradoxa (karité). Ils constituent les fruits-hôtes primaires de ces ravageurs (Huguenin, 2010). On distingue en hôtes secondaires : l’Anacardiaceae : Spondias mombin (prune mombin), l’Irvingiaceae : Irvingia gabonensis (pomme sauvage), la Caricaceae : Carica papaya (papaye) et la Sapotaceae : Chrysophyllum albidum (pomme-étoile) (Vayssières, 2009).

Biologie 

Les stades pré-imaginaux des mouches des fruits sont les œufs, trois stades larvaires et un stade nymphal. La durée de développement de chaque stade varie selon la température. Au stade œuf, la température optimale pour la survie est comprise entre 20°C-30 C° alors qu’aux stades larvaires et pupe, elle est de 25°C (Rwomushana et al., 2008). Les stades œuf et larvaires se déroulent dans le fruit alors que la pupaison se passe le plus souvent dans le sol. Après émergence, l’espérance de vie est de 75,1 jours pour la femelle et 86,4 pour les males (Ekesi et al., 2006). Elle dépend de la disponibilité des ressources nutritionnelles mais aussi des conditions du milieu. Les adultes se nourrissent d’hydrates de carbones et d’eau. Nouvellement émergés, ils possèdent des réserves issues de la phase larvaire qui leur permettent de survivre un à deux jours (Ouédraogo, 2007). Les accouplements se déroulent au crépuscule et sont précédés par un phénomène appelé le « lek » pendant lequel, les males attirent les femelles en libérant des phéromones complexes (Shelly et Whittier, 1997). Bactrocera dorsalis est une espèce multivoltine (qui peut avoir plusieurs générations en une année) et le nombre de générations peut varier entre 3 et 8 en fonction de la géographique (Meats, 1981). 6 Figure 3 : Cycle de développement de B. dorsalis (Rwomushana et al., 2008) 

Les techniques de marquages des insectes

 Le marquage est nécessaire pour distinguer les individus libérés ou pour différencier entre une cohorte libérée et les congénères déjà sur le terrain. Il peut se faire individuellement ou en masse. Il existe plusieurs techniques de marquages des insectes qui dépendent souvent de la taille de l’insecte et de l’échantillon à étudier. Une technique de marquage réussie doit être facilement appliquée et rentable, persister pendant toute la durée de l’étude et ne pas affecter la compétitivité, la survie, la longévité ou le comportement des individus marqués (Hagler et Jackson, 2001). Les différents types de marquages individuels sont : la mutilation (Severin et Hartung, 1912), la peinture à la main (Aluja et Prokopy, 1992; Senger et al., 2009), des étiquettes marquées et /ou colorées (Robacker et al., 1991). Le marquage en masse peut se faire par l’utilisation de phénotypes reconnaissables (mutants génétiques) (Meats et Edgerton, 2008a; Weldon et Meats, 2007, 2010a), application des pigments fluorescents (Froerer et al., 2010a; Gilchrist et Meats, 2012), marqueurs isotopiques et marqueurs moléculaires (Peck et McQuate, 2004). Parmi toutes ces techniques, le marquage en masse avec des pigments fluorescents est souvent plus utilisé pour marquer les Tephritidae avant leur libération dans  les études de « Marking Release Recapture » (MRR) et pour identifier les mouches utilisées dans les programmes de « Sterile insect technique » (SIT) (Weldon et al., 2014). 

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La dispersion des insectes

La dispersion des insectes en fonction du temps et de la distance

 Chez les Tephritidae, peu de données sont disponibles sur la capacité de dispersion. Les études sur le « Marking Release Recapture » (MRR) montrent que leur distance moyenne de dispersion est en général inférieur à 1 km mais la distance maximale est évidemment limitée à la distance du piège le plus éloigné (Weldon et al., 2014). La distance moyenne de dispersion augmente avec le temps après lâché (Weldon et al., 2010). Il est aussi important de souligner que les Tephritidae peuvent se disperser à des distances relativement importantes et très rapidement après leur lâché (Weldon et al., 2014). Par exemple, la distance nette de déplacement de Anastrepha ludens et Anastrepha obliqua varie approximativement entre 100- 250 m le premier jour (Hernández et al., 2007). Des études ont montré que des males de Bactrocera cucurbitae et B. dorsalis sont recaptures à 500m du point de lâcher 1-3 jours après le lâcher (Shelly et Edu, 2010). D’autres ont montré qu’après une seule journée de lâcher B. dorsalis est recapturée à 10km et plus du point de lâcher (Hagler et al., 1992). Les résultats des études sur la dispersion des mouches des fruits sont très variables (Israely et al., 2005; Meats et Edgerton, 2008) et la dispersion de B. dorsalis est peu connue. 

Influence de l’environnement et du type de mouche sur la dispersion 

Les mouvements des Tephritidae dépendent de leur survie, de leur reproduction et de leur capacité à coloniser de nouvelles zones (Weldon et al., 2014). Les Tephritidae ont tendance à s’installer et à rester dans les zones contenant des arbres portant des fruits mûrs (Jenkins et al., 2013). La complexité du paysage est généralement considérée comme un facteur augmentant la régulation naturelle (Bianchi et al., 2006), mais elle peut aussi induire la présence d’abri pour les ravageurs en dehors de la période de production de la culture attaquée, ce qui peut avoir pour conséquence l’augmentation des dégâts (Rusch et al., 2013). Iwaizumi et Shiga; (1989) ont rapporté des déplacements de Bactrocera. cucurbitae au cours du temps dans des zones où les espèces sauvages étaient abondantes, ce qui indiquait probablement des zones riches en plantes hôtes. L’effet du vent sur la dispersion des Tephritidae constitue un sujet de débat considérable (Weldon et al., 2014). Ces mêmes auteurs affirment qu’il peut influencer la première direction 8 de vol et les tendances de recaptures. La pression et la force du vent agissent en interaction sur la distribution de la population chez C. capitata (Baker et al., 1986). L’état de l’insecte peut être aussi considéré comme un facteur pouvant influencer sur sa dispersion. Chez les insectes, la stérilisation par rayonnement gamma peut avoir des effets délétères sur la locomotion car elle peut entraîner des mutations qui engendrent des changements dans la structure des enzymes et des protéines, y compris ceux impliqués dans le métabolisme énergétique (Allen et Sohal, 1982). Malgré cela, des déplacements de mouches stériles ont été enregistrés sur de très grandes distances (MacFarlane et al., 1987), surtout lorsque la dispersion est influencée par le vent (Kawai et al., 1978). En effet, la capacité de dispersion des mouches sauvages, des mouches stériles et des mouche d’élevages en masse de Bactrocera tryoni est identique (Weldon et Meats, 2010b).

Table des matières

Introduction
Chapitre I : Revue bibliographique
I .1 Invasion biologique dans le monde
I .2 Généralités sur Bactrocera dorsalis
I.2.1 Taxonomie et description
I.2.5 Origine et répartition géographique de Bactrocera dorsalis en Afrique
I.2.4 Plantes hôtes de B. dorsalis
I.2.2 Biologie
I.3 Les techniques de marquages des insectes
I.5 La dispersion des insectes
I.5.1 La dispersion des insectes en fonction du temps et de la distance
I.5.2 Influence de l’environnement et du type de mouche sur la dispersion
Chapitre II : Matériels et méthodes
II.1 Effet du marquage et de la couleur du pigment sur les émergences et la survie des adultes de B. dorsalis au laboratoire
II .1.1 Marquage des pupes
II.1.2 Suivi des émergences
II.1.3 Suivi du pourcentage de survie des mouches
II.2. Etude de la dispersion de B. dorsalis sur terrain
II.2.1 Site d’étude
II.2.3 Dispositif de piégeage
II.2.4 Technique de piégeage
II.2.2 Marquage et élevage des mouches
II.2.5 Lâcher des mouches
II.2.6 Relevés des pièges et identification des mouches marquées
II.2.7 Enregistrement des données météorologiques
II.3 Analyse des résultats
Chapitre III : Résultats et discussion
III.1 Résultats
III.1.1 Effet du marquage et de la couleur du pigment sur les émergences et la durée de vie des adultes stériles au laboratoire
III.1.3 Etude de la dispersion de B. dorsalis sur le terrain .
III.2 Discussion
Conclusions et perspectives
References bibliographiques

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