Généralités et méthodes de caractérisation de la matière organique
Origine de la matière organique
Pouvant être d’origine naturelle ou anthropique, la matière organique (MO) constitue un ensemble complexe et hétérogène de macromolécules dont la taille peut varier entre 100 et 100 000 Daltons (Leenheer et Croué, 2003). Celle-ci est majoritairement issue de l’activité métabolique de dégradation des microorganismes, de débris végétaux ou de résidus d’animaux, mais également de la production primaire du phytoplancton dans les eaux du milieu récepteur. Sa composition est dépendante de son origine (terrestre ou aquatique), sa localisation ou encore de sa période d‘étude. Il est encore difficile à l’heure actuelle de définir une liste exhaustive de la totalité de ses composés. De façon opérationnelle, la matière organique dissoute (MOD) représente la fraction de MO qui n’est pas retenue sur un filtre de porosité 0,45 à 0,7 µm à l’inverse de la matière organique particulaire (MOP) (Aiken et al., 2011). La Figure 1 présente les différentes tailles de la matière organique dans les eaux naturelles. Figure 1 : Continuum de la taille de la matière organique dissoute dans les environnements aquatiques (d’après Aiken et al., 2011) Dans les systèmes aquatiques continentaux, la MOD naturelle peut présenter diverses origines: on désigne comme « aquagénique » (ou autochtone), la MOD issue de la production phytoplanctonique et microbienne au sein de la colonne d’eau (Ludwig, 1997). A contrario, la MOD dite « pédogénique » (ou allochtone) renvoie aux apports terrigènes de carbone organique issus du lessivage des sols et des plantes terrestres (Spitzy et Leenheer, 1991). La MOD est qualifiée « d’anthropique » lorsque celle-ci est issue des rejets urbains traités ou non (industriels/domestiques/agricoles) ou encore des eaux de ruissellements ayant été en contact avec des surfaces soumises aux pressions humaines (sites pollués, décharges, surfaces imperméabilisées, zone agricoles avec pesticides) (Labanowski, 2004). Il a été démontré, qu’en raison de l’intensification de la pression urbaine, les apports grandissants de cette MOD anthropique dégradent la qualité des cours d’eaux en aval des agglomérations (Pernet-Coudrier, 2008). Ceux-ci impactent alors la composition de la MOD présente, ainsi que la répartition des micropolluants dans les milieux aquatiques (Matar, 2012 ; Tusseau-Vuillemin et al., 2007 ; Soares, Généralités et méthodes de caractérisation de la matière organique 1. La matière organique Généralités et méthodes de caractérisation de la matière organique 2016). Des phénomènes d’eutrophisations des eaux de surfaces sont également observés, via l’augmentation de ces apports externes de nutriments dans les cours d’eau (Imai et al., 2002).
Composition de la matière organique dissoute
La MOD d’origine naturelle se différencie de la MOD d’origine anthropique de par l’origine des molécules la constituant, ainsi que des processus qui l’ont affectée (dégradation, agglomération, biodégradation, etc.) (Pernet-Coudrier, 2008). De ce fait, les propriétés physicochimiques et la composition de la MOD varient selon sa provenance et sa période d’étude (De Perre, 2009). Il est admis que la MOD peut être divisée en deux groupes de composés tels que les substances humiques (SH) et les substances non-humiques (SNH) (Schnitzer et Khan, 1972).
Substances humiques
Les SH sont des macromolécules organiques, complexes, considérées comme biochimiquement stables de par leur résistance à l’action des microorganismes (Buffle, 1988). Elles sont une composante majeure de la matière organique naturelle (MON) des sols, systèmes aquatiques de surface, sédiments et tourbières. Elles sont principalement composées d’acides carboxyliques, d’alcools, de groupes phénoliques, carbonyles, hydroxyles, méthoxyles et aminés (Thurman, 1985, Perdue et Ritchie, 2003). Leur source principale repose sur la polymérisation de matière organique fraiche et de composés issus de la dégradation de résidus de végétaux et d’animaux (Legube et al., 1983). Néanmoins, leur composition demeure encore à ce jour incomplète en raison de la complexité des phénomènes de formation de celles-ci (Hayes and Clapp, 2001 ; MacCarthy, 2001). L’IHSS (International Humic Substances Society) définit de façon opérationnelle les SH comme étant la fraction de la matière organique retenue sur une résine macroporeuse de type XAD 8 (ester acrylique) spécifique des composés organiques de nature hydrophobes (HPO) acides (Leenheer, 1981). Les SH représentent entre 40 et 60 % du carbone organique dissous (COD) dans les systèmes aquatiques naturels de surface (Martin-Mousset et al., 1997). Celles-ci étant des polyanions dont le degré d’ionisation dépend du pH du milieu, il est possible via l’acidification de cette fraction, de jouer sur leur solubilité et les subdiviser en trois groupes (Calace et al., 2007) : les acides humiques (AH) : précipitent pour des pH inférieurs à 2 les acides fulviques (AF) : solubles pour tout pH les humines : insolubles indépendamment du pH Les écarts de solubilités observés s’expliquent par les différences structurales entre les AH et AF. On notera néanmoins que cette classification est purement opérationnelle. Celle-ci ne résulte pas en une séparation de molécules individualisées mais donne des mélanges d’espèces possédant des propriétés similaires. Les SH sont des macromolécules qui peuvent présenter une conformation linéaire ou enroulée en fonction de leurs propriétés et de la nature de la solution (Conte et Piccolo, 1999). Depuis les années 2000, la communauté scientifique s’accorde à dire que les AF ont généralement un poids moléculaire compris entre 500 et 2500 Da et les AH entre 5000 et 10 000 Da. Il ne s’agit donc pas de macromolécules ayant d’importantes masses moléculaires, mais d’objets relativement petits pouvant s’agréger entre eux par le biais d’interactions faibles (Baalousha et al., 2006; Piccolo, 2001; Swift, 1999)